Tempêtes à hauts débits, de la Réunion à Montparnasse

Le conseil régional de la Réunion et France Télécom s’affrontent régulièrement au sujet de l’ouverture à la concurrence des services d’accès à haut débit sur l’île. Saisie, l’ART devrait se prononcer dans les semaines à venir.

Pour l’ART, la Réunion est loin d’être une destination de vacances. Le développement du haut débit sur l’île suscite des polémiques récurrentes entre le conseil régional et France Telecom. Cette fois-ci, l’autorité régulatrice va devoir trancher sur les conditions d’accès au réseau Safe (South Africa-Far East). Ce réseau de câble sous-marin relie la Réunion à l’Afrique et à l’Europe. France Telecom, qui en est actionnaire, n’ouvre pas le réseau aux autres opérateurs, aux dires du conseil régional. L’opérateur historique réplique que «

France Telecom Longue Distance a prévu des ressources en vue de la commercialisation aux autres opérateurs ». Néanmoins, Jean-Paul Guérin, responsable, à la CDC, du département Développement numérique des territoires (au sein de la Direction de la stratégie et du développement des TIC) note «peu d’ouverture de France Télécom» sur cette question. Par ailleurs, commente-t-il, «cette attitude peut être dommageable aux projets de développement du haut débit sur l’île, si elle décourage les opérateurs qui voudraient s’engager». Sans lien avec les réseaux mondiaux, l’île constitue en effet un marché étroit. Canne à sucre et haut débit La concurrence dans ce marché du haut débit sur l’île constitue une autre pomme de discorde entre le conseil régional et France Télécom. A ce sujet, l’ART a rendu le 18 juillet dernier un avis favorable sur les offres tarifaires IP-ADSL de l’opérateur historique. Néanmoins, le conseil régional estime que la concurrence n’est pas effective. Il a donc prévu de déployer avant fin 2002 une boucle s’adossant aux lignes à haute tension d’EDF. A partir de 2004, ce réseau fera le tour de l’île, doublant celui de France Telecom. Fort de l’avis favorable rendu par l’ART, l’opérateur historique conteste l’intérêt de ce projet. «France Telecom a développé son offre dans les zones à forte densité de population, ou à activité intense, mais cela ne couvre pas toute la population» estime Guy Jarnac, vice-président du conseil régional. «Pour mettre en place l’infrastructure, nous avions exonéré l’opérateur de la taxe Octroi de mer, car l’ouverture du réseau haut débit devait contribuer à l’aménagement numérique du territoire. Or, les prix consentis par France Télécom aux autres opérateurs représentent 75% à 90% du prix public, et donc empêchent toute rentabilité», poursuit-il. Une étude de l’Union européenne confirme que «les conditions tarifaires proposées aux fournisseurs d’accès par France Telecom ne leur permettent pas de rentabiliser leurs services ADSL. D’après France Telecom, deux tiers des Réunionnais vivent dans une zone où le haut débit est disponible. Le conseil régional s’est fixé l’objectif d’amener le haut débit à 80% de la population en cinq ans. Le coût du projet, appuyé par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), est estimé à 14 millions d’euros. Le fonds européen de développement économique régional (Feder), pourrait prendre à sa charge jusqu’à 60% du coût. Pour proposer le meilleur prix aux utilisateurs, la concurrence sera ouverte à tous les opérateurs présents sur l’île… «y compris France Télécom» , précise ironiquement Guy Jarnac. Pour l’opérateur historique, son «propre réseau [lui] permet de véhiculer les besoins actuels et futurs de [ses] clients. L’infrastructure du conseil régional constituerait tout au plus une alternative pour certaines zones de montagne». Bref, la polémique ne semble pas prête de s’éteindre entre un opérateur historique soucieux de conserver ses prérogatives, et un conseil régional aux ambitions numériques haut débit. «La canne à sucre c’est fini!» s’exclame Guy Jarnac : «L’avenir de la Réunion, c’est de devenir le pôle d’excellence high-tech de la région». Et celui de l’ART, de continuer à apaiser les cyclones réunionnais…