Thierry Breton : « La grande affaire de l’Europe, ce n’est plus la monnaie, mais la donnée »

Lors d’un colloque organisé par la fédération Syntec, le patron d’Atos, Thierry Breton, est revenu sur son idée de « Schengen de la donnée ». Selon lui, la grande affaire de l’Union européenne aujourd’hui, ce n’est plus la monnaie, mais le marché unique de la donnée.

Dans le cadre d’un colloque intitulé « Initiatives pour une nouvelle croissance », organisé en fin de semaine dernière par la fédération Syntec (ingénierie, services informatiques, études et conseil, recrutement et formation professionnelle), Thierry Breton a affirmé être convaincu que l’économie européenne pouvait bénéficier des Big Data, « si la proximité entre le réservoir de données que créent chaque jour les utilisateurs et les entreprises européennes est assurée ». Une façon de militer pour le « Schengen des données » que prône le patron d’Atos, chargé par la Commission européenne d’une réflexion sur le sujet avec Jim Snabe, le co-Pdg de SAP.

« Aujourd’hui le sujet pour l’Europe, ce n’est plus le charbon ou la monnaie, mais bien les données. L’Union doit mettre en place un espace commun assurant leur libre circulation », affirme l’ancien ministre.

Données européennes, règles européennes

Libéraliser donc, mais aussi restaurer la confiance. Car les révélations d’Edward Snowden sur les écoutes à grandes échelles menées par la NSA ont profondément entamé la confiance des citoyens et des entreprises, assure Thierry Breton. « Michel Serres (le philosophe s’exprimait en introduction de ce colloque, NDLR) dit qu’avec le numérique, nous avons changé d’espace. Mais cet espace, nous devons maintenant l’organiser, voire le réguler. L’affaire Prism montre qu’à défaut, nous n’aurons plus de vie privée sur cet espace et que, qui plus est, on pourra y retrouver toutes les informations concernant chaque individu. Traiter, processer et stocker des données ne sont donc pas des actes neutres. »

D’où l’idée d’un Schengen des données, issu des réflexions que mènent Thierry Breton et Jim Snabe avec l’appui d’une trentaine de grands acteurs de l’IT. « Il faut fixer des conditions d’exploitation de ces données par des clauses particulières, voire une directive. Et affirmer que, si ce sont des données européennes qui sont concernées, ce sont les règles européennes qui s’appliquent et non des législations extra-territoriales », précise le patron d’Atos, qui note que de nombreux clients de sa société s’inquiètent des conséquences possibles du Patriot Act américain.

Vers une suspension des accès à Swift ?

Signalons que le le Parlement européen prépare plusieurs amendements dédiés au Cloud, et susceptibles de changer les règles du jeu dans l’industrie du Cloud. Notamment en durcissant l’accès au marché pour les fournisseurs nord-américains. Ces amendements seraient insérés dans la future législation européenne sur la protection des données. Les autorités européennes espèrent voter ce renforcement des règles encadrant le Cloud avant les élections européennes de mai.

Fin septembre, la Commission d’enquête européenne sur les libertés civiles portant sur les mécanismes de surveillance des Etats-Unis et d’Etats européens a également demandé une suspension du programme TFTP (Terrorist Finance Tracking Program), qui permet au Trésor américain d’avoir accès à des données stockées en Europe par la chambre de compensation Swift.

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