Très haut débit: le gouvernement veut laisser l’avantage à France Télécom

Comme en Allemagne, l’opérateur qui prend le risque de l’investissement serait exempté de régulation et donc protégé de la concurrence

Faut-il ouvrir directement les futurs réseaux à très haut débit en fibre optique à la concurrence ? Cette question commence à angoisser les opérateurs au moment où les projets de déploiements de réseaux de nouvelle génération commencent à apparaître.

La France semble avoir pris sa position. Une position qui protège France Télécom et ses investissements. Pour « déployer rapidement » un réseau en fibre optique, « il faut laisser un avantage à celui qui prend le risque de l’investissement », a déclaré François Loos, ministre de l’Industrie lors du conseil télécommunications de Bruxelles, réunissant les vingt-cinq ministres chargés de ce secteur. En clair, compte tenu des investissements colossaux nécessaires pour déployer un réseau en fibre optique au niveau national, France Télécom serait exempté de régulation et donc protégé de la concurrence, au moins pendant quelques années. « La régulation ne doit pas bloquer l’innovation », poursuit le ministre. Selon l’Idate, il faudra d’abord débourser 10 milliards d’euros pour couvrir 40% de la population urbaine française. 30 milliards supplémentaires seront nécessaires pour couvrir les 60% restant de la population des zones urbaines. On comprend pourquoi France Trélécom tient à un monopole, même provisoire. C’est une volonté clairement affichée par Didier Lombard, président de France Télécom. Il souhaite que les marchés émergents, ne soient pas « sur-régulés », sous peine d’entraver le développement technologique et commercial de l’opérateur. Une vision qui n’est pas partagée par l’Arcep, le régulateur des télécoms. « Un scénario de développement de fibre dont les modalités conduiraient, de droit ou de fait, à une re-monopolisation du marché du haut débit professionnel, ne serait pas conforme aux objectifs fondamentaux de la régulation. A moyen terme, tant les entreprises individuellement, que la compétitivité de la France dans son ensemble, en paieraient le prix. Pour la clientèle résidentielle, le marché semble nettement moins mûr », expliquait-il en novembre dernier. La situation est similaire en Allemagne. Deutsche Telekom investit 3 milliards d’euros pour les nouveaux réseaux. Comme son homologue français, il estime avoir droit à l’exclusivité du réseau. Il a obtenu le soutien du gouvernement qui s’apprête à déposer au parlement un projet de loi le protégeant de la concurrence. Un projet de loi qui déplaît fortement à la Commission européenne. Bruxelles a prévenu en mai dernier qu’elle engagerait une procédure à l’encontre de l’Allemagne si le parlement approuvait le texte. « Si le parlement allemand devait suivre le projet de loi gouvernemental, je serais déterminée à ouvrir une procédure pour infraction contre l’Allemagne », a déclaré la commissaire européenne chargée de la Société de l’information Viviane Reding dans un communiqué. « Nous ne pouvons pas nous permettre de créer de nouveaux monopoles pour des questions d’opportunisme politique à court terme. », souligne-t-elle. Les projets de France Télécom

Objectif: permettre un débit de 100 Mb/s avec le NGBS (Next Generation Broadband Services) qui permet l’usage simultané de plusieurs services très haut débit, comme regarder la télévision tout en discutant avec ses amis en visiophonie sur un même écran. L’opérateur va lancer un test de ‘FTTH’ (pour Fiber-to-the-home) dans 6 arrondissements de Paris et dans 6 villes des Hauts-de-Seine. Cette expérimentation, qui s’appuie sur un réseau de desserte en fibre optique déployé jusqu’au domicile du client, concernera quelques milliers de foyers, précise un communiqué. L’objet du pilote lancé aujourd’hui est d’assurer au Groupe la maîtrise opérationnelle de cette technologie. Cette expérimentation en grandeur nature permettra de valider les modalités de déploiement et d’exploitation techniques, commerciales et les services associés. Pour autant, un déploiement à grande échelle coûtera des milliards d’euros. Et France Télécom n’a actuellement pas les moyens d’investir pour un lancement en 2006-2007. Le déploiement sera donc très progressif (il faut en effet amener la fibre jusqu’au domicile, ce qui implique de lourds travaux, 1.000 euros par foyer!). Et le groupe ne donne aucune date. Il indique simplement qu’il investira au moment opportun… L’offre qui sera proposée dans le cadre du pilote, comprend la TV en qualité Haute Définition, la téléphonie illimitée et un accès Internet très haut débit. A terme, le prix des abonnements FTTH devrait avoisiner 70 euros par mois.