TRIBUNE : de la décision de l’Afnor sur Open XML?

Controversée, certes, mais pas dénuée d’intérêt?

La direction de l’Afnor a tranché pour un ‘Non avec commentaires’ au projet soumis par l’Ecma de standardisation du format Office Open XML de Microsoft. Fin d’un débat houleux et début de la polémique !

Que reproche Microsoft à la décision de l’Afnor ?

Tout d’abord, la décision de l’organisme représentant de l’ISO en France ne serait pas le reflet du consensus de la commission. Il semblerait à ce propos que l’éditeur est dans le vrai (lire notre article). Et que les travaux de la commission auraient pu (dû ?) se conclure au mieux par un ‘Oui mais‘, au pire par une abstention…

Sauf que l’abstention ne résout rien et que la décision de l’Afnor adopte une stratégie politique de sensibilisation de l’ISO. Et sa proposition de scinder OOXML en deux parties et de jouer la convergence entre le noyau d’Open XML et ODF a du sens.

Cet aspect de la proposition de l’Afnor, qui figure dans les 120 pages de commentaires qui accompagnent sa réponse, ne satisfait pas non plus Microsoft, et on le comprend.

Ce dernier souhaite que soit pris en compte l’ensemble des spécification ‘annexes’ d’OOXML (4000 pages sur les 6000 du dossier fourni par l’Ecma) – en particulier tout ce qui touche à la compatibilité avec les précédentes versions d’Office, aux nouvelles approches métiers, aux formats spécifiques des fonctionnalités des applicatifs, etc.

L’Afnor propose au contraire que « toutes les fonctionnalités annexes nécessaires à la compatibilité avec les stocks de fichiers bureautiques existants chez de nombreux utilisateurs soient regroupées dans un ensemble appelé (OOXML-Extensions)« . Là aussi, la proposition de l’Afnor a du sens.

En revanche, Microsoft a raison d’insister sur l’intérêt des utilisateurs à bénéficier d’une compatibilité verticales avec les anciennes versions des formats d’Office. D’autant plus qu’avec plus de 80 % du marché de la bureautique, ces formats sont un standard de facto qui s’impose.

Mais là encore, la proposition de l’Afnor d’aboutir à un standard bureautique unique, convergence d’ODF et du noyau d’OOXML, et de séparer ces fonctionnalités pour en faire un ensemble OOXML-Extensions a du sens.

La volonté de Microsoft de pousser, par l’intermédiaire de l’Ecma, son format de fichier Office Open XML au rang de standard, se justifie pleinement dans la stratégie de l’éditeur et de nombre de ses clients. En faire une norme globale protégerait ses investissements et serait une reconnaissance politique d’Office, et non plus simplement ‘de facto’.

Mais l’éditeur ne cache pas qu’il avance d’abord ses intérêts. Or, l’utilisateur se moque de la façon à laquelle il peut accéder à ses stocks de produits bureautiques pourvu qu’il puisse en afficher le contenu avec une application. L’Afnor propose de conserver un c?ur aux fichiers, et de placer les spécificités applicatives en extensions. Dans ces conditions, cette problématique relèverait de l’éditeur, ce qui semble logique et ne justifie pas la normalisation.

En revanche, il appartient à l’ISO, dont les travaux ont une répercussion internationale politique, d’éviter que des normes se concurrencent. Et en la matière, il est difficile de reconnaître à Microsoft la pertinence de sa démarche alors qu’une norme (ODF) existe déjà, quelques imperfections qu’elle puisse afficher.

Mais le vrai danger, car il y en a un, si OOXML accède dans l’état au statut de norme, c’est que cohabitent deux standards pour un seul produit, le fichier bureautique. Car alors chaque norme, légitime, évoluera séparément et en parallèle, avec tous les risques de dérives et d’incompatibilités imaginables.

La mission de l’ISO de standardiser et de simplifier n’est donc pas compatible avec cette approche, et le discours des protagonistes n’y changera rien?

C’est pourquoi la décision de l’Afnor, pour controversée qu’elle soit, a au moins le mérite de proposer une réflexion et une autre voie, n’en déplaise au géant du logiciel comme à ses détracteurs.