Tribune : Dell, ce qui va changer (partie 2)

La suite de notre tribune sur le devenir de Dell, qui redevient privé après le retrait de Carl Icahn. Après un peu d’histoire, nous évoquons le modèle IBM repris par le constructeur.

L’image d’IBM

Dell va alors chercher, tout comme HP et d’autres acteurs importants des IT, à suivre l’exemple d’IBM. Big Blue a très vite anticipé l’évolution du marché des PC (il est le créateur du Personal Computer) et compris que l’approche industrielle des fabricants ne lui assurerait plus les confortables marges des PC d’origine. IBM a donc été le premier à s’engager vers le modèle du software (logiciel) et des services. La firme est même allée jusqu’à la radicalisation de son engagement en cédant sa division PC à Lenovo, au début du nouveau millénaire, et en faisant de sa division imprimantes Lexmark une spin-off.

A l’époque Silicon.fr, souvenez-vous, n’avait pas cédé au discours massif qui fêtait l’arrivée de HP à la tête des entreprises IT – le chiffre d’affaires du groupe a dépassé celui d’IBM dès que les résultats des PC n’ont plus figurés dans ses comptes – affichant notre préférence pour une société qui fait de la marge (IBM) plutôt qu’à celles qui font du volume (HP et Dell). Depuis, la stratégie One IBM lancée par le CEO Lou Gestner – engagée dès 1993, elle a été marquée par la grande restructuration de 1999, ponctuée depuis de coups de pouce sur les réductions d’effectifs destinés à satisfaire la gourmandise des actionnaires (encore !) – a continué de faire ses preuves.

Dans les traces d’IBM à coup d’acquisitions

Depuis plusieurs années, Dell s’est engagé sur les traces d’IBM. Certes le PC, professionnel et grand public, occupe encore une part importante dans les activités de celui que nous continuons de qualifier de constructeur. Le serveur occupe également une part importante et profite de la stratégie tarifaire agressive du groupe, qui grignote des parts de marché de HP. Après quelques hésitations et revirements, la séparation avec EMC sur l’entrée de gamme l’atteste, le stockage de données progresse fortement depuis le rachat de Compellent. Et le réseau commence à faire sérieusement parler de lui.

Mais surtout, Dell a entamé son virage vers le logiciel et le service. Cette marche forcée vers le modèle Big Blue a été boostée à coups d’acquisitions, une vingtaine d’entreprises pour environ 5 milliards de dollars au cours des quatre dernières années, dont une pépite, Quest Software. Arrivé après HP sur cette stratégie, Dell dispose d’une marge d’action réduite, qu’il compense à coups de millions de dollars grâce à un cash confortable (11 milliards de dollars à ce jour). L’imitation s’accompagne d’une concurrence effrénée entre les deux firmes. Quand l’une gonfle une division l’autre suit, et vice-versa. Pourquoi pas, puisqu’elles en ont les moyens…

Une question de temps

Mais c’est là que le buyout de Dell soulève le plus de questions : sans faire appel au marché, Dell pourra-t-elle maintenir le rythme de ses acquisitions ? C’est ce que Michael Dell affirme. Il veut maintenir la progression des activités logiciels et services à coup de R&D (recherche et développement) et d’acquisitions. Il a même annoncé vouloir doubler le budget consacré à ces deux stratégies. Et son partenaire Silver Lake devrait également lui offrir les moyens de maintenir sa politique.

Mais pour combien de temps ? Car tout fonds qui se respecte se doit de valoriser ses investissements. Sauf que la ligne de vie d’un investissement technologique et industriel n’est pas la même que celle d’un investissement boursier, fort heureusement pour Dell. Le premier se mesure dans le temps, généralement de une à plusieurs décades, tandis que la rentabilité sur le second doit être quasi immédiate. Quitte dans ce dernier cas à sacrifier l’intégrité de l’entreprise, ou plus simplement ses forces vives, qui pèsent peu de poids dans ces négociations, mais lourdement sur les charges d’une entreprise !

Le temps, c’est certainement le bien le plus précieux dont dispose désormais Michael Dell. Même s’il ne doit pas chômer, le patron de Dell se donne le temps d’affiner et de prolonger sa politique. Et surtout il ne subira plus la pression des marchés boursiers, des ‘run’ au trimestre, de l’évolution du cours d’une action. Les équipes de Dell vont également pouvoir souffler, sans pour autant relâcher la pression sur le business. Des équipes qui, si nous les interrogeons, n’apportent aucun commentaire sur cette affaire, mais qui ne cachent pas leur soulagement !

A suivre : Tribune : Dell, ce qui va changer (partie 2)


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