TRIBUNE : Intel à la recherche des e-mails perdus

C’est l’histoire d’une grande entreprise américaine qui doit fouiller dans
ses sauvegardes et celles de ses employés pour retrouver plus de 1.000 e-mails
perdus que lui demande la justice?

Dans le cadre de la procédure antifraude lancée par AMD contre Intel voici deux ans, le juge a accordé un nouveau délai de 10 jours à Intel pour retrouver et fournir au dossier, et donc au porteur de la plainte, plus de 1.000 e-mails qui doivent figurer dans la documentation de la procédure, mais qui sont perdus.

La messagerie d’Intel et de ses 99.900 employés dans le monde est gérée sur des serveurs Microsoft Exchange. Ceux-ci sont programmés pour vider automatiquement les messageries des employés tous les 35 jours, et entre 45 et 60 jours pour les cadres supérieurs (senior executive).

Si une partie des e-mails peuvent être retrouvés sur les bandes de sauvegarde, une autre partie est laissée à l’initiative des employés. Dans ces conditions, retrouver des messages individuels à partir de mots clés sur des bandes de sauvegarde non indexées et dispersées relève du casse-tête.

Pour répondre à la demande du juge Joseph Farnan, de la Cour américaine de District du Delaware ? une procédure américaine permet à la partie qui dépose une plainte de se faire communiquer des documents internes par la partie attaquée -, Intel doit donc remonter et indexer les sauvegardes afin d’en extraire les messages de référence.

Une procédure qui n’aurait théoriquement pris que quelques heures si Intel avait choisi de déployer un système unique d’archivage des messageries? Mais ce n’est pas le scénario technologique qui a été retenu par le fondeur, qui se retrouve dans l’incapacité de réunir l’ensemble des documents qu’il doit fournir à la justice et à AMD.

De plus, une bonne partie des employés aurait commis l’erreur de sauvegarder sur leur disque dur les messages reçus, mais pas les messages envoyés. Ces derniers étant effacés régulièrement? tous les 35 jours.

Quelle porte de sortie pour Intel ? Les lois sur la conservation légale des documents numériques sont récentes, par rapport aux documents papier, et la loi américaine ne stipule pas de méthode de conservation ni de restauration.

Par ailleurs, une précédente affaire (Zubulake contre UBS Warburg) avait mis en exergue le coût qualifié ‘non raisonnable’ ? estimé dans cette affaire à 300.000 dollars – pour retrouver l’information. Le juge à l’époque avait partagé les frais, 75 % pour le défenseur et 25 % pour le plaignant.

Dans l’affaire AMD contre Intel, ce coût peut être qualifié d’extravagant ! Il est peu probable qu’AMD apprécie la plaisanterie. D’ailleurs pour ce dernier, la problématique d’Intel pour retrouver les e-mails perdus s’apparente à une volonté de détruire des preuves et se réfugier derrière le facteur de l’erreur humaine.

Intel qui dans un courrier au juge et à AMD a reconnu avoir fait preuve « d’erreurs par inadvertance dans l’implémentation » de ses processus de préservation, accuse en effet certains de ses employés de ne pas avoir suivi les directives, croyant que le département IT du groupe sauvegardait automatiquement les e-mails.

Sur quoi alors repose la défense d’Intel ? « Nous avons été transparents tout au long de cette procédure », affirme le géant de l’industrie, qui cependant n’ a que jusqu’au 17 avril pour fournir tous les documents qui lui ont été demandés par AMD et par la Justice américaine. Après?