Tribune : Intel, Atom stratégique et stratégie Atom

Intel accélère la production de son processeur Atom basse consommation, qui devient stratégique, pour la mobilité comme pour les serveurs haute densité.

L’annonce dans les prochains jours des processeurs Xeon et Atom de dernière génération, qui signera l’entrée des processeurs Intel dans la technologie des 22 nm (nanomètres ou milliardièmes de mètre), est très attendue. Elle devrait en effet permettre au fondeur de redresser la barre sur certains marchés…

Même s’il demeure le géant incontesté du développement et de la fabrication de processeurs pour les IT, Intel rencontre en effet deux difficultés majeures : la baisse du marché des PC – une activité historique pour le groupe à l’origine des architectures x86 –, emportée par la multiplication des tablettes et la performance des smartphones ; la faible présence du fondeur sur les marchés des devices en mobilité hors les PC portables.

Intel a raté la marche du smartphone et de la tablette ! Le marché de la mobilité est principalement occupé par le britannique ARM, qui licencie le design de ses processeurs à des fabricants concurrents d’Intel, comme Broadcom, Freescale, Nvidia, Qualcomm ou Texas Instruments, ou encore à Apple qui conçoit ses propres processeurs pour équiper l’iPad et l’iPhone.

Pourquoi la nouvelle génération Atom ?

Pour redresser la barre, Intel doit pouvoir réaffirmer son avance technologique, à l’image de sa stratégie sur les serveurs x86, et imposer sa puissance industrielle, une autre stratégie dont lui seul en possède les moyens. Il doit surtout aligner sa stratégie aux tendances du marché.

Justement, sur ce dernier point, le marché donne des indications fortes en adoptant massivement smartphones et tablettes. Et l’engouement des fabricants pour la technologie ARM trouve sa justification à la fois dans certains aspects technologiques, comme la consommation énergétique réduite indispensable pour des devices principalement exploités en mobilité, dans l’innovation que représentent les nouveaux usages liés aux écrans tactiles, mais surtout du prix qui permet d’abaisser la barre financière pour accéder aux nouveaux produits.

Dans le catalogue Intel, l’accent était mis jusqu’à présent sur les architectures Core et Xeon. Logiquement puisqu’ils équipent les PC et serveurs, le marché historique du fondeur. Pour répondre aux attentes du marché, Intel doit trouver l’architecture qui saura répondre à la poussée de la concurrence. C’est donc très naturellement qu’il se tourne vers l’Atom.

Le retour en grâce de l’Atom

Longtemps cantonné à l’entrée et au bas de gamme, considéré comme une sous architecture héritière du vieillissant Pentium, l’Atom affiche pourtant quelques atouts. Ceux qui sont régulièrement mis en avant, la basse consommation et le prix, ne sont pourtant pas les plus intéressants ! Car l’architecture de l’Atom est avant tout, et tout autant que Core, l’héritière de la longue lignée des processeurs x86.

A la différence de l’architecture ARM, l’architecture x86 s’adresse à un écosystème à la fois riche et historique. Qu’il s’agisse d’imaginer la prochaine génération des PC ou les serveurs à bas coût qui alimentent les devices en mobilité, cette architecture est connue et maitrisée. Et les investissements en matière de développement devraient être réduits.

Intel mise avec raison sur deux tendances majeures : la convergence des tablettes avec les usages du PC, et la multiplication des architectures dédiées aux workloads simples, comme l’exécution des VM (machines virtuelles) simplifiées pour les services aux smartphones ou les serveurs web. Dans les deux cas, l’architecture x86 a sa place.

Mieux encore, l’Atom en 22 nm devrait apporter ce coup de pouce technologique qui manquait aux précédentes générations de ce processeur. L’actuelle génération, qui pour le moment ne fait qu’arriver en production de masse, prépare donc le terrain. Trop cher (pour un téléphone ou une tablette), trop lourd, trop gourmand, Atom avait sa place sur les machines d’entrée de gamme, que les tablettes remplacent aujourd’hui. Mais demain, la performance des futurs Atom apportera la justification d’un prix qui restera certainement plus élevé, mais pour des performances qui seront difficiles à égaler…

Ce qui ne règlera cependant pas la question concurrentielle du smartphone ! Chaque chose en son temps…

La puissance de l’outil industriel

Alors lorsqu’ils annoncent qu’ils mettent plus de ressources sur le développement de la plateforme Atom, Brian Krzanich, le nouveau CEO d’Intel, et Renee James, la présidente de la division des processeurs x86, ne font qu’engager le rouleau compresseur Intel sur ce que le fondeur fait de mieux : maintenir  l’association son architecture x86 à la loi de Moore, et fabriquer des processeurs. Il peut aussi compter sur le coup de pouce de Microsoft qui mettra fin début 2014 à Windows XP (qui équipe encore 35% des PC dans le monde), ce qui devrait relancer temporairement le marché des PC avec les entreprises condamnées à basculer sur Windows 7 ou 8.

L’Atom est stratégique pour Intel, qui équipera les serveurs basse consommation qui vont massivement envahir les datacenters, sur les devices mobiles où Windows finira inéluctablement par grignoter sa part de marché, voire sur les smartphones, mais là, ce sera plus difficile… Une échéance stratégique également, 2014. D’abord parce que les infrastructures ARM 64 bits concurrentes, encore en cours de développement, ne deviendront réellement accessibles qu’au cours de l’année prochaine. Et c’est justement en 2014 que l’Atom 22 nm entrera en production de masse.

C’est donc finalement l’outil industriel d’Intel et sa capacité à produire des processeurs Atom, qui répondent à la fois technologiquement et en volumes aux attentes du marché, qui pourrait bien une nouvelle fois faire la différence.


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