Tribune: Pillar Data Systems, financé par L. Ellison, au zénith ou au pilon?

Il ne suffit pas d’avoir quelques bonnes idées, beaucoup de marketing, un beau papier cadeau, encore faut-il s’assurer de répondre aux besoins concrets du marché

Larry Ellison, heureux fondateur d’Oracle et propriétaire du plus grand yacht au monde, a décidé en 2001 d’agrandir son royaume de la base de données et de devenir l’empereur du stockage avec un concept neuf: «Pillar data systems a inventé une solution pragmatique de stockage en réseau». Il reste à déterminer si le concept est génial ou s’il est voué à être enterré un jour au cimetière des fausses bonnes idées, là où reposent nombre d’entreprises de la bulle Internet. Tout d’abord, il semble y avoir une idée neuve: celle de partager un disque suivant l’importance des données qui s’y trouvent et l’accès plus ou moins rapide qui leur est destiné. Ensuite, ces disques sont rangés dans des racks vendus par 2, de 6 disques chacun gérés en RAID 5. Ces ensembles sont appelés bricks et sont a priori des simples JBOD (Just a bunch of drives) que l’on peut trouver aisément sur le marché. Un disque supplémentaire est en hot-spare pour pallier la panne d’un disque sur 12. La nouveauté principale est le module pilot contenant le logiciel de stockage composé d’un OS et de modules de gestion spécifiques et propriétaires Enfin, des modules «slammers» (le même nom qu’un virus particulièrement virulent) gèrent la virtualisation des données en mode NAS (Network attached storage) ou SAN (Storage Array Network). Le plus drôle réside dans leur grille tarifaire dont ils paraissent tout fiers : 12 Tos coûteront en 3 ans, avec un ajout de 4Tos SAN en 2ème année avec le support 4 heures la modique somme de 444 000 euros Pour information, on peut trouver des serveurs NAS de 16 Tos bruts (40 disques de 400 Go) sous Linux, avec support 4 heures au tarif public de 50 à 60 K euros HT, soit 8 fois moins cher (*). De même, les leaders incontestés des marchés SAN et NAS que sont EMC2 et Network Appliances sont largement plus économiques et leurs solutions sont bien plus éprouvées. Pillar Data Systems veut évidemment faire passer des vessies pour des lanternes: le fait d’utiliser des disques comme gares de tris de données est une erreur fondamentale pour leur conservation: Au contraire, il est nécessaire de gérer simultanément des sauvegardes ou copies temporelles sur disques et de continuer d’utiliser des bandes (sans pièces mécaniques) pour les conserver ou les déplacer en un lieu sûr, en territoire « neutre » et distant. Le fait d’utiliser les mêmes systèmes de stockage (disques ou bandes) ad vitam aeternam est voué à l’échec car les technologies disques et logicielles impliquées dans le stockage évoluent plus vite que les contenus qu’elles conservent. Les tarifs de Pillar Data Systems semblent donc exorbitants pour des services loin d’être éprouvés et qui souffriront rapidement de l’érosion du temps: par exemple, quelles évolutions pour pilot ? Comment retrouver les données essentielles si plus de 2 disques « tombent » à l’intérieur d’une même brick? Quel sera l’accueil des clients pour une société à crédibilité réduite sur un marché déjà bien partagé? En conclusion, il ne suffit pas d’avoir de l’argent et des idées a priori « géniales » et de les proposer à des prix « fracassants » pour entrer dans un métier où des acteurs ont largement fait leur preuve. Il faudrait arrêter de créer des hypnoses collectives (business angels, salariés, besoins imaginés, clients à convaincre? ) à coups de centaines de millions de dollars que se partagent les fournisseurs d’ânes, de pelles et de pioches d’aujourd’hui: salariés, agences de pub, médias, etc. ________ (1) Exemple de configuration: un serveur StorIQ Intellique sous Linux, tel qu’installé chez BFM-TV, avec 12 tera-octets nets sur disques sécurisés (IBM/Hitachi), avec support de 4h inclus, est tarifé 52.000 euros HT (prix catalogue). (*) Thierry Bloch, directeur Intellique, chargé de cours