Tribune : réduction des coûts, les DSI doivent changer

Bruno Cozanet © SterWen Consulting

Bruno Cozanet intervient sur des projets d’amélioration des performances des DSI pour le compte du groupe de conseil en management et organisation SterWen. Il nous livre aujourd’hui une tribune sur la transformation des DSI.

Les budgets et les coûts sont sous pression. Les DSI doivent faire mieux d’année en année, en étant plus agiles et tant qu’à faire, innovants ! Après des années de réductions de coûts, l’exercice est au mieux délicat, au pire insoluble…

Ainsi, nous observons que chez la plupart de nos clients, la mise en œuvre des stratégies classiques a atteint un certain niveau de maturité. La majorité a déployé une méthode de ‘costing’ (souvent de type ABC) qui leur permet d’identifier ses coûts par ligne de service. Les entreprises peuvent ensuite se comparer (face aux concurrents, à des ‘outsourceurs’…) et fixer leurs priorités d’action.

Ces méthodes permettent de mettre en œuvre des démarches itératives apportant des gains progressifs et réguliers. Ce sont des pratiques essentielles à une bonne gestion. Elles ont fait leurs preuves et présentent l’avantage de permettre une mesure de leur propre performance. Leur nécessité et leur efficacité ne sont certainement pas à remettre en cause.

Cependant, ces méthodes souffrent de deux limites principales :

1. Des profils de gains qui ne suffisent plus pour être en phase avec les besoins.

Les gains sont progressifs et deviennent naturellement de plus en plus faibles après quelques années. A contrario, les objectifs sont parfois demandés « immédiatement ».

Cette nature itérative n’encourage pas non plus les changements radicaux sur le fond du service ou sur la solution apportée. Or, à partir d’une certaine maturité, c’est seulement par un redesign complet qu’il est possible de réaliser une vraie diminution des coûts.

2. Ces méthodes négligent également un facteur essentiel de « marché » : ce que le client peut ou est prêt à payer.

Le sens de la valeur est faussé chez les clients de l’IT, notamment du fait de la « consumérisation » de l’informatique. Les comparaisons (certes souvent biaisée) des coûts de l’IT avec les produits et services accessibles à tous (messagerie, mobile…) donnent lieu à des préjugés tenaces sur l’efficacité interne.

La sensibilité aux coûts n’est pas la même pour tous. Une petite société ou filiale qui vient de se lancer ou une entité dans un marché émergent ne peuvent accepter les coûts des solutions des marchés matures.

Justifier ses coûts c’est nécessaire, s’en contenter c’est dépassé !

Ainsi, à partir d’un certain niveau de maturité, il est nécessaire de compléter les méthodes existantes. La justification des coûts était une première étape ; cette nouvelle mise sous contrainte doit agir par d’autres moyens.

De nos expériences, nous avons la conviction que ce sujet peut être pris « à l’envers ». Posons-nous les bonnes questions. Quelle est mon enveloppe globale ? Quel prix mon client est-il disposé à payer ? Quels sont les coûts maximums que je peux facturer à cette nouvelle entité ?

Le design de la solution vient ensuite. Il ne s’agit plus de répondre à « quel est le meilleur prix pour un jeu de fonctionnalités donné ? » ou « comment baisser le coût de la solution X », mais « comment construire / choisir la solution qui correspond à mon budget ».

Ceci introduit une vraie rupture dans les modes de pensées des Directions des Systèmes d’Information. Bienvenue dans le “design to costs”.

Concrètement ? Ne sommes-nous pas trop dans le confort ?

Tout le monde est bien conscient que la suite Office sur PC est utilisée à 10% de ses capacités. Pourtant, elle est partout. L’émergence du cloud (Ex. : Gmail) et de périphériques à bas coûts (Ex. : les tablettes Android) permettent quasiment la fourniture de postes de travail ‘lights’ clés en main pour des commerciaux. Interfacez-les avec les bonnes applications métier et le tour est joué.

De la même manière, la filiale en Asie, va-t-elle vraiment bénéficier de l’offre groupe à prix négocié si les standards locaux sont moins sophistiqués, mais quatre fois moins chers ?

Concrètement, il s’agira d’identifier les briques techniques strictement nécessaires. Bâtir plusieurs jeux de solutions et établir un ‘costing’ pour sélectionner les bons assemblages / les bons packages de composants. Ensuite viendra la comparaison avec les offres internes et celles, clés en main, de prestataires extérieurs.

Le marché foisonne de solutions alternatives aux standards établis, dans le matériel (Huawei…), le logiciel (open source…) et comme dans les services (Google, Amazon…). Différents produits et différents niveaux d’exigence existent et doivent être considérés en fonction du périmètre et d’autres contraintes (délai de mise en œuvre, etc.).

Le service sera-t-il au niveau des meilleurs standards du marché ? Non. Mais vous aurez juste ce qu’il faut, pour beaucoup moins cher. Et au pire, vous aurez vraiment fait jouer la concurrence… et atteint vos objectifs.

Dans cette approche, le succès réside autant dans le choix d’un bon design technique que dans un ‘costing’ juste et réaliste. Les écueils sont nombreux : résistances internes à la remise en cause des solutions « maisons », difficultés d’identification des « vrais » coûts des éléments internes, benchmarks, etc.

Les facteurs clés de succès

Ce type de changement doit être étudié et mené par une petite équipe motivée et ouverte, dans un état d’esprit « commando ». Elle est généralement composée d’architectes, de techniciens foisonnants d’idées et d’un profil financier rigoureux, mais qui devra s’adapter pour « tenir le choc ». Dans un second temps, des acheteurs interviendront pour faire jouer la concurrence.

Pour conserver une totale indépendance, l’équipe ne devrait pas dépendre des services techniques existants. On la verra plutôt rattachée à la direction Stratégie de la DSI ou au DSI lui-même.

Le sponsor du projet devra naturellement être influent et convaincu de la démarche. Il sera pris entre trois feux : celui des clients qui devront être convaincus de réajuster leurs exigences fonctionnelles, celui des équipes internes auxquelles il fait concurrence et la nécessité d’atteinte de ses objectifs chiffrés.

Au-delà de l’approche financière, une remise en cause profonde des besoins et un signe de maturité de l’IT

Outre les aspects économiques, ce changement de paradigme conduit à des solutions plus agiles, mais aussi plus simples.

Ainsi, cet exercice n’est pas une négation des besoins des utilisateurs au profit de motifs purement financiers. Il permet au contraire une prise de conscience (et certaines fois un ajustement) du niveau de confort que nous avons, de nos besoins et de ce que les décideurs sont prêts à payer.

Cette prise de conscience que le « toujours plus de fonctionnalités » n’est plus un moteur suffisant, sera peut être le signe de la maturité pour l’IT.

Bruno Cozanet, Engagement Manager SterWen Consulting.

Crédit photo : © SterWen Consulting


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