L’IoT, le tsunami mal compris par les entreprises françaises

Photo de tête (de gauche à droite) : Frank Souguir, directeur de la BU IoT chez Econocom, Stephan Hadinger, head of architecture chez AWS, Jean-Marc Vauguier, dirigeant de Z#bre, José Diz, Florence Laget, directrice Big Data chez HPE, Mamadi Keita, responsable IOT France et Benelux chez Accenture, Bernard Fourdrinier, consultant chez Teradata International

Dans quelle mesure la révolution IoT a commencé ? Selon plusieurs experts IT (Accenture, Econocom, HPE…), son adoption par les entreprises est encore trop lente.

« On ne peut pas imaginer que le monde, qui est en train de se connecter comme il se connecte, ne va pas radicalement changer les choses. »

Cofondateur de la société Z#bre, qui conçoit des solutions d’objets connectés, Jean-Marc Vauguier intervenait dans le cadre de la table ronde consacrée à l’Internet des objets (IoT) et organisée par le Club de la Presse Informatique B2B de José Diz, ce mercredi 22 novembre.

Pour l’entrepreneur, qui s’est lancé dans l’aventure il y a quatre ans, ces changements s’imposeront dans les comportements et dans les modèles économiques attachés. Car, par définition, « l’IoT est la capacité de mettre de l’intelligence là où il n’y en a pas ».

Une analyse que complète Stephan Hadinger, Responsable architecture chez Amazon Web Services (AWS) : « L’IoT est caractérisé par des appareils à capacité réduite auxquels on associe la puissance d’une capacité centrale, le Cloud, pour compléter ce qui provient des objets. »

A condition de fournir aux développeurs et divisions opérationnelles les outils pour aller directement sur la valeur business.

« Une des grosses tendances qu’ont voit en complément de l’IoT est le temps réel, la capacité de traiter ce flux de données instantanément pour être capable de détecter des événements qui se sont passés dans les 5 dernières secondes », illustre-t-il.

L’IoT, ou le M2M (Machine to Machine), n’est pas nouveau en soi et s’inscrit dans la continuité des systèmes automatisés et de la robotique industrielle, connectée depuis les années 70-80, considère l’auditoire.

« L’IoT est un complément à ce monde qui ajoute de l’information et évite d’avoir à retravailler un système obsolescent ou qui permet de donner des informations à distance », souligne Bernard Fourdrinier, Consultant chez Teradata International (solutions business analytics et d’analyse des données, produits et services cloud hybride).

Et de citer l’exemple d’une application de badge connecté autonome distribué à des victimes de la maladie d’Alzheimer afin de pouvoir les localiser.

Un nouveau modèle économique

Ce type d’application est aujourd’hui possible grâce à l’effondrement de la barrière des coûts des composants qui permettent de réaliser des prototypes pour quelques euros, notamment avec les Raspberry Pi, et lancer les tests.

« Après, le défi, c’est le passage à l’échelle pour l’entreprise », note Mamadi Keita, Responsable IoT France et Benelux chez Accenture (un des leaders mondiaux des services IT aux entreprises et administrations).

Car « l’IoT est un des vecteurs de la transformation numérique, considère Frank Souguir, Directeur de la BU IoT chez Econocom (qui accompagne aussi les projets digitaux des entreprises et des organisations publiques). « On le voit chez nos clients qui ont besoin de réduire leurs coûts et augmenter leurs revenus en ramenant plus d’intelligence de la donnée qui provient de l’objet. »

Une intelligence qui ouvre la porte à de nouveaux modèles économiques. Par exemple, General Electric a bardé ses turbines électriques de capteurs qui permettent de faire des interventions en temps réel pour les optimiser à distance.

« GE change son business modèle de vente de turbine à une vente de kWh par produit », rappelle Stephan Hadinger. « Le modèle de fonctionnement est la vente directe d’un service avec des moyens pour optimiser les coûts des interventions », confirme Florence Laget, Directrice Big Data chez HPE.

Une évolution qu’Accenture vient d’appliquer à son client Biesse, fabricant de machines pour l’usinage du bois et des matériaux technologiques. « On a travaillé avec eux sur le modèle économique et sur la mise en œuvre de solutions IoT en équipant leurs machines de capteurs », témoigne Mamadi Keita.

« L’entreprise est aujourd’hui plus efficace dans sa maintenance mais peut aussi offrir de nouveaux services en envoyant à distance de nouveaux softwares sur les machines pour optimiser les fonctionnements. »

Le responsable IoT est ainsi convaincu que cela « permet de réduire les coûts et d’augmenter les revenus ».

Ca bouge lentement

Une transformation numérique impacte les clients mais aussi les équipes internes. « Depuis un an ou deux, Veolia fait remonter dans le Cloud les données générées par ses filtres à eaux connectés, ce qui permet aux équipes de faire des essais, d’essayer de la maintenance prédictive, comment mieux servir leurs clients, etc. », illustre Stephan Hadinger d’Amazon Web Services.

« La transformation numérique que les entreprises font pour leurs clients, elles sont en train de le faire pour leurs salariés en leur mettant à disposition des données métiers qui permettent à des petites équipes d’innover, d’itérer pour valoriser ces données. »

« La révolution de services, autour de la donnée en temps réel, permet de faire des chose qui étaient impossibles avant », résume Bernard Fourdrinier (Teradata).

Pourtant, « le changement de modèle économique dans l’entreprise est l’étape ultime et on en voit peu », soutient Frank Souguir (Econocom).

« Ça bouge lentement », poursuit-il dans sa réflexion. « Pour changer les coûts, changer de modèle, il faut casser les silos. Si le projet n’est pas porté au plus haut niveau de l’entreprise, ça ne fonctionne pas. »

Malgré les centaines d’expérimentations que certaines organisations ont déjà menées et les économies potentielles au bout, « ça ne change rien ».

« Il y a beaucoup de pilotes et les entreprises les plus avancées sont celles de l’industrie dont le ROI est évident », observe Florence Laget (HPE). « Globalement, il y a plus de pilotes que d’applications IoT en France », considère -t-elle.

De son côté, Jean-Marc Vauguier ne croit « pas trop » à la transformation numérique des entreprises. « C’est comme si on apprenait à une équipe de foot à jouer au rugby. Autant créer une nouvelle équipe de rugby. Le changement de paradigme est tel qu’il ne faut pas tout mélanger. »

Le fondateur de Z#bre le constate sur le terrain, auprès des groupes industriels dans l’automobile notamment, en tant que fournisseur pour PSA de solutions pour la voiture connectée. Malgré les promesses du véhicule connecté « qui va déplacer l’expérience client de manière incroyable », « ce n’est pas très simple de faire bouger les industriels ».

Il serait pourtant temps de s’adapter. « L’IoT est un véritable tsunami et les entreprises regardent la mer se retirer en pensant regarder la marée basse, projette Jean-Marc Vauguier de sa vision toujours très imagée. « Je regrette que les entreprises ne voient pas le tsunami arriver. »

Dans quelle mesure ce manque d’anticipation sera dévastateur ?

Photo de tête (de gauche à droite) : Frank Souguir (directeur de la BU IoT chez Econocom), Stephan Hadinger (head of architecture chez AWS), Jean-Marc Vauguier (dirigeant de Z#bre), José Diz, Florence Laget (directrice Big Data chez HPE), Mamadi Keita (responsable IoT France et Benelux chez Accenture), Bernard Fourdrinier (consultant chez Teradata International).


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