Olivier Urcel : « les DSI doivent repenser leurs relations avec les prestataires »

Pour Olivier Urcel, ex-DSI de SFR et désormais Chief Data Officer de PSA, le modèle de la direction informatique doit être repensé. Ce qui implique de bouleverser les relations avec les SSII.

Ex-DSI de Canal+ et SFR, Olivier Urcel, qui vient d’être recruté par le groupe PSA comme Chief Data Officer, livre ses réflexions sur la transformation de la DSI, soumise aux attentes de réactivité des métiers de l’entreprise. Pour le dirigeant, c’est le modèle opérationnel de la DSI qu’il faut repenser et, partant, les relations que celle-ci entretient avec ses prestataires. Une réflexion qui s’inspire largement du manifeste agile et de démarches comme le Devops…

Silicon.fr : Pourquoi pensez-vous que le mode d’organisation des DSI doit évoluer ?

Olivier UrcelOlivier Urcel : J’y vois deux raisons. La première, c’est que la technologie s’inscrit désormais au cœur des usages des clients et collaborateurs. Elle devient un enjeu stratégique. Donc, dans bon nombre d’entreprises, cela se traduit par un besoin de réappropriation des compétences techniques. Et, puis, il y a les questions que soulève l’émergence d’une nouvelle forme de concurrence, composée de pure-players du numérique. Face à cette menace, les DSI doivent hausser leur niveau de jeu et repenser le mode de relations avec les fournisseurs.

Où résident les insuffisances des relations actuelles ?

Une large partie des contrats est aujourd’hui plus tournée vers l’industrialisation que vers l’agilité ou l’innovation, des enjeux pourtant centraux dans les projets digitaux. La tendance consiste donc à passer d’un mode de relations qui tend vers la délégation de responsabilités à un modèle opérationnel interactif, où les ressources internes collaborent avec celles du fournisseur. Il y a là un enjeu de transformation opérationnelle pour la DSI, qui se traduit par le passage à des cycles d’évolution bien plus resserrés permettant de faire face à des concurrents travaillant sur des rythmes mensuels et non plus annuels.

Cela ne signifie pas que les contrats d’outsourcing classiques vont disparaître, ils conservent leur pertinence sur certains périmètres. Ni même qu’on va s’éloigner d’un engagement de résultat pour les prestataires. Il ne s’agit pas davantage de revenir à l’assistance technique (l’autre nom de la régie, qui consiste à facturer le temps passé par les compétences mises à disposition, NDLR). Mais cela signifie que ce que va décrire le contrat sera différent de ce que nous connaissions jusque-là et s’apparentera davantage à une délégation de compétences sur un périmètre donné.

Quels sont les KPI sur lesquels seront jugés les prestataires dans ces contrats d’un genre nouveau ?

Par essence, les indicateurs seront différents. Mais je pense que le plus important consiste à expérimenter sur des cas concrets et vérifier que la démarche fonctionne. A la lumière de cette expérience, on pourra bâtir les nouveaux KPI. Cette définition des indicateurs est en effet plus complexe qu’avec un contrat de délégation de compétences, car la responsabilité de la bonne marche du projet sera par nature partagée entre donneur d’ordre et prestataire.

Les SSII se prêtent-elles facilement au jeu ?

Difficile de donner une réponse unique. Mais, si je me fie à mon expérience, les fournisseurs sont souvent soucieux de s’inscrire dans cette évolution. Et se muent même souvent en sponsors de la démarche. Il faut faire parfois preuve de davantage de pédagogie avec les achats, en insistant sur le besoin de concilier les enjeux contractuels avec l’instauration d’une relation opérationnelle entre prestataire et DSI qui fonctionne. Car là est bien l’essentiel, et non le contrat à proprement parler.

Comment les salariés de la DSI accueillent-ils cette transformation ?

D’après ce que j’ai connu, quand on demande aux informaticiens de revenir à leur cœur de métier, ils adhèrent à la démarche. Bien sûr, cela passe par des plans de formation, une évolution graduelle des compétences… Mais, avec des démarches proactives en la matière, on peut transformer complètement une DSI en 12 à 18 mois.

Est-ce que cette réorganisation permet de dépenser moins ?

Elle est en tout cas susceptible de déboucher sur des gains de productivité, qu’on pourra réinvestir. Par ailleurs, c’est une forme de réinternalisation, qui permet d’alléger les couches dédiées à la gestion de projet ou à la gestion des prestataires. Avec le développement de l’outsourcing, on a demandé aux informaticiens d’apprendre la gestion de contrat. Or, aujourd’hui, sur un projet de développement classique, faisant appel à des prestataires, on peut estimer qu’en moyenne, la charge dédiée au développement pur, à la production du code, correspond à moins de 50 % de la charge globale du projet. C’est un constat intéressant qui peut servir de point de départ dans la transformation vers un nouveau modèle opérationnel.

Comment juge-t-on du succès de la démarche ?

On peut bien sûr s’appuyer sur des mesures des délais de livraison des applications ou sur des mesures de productivité. Mais le cœur de l’enjeu se situe dans la satisfaction des utilisateurs métiers de l’entreprise vis-à-vis du modèle opérationnel de la DSI. Un sujet sur lequel cette dernière est très attendue ! Cette perception des métiers se mesure, mais surtout elle s’impose assez rapidement d’elle-même au DSI.

A lire aussi :

Devops : le joker des entreprises agiles

Devops : les DSI français se voient trop beaux

Cybersécurité : la DSI veut impliquer les métiers