USA : la pénurie des diplômés en informatique se confirme

IBM, Intel, Microsoft le serinent depuis quelques années déjà. Les faits sont là: les États-Unis souffrent d’un déficit de diplômés en informatique – qui craignent les… délocalisations

Depuis quatre ans, les inscriptions dans les programmes d’informatique scientifique ou de gestion en Amérique du Nord ne cessent de chuter. Durant l’année 2003-2004, selon la

Computing Research Association, le nombre d’étudiants a chuté de 10 % par rapport à l’année précédente. On est en plein paradoxe. Les grands acteurs de l’industrie prétendent que le développement d’emplois en ‘offshore’, c’est-à-dire la délocalisation dans d’autres zones du globe (aux salaires moins élevés!), serait lié à la pénurie de jeunes diplômés. Or, c’est la cause inverse qui expliquerait le désintérêt des étudiants pour la filière informatique. Ainsi, selon Stuart Zweben, professeur d’informatique à l’Ohio State University, « les étudiants réagissent aux statistiques alarmantes sur les changements du marché du travail après le boom des sociétés ‘dot-com’. Ils se sentent aussi concernés par les délocalisations d’emplois« . Serait-ce l’histoire du serpent qui se mord la queue? Les étudiants américains se détournent des formations informatiques par crainte des pratiques de délocalisation des entreprises américaines, qui se tourneraient vers les délocalisations par manque d’étudiants qualifiés? N’est-ce pas une position particulièrement ambiguë de cette l’industrie aux États-Unis, comme dans la majorité des pays occidentaux? Le marché américain réunit pourtant deux composantes essentielles : la technologie et le business, ce que peu d’autres pays du monde – en dehors peut-être du Japon ? ne sont capables d’associer actuellement. Autre ambiguïté que présente ce dossier: l’Amérique regorge encore de milliers de travailleurs du secteur des technologies qui ont été déposés sur le bord de la route au début des années 2000. Ces ‘laissés-pour-compte‘ de l’époque glorieuse des ventes et des résultats en progression à deux chiffres, ne sont pas pressés de retourner travailler pour ces géants de l’informatique qui les ont sacrifiés au profit de leurs actionnaires ! Et pourtant, Jack Rockart, professeur d’informatique au célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) affirme: « Si nous ne faisons rien, ce sont des centaines de milliers, et peut-être des millions de chinois, d’indiens, de slovaques, etc., qui vont se réjouir de ces emplois« . Il est difficile de faire la part du vrai et du faux dans ces affirmations. Karen Nguyen, professeur d’informatique à la non moins célèbre University of California Berkeley, fait le constat d’une moyenne annuelle de plus de 350 recrutements d’étudiants chaque année avant le nouveau millénaire; or, dans ce même établissement on est tombé à moins de 200 étudiants effectivement embauchés en fin d’études. Le flux des recrutements s’est bel et bien tari. Ce serait bien le fait des employeurs! Tout confirme que l’industrie IT (information technology) est prête à appliquer à ses recrutements la même politique que celle appliquée dans la fabrication de semi-conducteurs ou d’équipements, à savoir réduire les coûts de structure. Le discours de Bill Gates autour des visas technologiques temporaires (lire notre article) est tout à fait significatif. Maintenir un très haut niveau de qualification du recrutement en proposant des salaires inférieurs ! Là encore, l’industrie risque de se mordre la queue. Car on touche aussi, ici, au pouvoir d’achat de consommateurs avertis! Certes, la Chine représente un potentiel colossal en termes de futurs consommateurs. Mais en expatriant une industrie vers des zones géographiques aux coûts de main-d’oeuvre peu élevés, on réduit son propre marché. Une issue à ce dilemme pourrait venir d’IBM: conscient de ces contradictions, le groupe multiplie les partenariats de financement de formations, et maintient une veille sur des filières d’embauche de futurs collaborateurs. Le mariage de la formation, de la technologie et du business – mais sans s’étendre sur le niveau des salaires… La recette n’est pas nouvelle mais oubliée depuis trop longtemps, depuis l’époque où IBM, comme Apple ou Compaq, équipaient des salles de cours entières et s’attiraient ainsi la fidélité des étudiants !