USA : les idées de scénarios seront-elles brevetables ?

La dérive des brevets américains pourrait bien prendre très prochainement une tournure ubuesque mais néanmoins inquiétante : l’US Patent Office acceptera-t-il qu’une fiction romanesque soit brevetable?

En Europe, le rejet par le parlement de la directive européenne sur les brevets de logiciels a permis de conserver un espace de libre innovation. Mais aux Etats-Unis, la dérive continue, avec parfois des perspectives qui donnent froid dans le dos.

Ainsi, un certain Andrew Knight, inventeur d’un moteur de fusée, et surtout conseiller en enregistrement de brevet, tente depuis 2003 de faire breveter des événements fictifs, arguant que ces derniers sont brevetables sous le système américain. Concrètement, Andrew Knight s’appuie sur un scénario qu’il aurait écrit pour le cinéma, « The Zombie Stare« , une histoire d’adolescent en attente d’admission au MIT et qui prie pour demeurer inconscient jusqu’à ce que la lettre d’admission n’arrive. Il s’endort, mais ne se réveille que 30 ans après, une erreur postale ayant bloqué la lettre. Notre scénariste a déposé auprès du bureau américain des brevets une demande liée à des évènements qui s’y déroulent. En particulier, le texte de la demande spécifie « Un procédé de transmission d’une histoire dans une chronologie et un seul évènement impliquant des comportements : comme un évènement au début d’une chronologie qui entraîne un évènement à la suite« . Et de citer des évènements extraits de son scénario, comme « A) de rester en sommeil ou sans connaissance jusqu’à ce qu’un événement particulier se produise. B) d’oublier ou ne pouvoir se souvenir de presque tous les événements pendant la période de temps de la première fois jusqu’à ce que l’événement particulier se produise« . L’affaire pourrait n’être qu’anecdotique si Andrew Knight ne s’était entouré de juristes d’affaires ou « avocats » qui viennent confirmer la validité de sa démarche. Ainsi, Jay Thomas, professeur de Droit à l’Université de Georgetown, « La jurisprudence de la Cour d’Appel du ‘Federal Circuit’ a établi que pratiquement n’importe quel thème est potentiellement brevetable« . L’affaire prend ici une tournure dramatique. Si par exemple l’Office américain des brevets valide la demande de Andrew Knight, des films hollywoodiens comme Matrix, Minority Report, Le Village, The Truman Show, Memento, ou même la diffusion aux Etats-Unis d’un film comme Hibernatus, avec Louis de Funès, seraient soumis à autorisation ou au versement de droits? Pire encore, la démarche pourrait être étendue aux ?uvres intellectuelles, romans, jeux vidéo, certains jouets, et pourquoi pas de chansons, de show télévisés, de publicités, etc., qui ne sont pour le moment soumis qu’à un copyright. Certains juristes y voient même une ouverture vers des procédés, méthodologies professionnelles, méthodes logicielles, etc. Les rendus de l’US Patent Office seront très attendus, selon Andrew Knight, le bureau doit publier ses décisions sur trois demandes du même type les 17 novembre, 8 et 22 décembre prochains.