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Yalta des mobiles : la Cour de cassation allège un peu l’amende infligée

La victoire est maigre pour les opérateurs mobiles condamnés pour entente illicite à 534 millions d’euros d’amende. Après que la sanction ait été confirmée en appel, les trois grands s’étaient pourvus en cassation en janvier dernier, espérant casser le jugement du Conseil de la concurrence et de la cour d’appel. Le résultat est bien en dessous de leurs espérances.

La Cour de cassation a confirmé l’essentiel de l’amende. Mais les magistrats ont cassé la sanction concernant l’échanges d’informations entre les trois opérateurs. Ils ont estimé que la cour d’appel « n’a pas légalement justifié sa décision ».

Conséquence, une partie de l’amende, 92 millions d’euros, a été levée. Ce volet sera une nouvelle fois jugé en appel qui décidera ou non d’infliger cette amende.

Reste que la Cour de cassation a une nouvelle fois validé le principe d’entente illicite entre les trois opérateurs qui visait à « se répartir le marché durant les années 2000-2002, en stabilisant leurs parts de marché respectives autour d’objectifs définis en commun ».

L’UFC Que Choisir, à l’origine de toute la procédure, s’est félicitée de cette condamnation « historique et définitive » soulignant qu’il « ne fait désormais aucun doute que les trois opérateurs ont eu des pratiques anticoncurrentielles au détriment des consommateurs ».

Une longue procédure

Le 24 août 2005, Le Canard Enchaîné publie un rapport confidentiel de la Direction de la Concurrence qui donne les preuves d’une entente entre Bouygues Telecom, Orange et SFR. Ce rapport, qui date de mai 2004 révèle » un accord occulte sur une longue période qui vise à geler les parts de marché vis-à-vis des nouveaux clients afin d’aboutir à une très forte inertie des parts de marché ». Conclusion de la DGCCRF: un tel accord a permis à Bouygues Telecom, Orange et SFR de surperformer financièrement pendant la période.

La Direction de la Concurrence donne des preuves. Des pièces et documents ont été saisis lors de perquisitions chez les opérateurs en 2003. Des documents encore une fois accablants. Une note de 2001 de SFR indique ainsi: « Michel Bon [président de France Télécom à l’époque] est OK pour reconduire l’accord parts de marché de 2000 ». On peut également lire dans une note de France Télécom: « Il faut que Bouygues remonte à 20% de parts de marché « .

Visiblement, l’entente était très bien organisée. Le Conseil évoque aussi deux notes manuscrites de M. Quillot, directeur général d’Orange dont l’une en date du comité exécutif du 28 octobre, dans lesquelles il évoque un « Yalta PDM (parts de marché) ». En effet, les trois opérateurs avaient convenu d’un rendez-vous secret mensuel afin de « d’adapter rapidement leur stratégie commerciale à l’évolution du marché ».

Selon le rapport, ce petit manège aurait débuté en 1997 (!), lorsque le marché a commencé à décoller. Ces réunions ont été stoppées en 2003, les opérateurs sentant le vent tourner après les perquisitions de la DGCCRF.

Le 1er décembre 2005, le Conseil de la concurrence, saisi par des associations de consommateurs, inflige donc cette amende record. Il a estimé que ces pratiques étaient « particulièrement graves » et ont entraîné » un dommage à l’économie très important » ajoutant que cette situation a facilité un relèvement des prix et « l’adoption de mesures défavorables au consommateur ».

Très vite, les opérateurs nient en bloc et font appel. Orange parle d’accusations « irréalistes » tandis que SFR se dit « profondément choqué » par la sanction qui est « infondée et ne correspond pas à la réalité des faits ».

Les trois opérateurs reconnaissent avoir échangé des informations, mais ils nient toute manipulation du marché. Ils soulignent que, entre 1998 et 2002, le prix à la minute n’a cessé de baisser. SFR souligne ainsi que la baisse de 18% du prix des appels entre 2000 et 2003 est la plus forte baisse enregistrée dans les pays comparables de l’Union Européenne.

Réparation pour les abonnés

Dans le même temps, l’UFC Que Choisir, à l’origine de la plainte contre les trois opérateurs mobiles, saisit la justice. L’association a introduit une procédure devant trois tribunaux d’instance contre les trois opérateurs mobiles français, afin de demander réparation pour les consommateurs. Car l’amende record ira dans les caisses de l’Etat.

L’UFC estime que désormais, ce sont aux consommateurs d’être dédommagés, le préjudice global serait de 1,2 à 1,6 milliard d’euros. L’UFC aurait préféré mettre en place une ‘class-action’ qui lui aurait permis d’agir au nom de tous les plaignants. Mais cette procédure n’existe pas encore dans le droit français. Alors il a fallu recueillir une par une les demandes d’indemnisation qui seront examinées une par une par le tribunal…

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