Yalta des mobiles: Thierry Breton dans la tourmente

Le ministre de l’Economie était patron de France Télécom. Son nom apparaît dans le dossier. Sa position est-elle aujourd’hui tenable ?

Le dossier du Yalta des parts de marché, où les opérateurs mobiles se sont entendus plusieurs années pour fixer prix et parts de marché, met dans l’embarras Thierry Breton, actuel ministre de l’Economie et ancien administrateur de BouyguesTel avant de devenir président de France Télécom.

A Bercy, on a tenté dès le départ d’éteindre l’incendie: « Thierry Breton n’est concerné par cette affaire ni avant qu’il soit ministre, ni après », avait déclaré le ministère lors de la révélation de l’affaire par le Canard Enchaîné en août dernier. « Le Conseil de la concurrence s’est autosaisi en 2003 et son enquête porte sur la période 1997-2002, c’est-à-dire avant la nomination fin 2002 de Thierry Breton à la présidence de France Télécom ». Tout ce qui concerne une implication de Thierry Breton dans un Yalta présumé des opérateurs téléphoniques et l’annulation de la table ronde du 16 juin est un « tissu d’erreurs », conclut-on à Bercy. Sauf que, selon le Canard Enchaîné, le rapport vise directement l’ancien patron. C’est Thierry Breton lui-même qui aurait parlé d’un « Yalta des parts de marché » lors d’un comité exécutif réunissant le 28 octobre 2002 les principaux opérateurs. Thierry Breton aurait participé à des réunions où cette entente aurait été évoquée. Mais le ministre nie en bloc. Principal argument: les dates ne correspondent pas. « Il y a eu une plainte en février 2002, déposée par UFC-Que choisir en suspectant éventuellement une entente, donc six mois avant que je n’arrive (à la tête de France Télécom, ndlr). Le Conseil de la concurrence qui est une autorité indépendante, qui ne dépend d’aucun ministère, ni de Bercy, ni de quiconque, s’est auto-saisi pour effectuer les enquêtes nécessaires », insiste-t-il lors d’une interview sur France Info. Et d’enfoncer le clou: « Avant que je n’arrive, il y a eu une plainte. Je suis arrivé à la fin octobre 2002 ». Conflit d’intérêts Pour autant, l’homme est dans une position délicate. Comment va-t-il gérer ce dossier alors que ses liens avec l’opérateur historique sont encore étroits? Certains comme Patrick Devedjian, ancien ministre de l’Industrie dans le précédent gouvernement, n’hésitent pas à parler de conflits d’intérêts. « Thierry Breton n’était pas à la tête de France Télécom au moment des faits. Mais moralement, il serait en position de conflit d’intérêt, ayant gardé de la sympathie et de l’amitié pour les personnes qui travaillent chez France Télécom. Son statut d’ancien président de France Télécom pourrait laisser planer une suspicion sur la manière dont il gère le dossier des télécoms », explique-t-il au Figaro. Et d’ajouter: « De plus, il ne défend pas assez la concurrence, il est peu actif sur le dégroupage total, il ne se bat pas en faveur des MVNO ». C’est ce qu’on appelle se faire tailler un costard! Qui plus est par un membre de la même famille politique! Mais n’oublions pas que Patrick Devedjian est un sarkosyste pur jus… « Ce n’est pas moi qui gère le dossier des télécoms, c’est M. (François) Loos (actuel ministre de l’Industrie), donc il n’y a aucune ambiguïté d’aucune sorte », réplique le ministre. Après la décision du Conseil de la Concurrence, le discours de Bercy ne change pas. Thierry Breton, s’est félicité jeudi que « cette autorité indépendante sanctionne fermement les comportements anticoncurrentiels susceptibles d’être relevés », a déclaré un porte-parole du ministère. Le porte-parole a rappelé que Thierry Breton, qui a quitté France Télécom en février 2005, date de sa nomination à Bercy, « n’a jamais eu connaissance des faits incriminés avant que le président d’Orange France en fasse état auprès de lui en juillet 2003 ». L’argument aura beau être répété, il aura toujours du mal à convaincre.