Comment l’UE perçoit l’open source en France

Le rapport de la DIGIT sur l’état de l’open source en France a été mis à jour. Entre stratégies, cadre juridique et réalisations concrètes, que dépeint-il ?

En matière d’open source, quelle perception l’Union européenne a-t-elle de la France ? Un rapport émanant de la DIGIT (Direction générale de l’informatique) apporte une forme de réponse.

Ce document reflète la situation en février 2023. Il s’agit de sa seconde version. La première datait de 2020. Elle résultait de travaux menés par les équipes de Wavestone dans le cadre du deuxième volet du programme ISA (Solutions d’interopérabilité pour les administrations publiques européennes).

On ne parle aujourd’hui plus d’ISA, mais d’« Europe interopérable » ; avec, en toile de fond, une proposition de règlement adoptée fin 2022. Dans ce contexte, le think tank OpenForum Europe a pris le relais de Wavestone pour la mise à jour du rapport.

Ce dernier « ne reflète pas nécessairement l’opinion officielle de la Commission européenne », prend-on le soin de nous annoncer. Il faut dire que la France elle-même a eu son mot à dire, en particulier par l’intermédiaire de Bastien Guerry. L’intéressé, qui se décrit comme « programmeur, libriste », a travaillé pour le projet One Laptop Per Child et pour Wikimédia France. Il est aujourd’hui chez Etalab, où il coordonne le plan d’action « logiciels libres et communs numériques ».

La DINUM pour BlueHats, l’Inria pour Software Heritage

La DINUM – dont Etalab dépend – est mise en avant dès l’introduction du rapport, notamment pour la communauté BlueHats, qu’elle a impulsée. L’Inria l’est aussi, pour un projet dont il est à l’origine : Software Heritage.

L’institut est également mis en avant pour son équipe InriaSoft, qui organise la structuration de consortiums autour de logiciels issus de la recherche. Et pour son Inria Academy (formation continue dédiée aux logiciels libres).

Au rang des « acteurs stratégiques », la DIGIT liste aussi l’Adullact, l’April, le CNLL… et une autre entité made in DINUM : le Conseil logiciels libres, fondé en 2022.

Du côté gouvernemental, la MIM (Mutualisation interministérielle) a également droit à une mention. Née en 2005 et d’abord axée sur OpenOffice, elle a vu son champ d’action s’élargir à la bureautique dans son ensemble (2011), puis aux parcs de postes de travail (2014). Elle a eu à sa charge, jusqu’en 2018, le SILL (Socle interministériel de logiciels libres).

Le rapport fait référence, en parallèle, à la Direction interministérielle de la transformation publique. Principale raison : elle est coresponsable du plan d’action national 2021-2023 pour un gouvernement ouvert. Les engagements pris dans ce cadre englobent, par exemple, le développement d’une archive collaborative pour suivre l’évolution des CGU des grands fournisseurs de services en ligne (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères).

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(tableau d’engagements en décembre 2021 ; cliquer pour agrandir)

L’open source de la « circulaire Ayrault » à la « loi Lemaire »

En matière de stratégie et de cadre juridique, le rapport remonte jusqu’à 2012 et la circulaire « Orientations pour l’usage des logiciels libres dans l’administration ». Y figurent aussi la loi Lemaire (« pour une République numérique » ; 2016) et la politique de contribution de l’État aux logiciels libres (2018).

Dans le corpus plus récent, une autre circulaire est évoquée : celle d’avril 2021 relative à la politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources. Le rapport fait aussi référence à un décret paru quelques mois plus tard. Celui-ci élargit la liste des licences de réutilisation à titre gratuit autorisées pour les administrations. Il ajoute notamment, sur la partie logiciels, l’EUPL (licence publique de l’Union européenne) et l’EPL (Eclipse Public License). Elles viennent compléter quatre licences permissives (BSD, Apache, CeCILL-B, MIT) et trois licences avec obligation de réciprocité (MPL, GNU GPL, CeCILL).

BigBlueButton, Decidim et WebMarché mis à l’honneur

En termes d’initiatives, le secteur de l’éducation est particulièrement mis en lumière. L’un des « morceaux choisis » est la feuille de route 2023-2026 de l’AMUE (Agence de mutualisation des universités et établissements). La stratégie du numérique pour l’éducation 2023-2027 en est un autre. On nous parle aussi du projet de forge nationale qu’emmène l’AEIF (Association des enseignants en informatique de France). Et des liens avec CentraleSupélec pour la contribution d’étudiants à des solutions open source auxquelles l’administration publique a recours.

Toujours dans l’éducation, on nous rappelle que 2020 a marqué la mise à disposition « à l’échelle » de BigBlueButton (solution de classes virtuelles). La même année, l’université de Lille annonçait 80 000 utilisateurs quotidiens de l’open source (en l’occurrence, de sa stack Zimbra – Nextcloud – Collabora Online).

En 2019, le portail apps.education.fr voyait le jour. La plate-forme WebMarché (dématérialisation des marchés publics) aussi. Encore en amont (2016), Nantes finalisait sa transition vers LibreOffice. Et Nanterre créait une plate-forme de participation citoyenne fondée sur Decidim (2015).

À consulter pour davantage de contexte :

Où en est l’ouverture des codes sources et des données du secteur public ?
Les méthodes agiles, totem de la DINUM
15 logiciels open source entrés au SILL en 2023
République numérique : aux armes open data
Open source : 10 profils que sollicitent les recruteurs
Open source : 7 chiffres sur le marché français et européen

Photo d’illustration © LAYHONG – Adobe Stock