Les opérateurs français veulent un « Digital Act »

baisse revenus opérateurs © Kenishirotie - shutterstock

Sans mesures favorables aux opérateurs, la Fédération française des télécoms craint une régression de la France, et même de l’Europe, dans le secteur numérique.

La Fédération française des télécoms (FFTélécoms) tire la sonnette d’alarme. Si rien n’est fait, la France et l’Europe risquent un « décrochage numérique ». L’association qui réunit notamment l’ensemble des opérateurs nationaux Orange, SFR, Bouygues Telecom, à l’exception de Free, estime que l’économie européenne ne profite pas de la consommation numérique qui, après l’ouverture des télécoms à la concurrence dans les années 90 et l’essor d’Internet au cours de la précédente décennie, constitue la troisième grande évolution du secteur. Mais « si les citoyens européens se montrent friands de services et de terminaux numériques, l’industrie européenne du numérique est en panne », estime la FFTélécoms. Car « la consommation numérique est très majoritairement « importée » ». Des États-Unis essentiellement.

Ce constat alarmiste s’appuie sur la 5e étude économique réalisée par Arthur D Little. Celle-ci met en avant la baisse des revenus de l’écosystème numérique en Europe, de l’ordre de 4% par an en moyenne au cours des cinq dernières années passant de 681 milliards d’euros en 2010 à 590 milliards à en 2014. Dont un recul de 3% pour les opérateurs (de 382 milliards en 2010 à 343 milliards en 2014). Dans le même temps, l’Amérique du Nord progresse de 9% (1 316 à 1 825 milliards, dont 354 à 500 milliards côtés opérateurs) et l’Asie de 5% (1 371 à 1 674 milliards, dont 410 à 541 milliards côté opérateurs).

Recul de 17% en France

En France, le recul du revenu des opérateurs atteint les 17% alors que les abonnements aux services de communication n’ont cessé d’augmenter (+4% pour l’accès fixe haut et très haut débit, 35% de demande de smartphones en plus entre 2012 et 2014…). Ce qui finit par peser sur les investissements. « Si cela devait perdurer, ce ne serait pas sans conséquence sur l’ensemble de l’écosystème numérique et les services du futur », estime la FFTélécoms qui regrette que les politiques d’encouragement au développement de l’offre numérique, comme la French Tech d’encouragement des start-up françaises, restent exclusivement centrées sur la stimulation de la demande (baisse des prix, hausse de la concurrence…) tout en augmentant la fiscalité des opérateurs.

C’est pourquoi la fédération réclame un rééquilibrage des politiques publiques du numérique dans le sens de l’offre et invite à lancer un « Digital Act » à la française visant à réunir l’ensemble des acteurs du secteur (opérateurs, industriels, start-up) pour stimuler le développement d’une offre numérique. « Les opérateurs bâtissent les infrastructures sur lesquelles se déploient les écosystèmes numériques et montre que la croissance numérique globale est directement corrélée à leur bonne santé et à leur capacité à investir et à innover », insiste la FFTélécoms. Autrement dit, pas d’opérateur (ou d’infrastructure), pas de (ou de mauvais) services numériques.

25 milliards d’euros de valeur par an

Selon l’étude d’Arthur D Little, la France et l’Europe auraient tout à y gagner à soutenir les opérateurs alors que la part des technologies de l’information et de la communication dans la valeur ajoutée totale en France atteint environ 4%. Un taux inférieur aux 5,5% en moyenne constatés dans les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et qui, s’il était atteint, permettrait de créer 25 milliards d’euros par an de valeur, avec un potentiel de 150 à 200 milliards d’euros d’ici 10 ans, selon le cabinet d’études. Lequel constate l’existence de 5 leviers clés dans nombre de pays mais trop peu présents en France : le déploiement de la fibre et le développement de l’Internet des objets (IoT) par les opérateurs; le taux de capital risque 3,5 fois plus développé aux États-Unis qu’en Europe; le vivier de start-up; la rapidité et simplicité administrative; l’attractivité des filières de sciences informatiques et les programmes de formation à la cybersécurité.

« Les opérateurs, qui bâtissent les réseaux du futur, revendiquent une place pleine et entière dans l’écosystème numérique », déclare Didier Casas, président de la FFTélécoms, par ailleurs secrétaire général de Bouygues Telecom. Une place qu’il convient de soutenir à défaut d’encourager en allégeant la fiscalité, en favorisant les investissements dans l’infrastructure, en facilitant la commercialisation des données extraites des réseaux télécoms, la portabilité des données et l’ouverture des services (via les API) et en promouvant un cursus européen des métiers du numérique. Un appel qui devrait trouver une sorte d’écho à l’heure où la loi Macro 2 sur les « nouvelles opportunités économiques » (Noé) est en plein débat.


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