Open World : Engineered Systems, la planche de salut pour Oracle dans le hardware ?

En difficulté trimestre après trimestre sur le marché des serveurs, Oracle mise beaucoup sur ses serveurs spécialisés, les Engineered Systems comme Exadata ou Exalogic. Ceux-ci pèsent déjà près de 50 % de son activité hardware. Et sont au centre de sa stratégie.

De notre envoyé spécial à San Francisco.

Après In-Memory et Big Data, Oracle a mis à l’honneur son nouveau processeur M6 équipant deux nouveaux serveurs haut de gamme.

 M6 : la petite puce qui monte

Le serveur SPARC M6-32 (spécifications détaillées ici) peut contenir jusqu’à 32 processeurs SPARC M6 à 12 cœurs cadencé à 3,6 GHz, soit un total de 384 cœurs, jusqu’à 32 téraoctets de mémoire, et avec des bandes passantes entre composants atteignant les 1,4 To pour la mémoire, 1 To/s pour les entrées-sorties, et jusqu’à 3 To/s pour le système. Un serveur très haut de gamme que la société présente comme « très fiable, simple à administrer, un système évolutif avec la plupart des avantages des mainframes traditionnels, sans les coûts associés, ni la complexité, et sans verrouillage [du client]… au prix d’un système ouvert. »

Et Oracle compare son serveur SPARC M6-32 (environ 1,21 million de dollars) à une configuration équivalente d’un IBM Power 795 Power7 proposée à environ 6,491 millions de dollars. La guerre est ouverte !

Le constructeur annonce aussi la version SuperCluster M6-32 (détails ici), un serveur dédié de la famille Engineered System combinant ce serveur avec un serveur Exadata (en photo), le tout bénéficiant des optimisations du logiciel Exalogic. Un ensemble destiné aux très grandes bases de données, à la consolidation d’applications ou au cloud privé. Mais alors, l’ardoise grimpe au-delà des 3 millions de dollars.

Annoncé pour 2014, le serveur Database Backup Logging Recovery Appliance est lui aussi spécialisé.

« La sauvegarde traditionnelle se contente de sauvegarder des fichiers, et traite les bases de données comme les autres applications », a expliqué Larry Ellison, le patron d’Oracle. « Nous avons donc créé la première appliance spécialement conçue pour la sauvegarde et la protection des bases de données. »

Annoncée comme capable d’assurer « une protection proche de zéro perte de données »,  cette appliance impacterait au minimum les performances tout en proposant une architecture massivement évolutive.

Quel potentiel pour ces “nouveaux mainframes” dits “ouverts” ?

Tandis qu’une grande partie des entreprises semble se positionner sur des environnements évolutifs et modulaires de milieu de gamme (devenus très performants), Oracle confirme donc sa stratégie volontariste sur ses Engineered Systems.

Selon le cabinet d’études Gartner, 45 milliards de dollars seraient générés sur le marché de serveurs d’entreprise, dont 15 % de serveurs Unix, soit un peu moins de 7 milliards.

Par ailleurs, Garner prédit un marché de 15 milliards de dollars pour les serveurs de type Enginereed System (ou Pure System chez IBM) en 2015. Il semblerait qu’Oracle table sur un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de dollars avec ses serveurs spécialisés cette même année.

D’après diverses sources, le constructeur serait passé d’une activité où les Enginereed Systems pesaient 25 % du total (pour 80 % de serveurs classiques) à une certaine forme d’équilibre (45 % – 55 %). Il espère donc au minimum inverser ces proportions dans les mois à venir.

D’après nos sources, les Engineered Systems décollent fortement fin 2013 en France, en Espagne, en Italie ou encore au Portugal, malgré la crise. Selon Oracle, ces serveurs enregistreraient une croissance de plus de 50 % au niveau mondial.

Une approche différente. Mais en quoi ?

Avec les Engineered Systems, Oracle se propose d’accélérer la base de données de l’entreprise, ce qui accélère aussi les applications. D’autant plus que ces environnements améliorent aussi les performances du serveur WebLogic, dans la logique de « hardware+software engineered together ».

Le constructeur considère que des concurrents comme HP, IBM ou UCS proposent essentiellement des machines généralistes. « Face aux solutions actuelles basées sur des architectures x86 (avec VMware, etc.) positionnées comme des commodités, nous savons que notre environnement Unix apporte la meilleure réponse », assure John Fowler, vice-président exécutif Systems chez Oracle. « Avec un meilleur rapport prix/performances, l’entreprise peut accélérer plusieurs fois les traitements et multiplier les performances de ses applications. En outre, cela peut se faire sans tout bouleverser. Et quand bien même cette évolution amènerait une rupture, les gains assurés séduisent de plus en plus de clients. »

Il faudra attendre encore quelques mois avant de vérifier que le discours a bien trouvé une audience….Outre le positionnement marketing, comment l’offre est-elle utilisée sur le terrain ?

« Ces machines s’adressent autant aux grandes entreprises qu’à la grosse PME du haut du mid-market. Depuis deux ans, nous avons semé ; aujourd’hui, nous commençons à en récolter les fruits. Ainsi, nous accompagnons les grands comptes dans leurs projets de transformation et dans la consolidation des datacenters, en leur permettant de bénéficier des gains de nos dernières technologies tout en réduisant la surface utilisée. Par exemple, une entreprise qui comptait 70 bases de données sur 7 blades a pu les consolider sur un unique nœud Exadata, résolvant ainsi son problème de ralentissement dû à un engorgement des entrées-sorties, entre autres. Les entreprises adoptent de plus en plus le couple Exalogic+Exadata pour répondre aux besoins de consolidation applicative,» rapporte Jean Claude Michaca, vice-président Engineered Systems ECEMEA (Eastern Central Europe, Middle East, Africa) chez Oracle.

Néanmoins, on peut raisonnablement penser que ces projets applicatifs concernent essentiellement les applications Oracle, qui peuvent profiter pleinement de l’optimisation de ces solutions.

Plus de R&D et d’intimité logiciel-matériel

Autre argument mis en avant par le constructeur : la pérennité de la société et l’assurance pour ses clients de bénéficier d’une R&D solide. Comme le montre le rythme de sortie des composants SPARC. Après une période de calme, Oracle a lancé trois nouveaux processeurs en quelques mois : le SPARC T5 et le SPARC M5 en mars dernier, puis le SPARC M6 cette semaine.

« Nous avons musclé nos équipes en recrutant de nombreux ingénieurs travaillant sur nos processeurs. Ce qui nous a permis de lancer trois nouveaux processeurs en six mois. D’ailleurs, le M7 est déjà fonctionnel dans nos laboratoires, alors que son prédécesseur vient tout juste de sortir. En effet, nous avons mis en place un système de travail en parallèle favorisant ce type d’anticipation,» dévoile – sans en dire davantage – John Fowler.

Côté R&D, Oracle a également dévoilé une future étape annoncée comme l’optimisation logicielle ultime à travers le matériel : Software in silicon. A l’image de ce que l’on constate dans le stockage ou les réseaux (entre autres), il s’agit d’installer une partie des fonctions applicatives dans le processeur. En l’occurrence, des fonctions d’Oracle Database et de Java (WebLogic). Plus précisément, l’éditeur-constructeur a évoqué l’accélération des requêtes, l’accélération Java, la protection des données applicatives et la décompression des données.

Dessine-moi un mainframe

Parvenu à ce stade (et puisqu’Oracle parle lui-même de mainframe), pourra-t-on encore parler d’architecture ouverte ? Pour le dire autrement, comment appelle-t-on un gros serveur dont un composant majeur comme le processeur est conçu pour fonctionner avec certaines applications ? Et si la prochaine étape consistait à spécialiser le logiciel pour une famille précise de serveurs ? Tiens ! Il semble que ce soit déjà le cas…

Une stratégie tout à fait acceptable, et qui présente aussi de nombreux avantages. Mais pourquoi alors ne pas appeler les choses par leur nom ?

Plus d’informations sur OpenWorld 2013 :

Oracle se convertit (enfin) au In-Memory
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