Industrie électronique : l’Europe peut-elle prendre une place grâce à l’IA embarquée et ses applications prometteuses dans l’audio ?

La conception d’objets dotés d’intelligence artificielle embarquée était jusqu’à présent inaccessible du fait des limitations technologiques. Grâce à l’arrivée de RISC-V, processeurs open source nouvelle génération, cela est dorénavant possible. Portée par des applications attendues dans l’audio, l’IA embarquée pourrait constituer une véritable opportunité pour l’Europe sur le marché de l’industrie électronique, actuellement en pleine lutte d’hégémonie sino-américaine.

Des processeurs nouvelle génération secouent l’industrie électronique

Les circuits intégrés sont au cœur des objets électroniques du quotidien, que cela soit nos smartphones ou casques audios. Le marché des “ISA”, les architectures utilisées pour programmer les processeurs, est historiquement dominé par ARM. Mais depuis cinq ans – un temps court à l’aune des ISA – une nouvelle architecture, RISC-V, engendre un fort engouement auprès des industriels.

À ce jour, les processeurs RISC-V sont déjà intégrés dans 25% des circuits numériques en cours de conception, alors même qu’ils restent encore exclus des marchés à forts volumes comme ceux des ordinateurs ou des smartphones. Ces marchés pourraient néanmoins aussi s’ouvrir à l’avenir, si l’on s’en tient à la volonté d’Apple de « compléter l’équipe software et hardware qui implémente des solutions RISC-V innovantes » exprimée dans une récente offre d’emploi.

La progression rapide de RISC-V s’explique en grande partie par sa disponibilité en open source, une plus faible consommation d’énergie, et des fonctions de sécurité fiables. De par ces attributs, les possibilités d’innovation en intelligence artificielle (IA) embarquée sont perçues comme sans limite sur ces nouveaux processeurs.

Selon une étude menée par Counterpoint Research, le marché des architectures de processeurs qui pesait 5,2 milliards de dollars en 2020 devrait atteindre 8,6 milliards de dollars d’ici 2025, en particulier grâce à la demande croissante d’applications avancées d’appareils utilisant de l’intelligence artificielle.

L’IA embarquée devient une réalité grâce à la capacité d’innovation de l’open-source

Grâce à la collecte d’un grand nombre d’exemples représentatifs nommés “données d’apprentissage”, l’IA a permis de concevoir des fonctionnalités adaptatives. Jusqu’il y a peu, les avancées en IA comme la reconnaissance vocale, concernaient essentiellement le logiciel qui était quasiment toujours déporté sur le Cloud.

L’arrivée d’applications nécessitant un respect strict des données, telle l’IoMT (Internet of medical things), ou une réponse en quasi-temps réel, tels les systèmes de freinage des voitures autonomes ou l’aide à l’audition, change la donne. Dans ce contexte, impossible de se tourner vers le Cloud dont les risques liés à la transmission des données et les délais de traitement sont trop élevés.

L’IA doit être embarquée directement dans des composants proposant la capacité de mémoire et la puissance de calcul adéquats, hors d’atteinte des processeurs génériques insuffisamment performants pour effectuer le calcul d’inférence IA en temps-réel. L’enjeu se trouve ainsi dans l’architecture, ce qui place RISC-V au centre du jeu du fait de la capacité d’innovation que propose l’open source.

Dans ce contexte, il n’y a donc a priori plus de limite à l’introduction de l’IA embarquée sur des marchés à fort potentiel applicatif comme, par exemple, celui de l’audio.

L’IA ouvre un vaste champ des possibles à de nouvelles applications audio

Le marché de l’audio constitue un fort potentiel applicatif pour l’IA embarquée. Basés sur une mathématique statistique, les algorithmes embarqués actuels permettent une variation de réglages prédéfinis pour adapter les performances à l’environnement et à l’usage. Ainsi, l’annulation de bruit (ANC) peut s’adapter au bruit environnant (celui du métro, du bureau ou de la rue), ou le niveau de gain des aides auditives peut s’adapter au niveau de voix perçue.

La nouvelle génération de processeurs ainsi que l’innovation en IA offrent un nouveau paradigme dans l’expérience audio. Les algorithmes d’IA viennent, par un jeu d’apprentissage du ressenti de l’utilisateur, adapter les performances au fil de l’eau, au point de personnaliser les produits à la personne sans qu’aucun préréglage ne soit requis. Les signaux de voix et le flux musical peuvent ainsi être adaptés aux habitudes et à l’audition de chacun, permettant de changer l’usage des produits.

Les casques sont aujourd’hui interdits à vélo mais seront, sans aucun doute, conseillés quand ils permettront de détecter une alerte sonore dans le brouhaha du trafic. Des fonctionnalités très attendues vont émerger à l’instar de la traduction audio live, ou de l’aide auditive capable de s’adapter en temps réel au profil auditif de l’utilisateur et à son environnement.

Un tournant technologique est donc en marche, porté par les progrès matériels et logiciels. Il est important de ne pas le manquer. Dans un contexte d’hégémonie sino-américaine de la fabrication des processeurs, avec une production centralisée à Taïwan et une main mise des GAFAM sur les traitements d’IA déportés dans le Cloud, l’Europe a une réelle opportunité de revenir dans la course en accélérant la technologie RISC-V et en se positionnant en leader d’IA embarquée.