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France Connect : une clef de voûte pour l’Etat plateforme (tribune)

Disposer d’un jeu de clefs universel pour ouvrir toutes les portes, c’est bien ; permettre la circulation des personnes et des objets par ces portes, c’est mieux. France Connect sera expérimenté dès 2015 et proposera aux usagers d’accéder à l’ensemble des services publics numériques sans devoir créer de nouveau compte. Autrement dit, sans jongler avec autant d’identifiants et de mots de passe qu’ils sollicitent d’organismes publics. (Lire ‘France Connect : un accès universel aux administrations en ligne‘)

Cette fonction d’authentification unique (SSO – Single Sign-On) est un gage indéniable de simplification. Pour autant, elle relève d’un confort et non d’une rupture. La rupture, elle, viendra d’une autre volet de France Connect, celui qui permettra la construction de services publics numériques intégrés, basés sur la circulation des données de l’usager au sein d’une chaine de confiance. Explications.

A l’administration de réunir les données

Qu’il s’agisse d’une demande d’inscription en crèche, d’une prise de renseignement pour des prestations sociales ou d’une inscription à l’université, pour toutes ces démarches, un usager transmet à une administration des informations déjà détenues par d’autres administrations : acte de naissance, certificat de scolarité, avis d’imposition, justificatif de revenus, attestation de domicile…

L’Etat entend renverser cette logique avec une stratégie baptisée Etat plateforme, et dont le premier composant est France Connect. Celle-ci fait écho aux décisions de simplification comme « dites-le nous une fois ». Elle présuppose que c’est à l’administration de réunir les différentes données de l’usager et de lui offrir en retour de nouveaux services publics numériques. Des services centrés sur ses besoins, insensibles au découpage organisationnel des structures administratives.

Ainsi, pour une demande d’inscription en crèche le service en ligne de la mairie devrait pouvoir récupérer auprès des administrations compétentes l’avis d’imposition de l’usager, le justificatif de domicile ou l’extrait de naissance de son enfant.

L’usager au centre des échanges de données

Une telle plateforme d’échange de données administratives suppose plusieurs prérequis. Elle repose déjà sur la présence d’interfaces (ou API, pour Application Programming Interface) entre administrations, conformément à un cadre d’architecture et à des standards communs. Seconde exigence : elle doit mettre à disposition des ressources techniques pour les développeurs et les chefs de projets (catalogue de services, forge pour héberger les API, référentiel commun d’interopérabilité).

Enfin et surtout, elle doit s’assurer que l’usager au centre de l’échange de données a bien été reconnu et identifié. France Connect assurera cette fonction. Lorsqu’il s’authentifiera via le bouton France Connect sur un site offrant l’accès à des services publics, l’usager évoluera au sein d’un espace personnalisé dans lequel les informations administratives nécessaires à sa démarche (quotient familial, casier judiciaire, avis d’imposition, diplôme, etc.) seront accessibles. Et lorsque l’échange de données ne sera pas autorisé par les textes, l’agrément de l’usager sera exigé.

Comment seront récupérées ses informations administratives ? Deux options.

– Soit la donnée exigée par le fournisseur de service public (une mairie) est détenue par un fournisseur de service (la DGFiP par exemple). Dans ce cas, France Connect agit comme tiers de confiance en distribuant une « clef » à la DGFIP pour qu’elle ouvre son interface à la mairie.

– Soit, c’est l’utilisateur qui remet lui-même ses données au fournisseur de services publics. Des données qu’il a déjà récupérées auprès d’autres organismes et qu’il conserve dans un espace numérique sécurisé (par exemple un coffre fort électronique proposé par l’un des nombreux opérateurs). Là encore, France Connect est amené à jouer le rôle d’intermédiaire, mais cette fois entre le fournisseur de service public et le coffre-fort, sous réserve que ce dernier ait été préalablement associé à France Connect.

Pour le secteur privé aussi

L’association de France Connect avec ces différents mécanismes d’échange de données est particulièrement prometteuse. Car elle ouvre aussi la porte de l’Etat plateforme à des services fournis par le secteur privé. Prenez l’exemple d’une banque en ligne demandant un justificatif fiscal dans le cadre d’un prêt. Par le biais du bouton France Connect intégré sur son site, l’usager pourrait autoriser la récupération de ses informations fiscales. Idem avec les opérateurs téléphoniques qui, pour ouvrir une ligne, exigent une pièce d’identité.

On le voit, le composant France Connect est la clef de voûte de l’Etat plateforme. Non seulement il conditionnera la bonne circulation des données entre administrations, prélude à la création de nouveaux services publics numériques « tout en un » et sans coutures. Mais il pourrait également contribuer à l’amélioration des services opérés par le secteur privé. Dès lors que ces derniers s’aligneront sur France Connect, les entreprises s’ouvriront potentiellement aux données administratives de leurs clients (à la condition que ces derniers donnent leur consentement). Une promesse alléchante qui devrait les inciter à s’inscrire dans la logique de l’Etat plateforme.

Guillaume Blot est chef du service architecture et urbanisation de la DISIC (Direction Interministérielle des Systèmes d’Information). Une grande partie de ses activités est consacrée à dessiner la nouvelle stratégie de transformation numérique du SI de l’Etat baptisée « Etat plateforme & Identité numérique ».

A lire aussi :

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Crédit photo: Anan Chincho – shutterstock

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