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Covid-19, catalyseur de la santé numérique ?

Le 18 avril, par décret, le gouvernement a ouvert la téléconsultation aux kinésithérapeutes renforçant ainsi, un peu plus, la pratique à distances pour les actes médicaux et paramédicaux.

Initiée en 2014 dans les EPHAD puis confirmée pour tous les assurés CPAM en septembre 2018, la santé en ligne n’avait pas décollé jusqu’au début 2020. Ainsi, pour toute l’année 2019, il n’y avait que 60 000 téléconsultations (contre 500 000 envisagées).

Mais le coronavirus a modifié la donne. Sur la seule semaine du 23 au 29 mars 2020, la CPAM a enregistré 486 368 téléconsultations.

Le principal acteur de la médecine à distance, Doctolib, revendique 885.000 téléconsultations depuis début mars, et aurait dépassé le million depuis janvier 2019.  Ainsi, la France serait passée de 1000 à 100 000 téléconsultations par jour en raison de l’épidémie de Covid-19.

Cette évolution brutale semble avoir vocation à s’étendre, le gouvernement ayant autorisé, il y a quelques semaines, les téléconsultations pour les sage-femmes, les orthophonistes et les infirmières et infirmiers. Le spectre des pathologies ou interventions est donc considérablement élargi.

Le retour en arrière n’est plus possible

La crise actuelle a permis de démontrer la possibilité voire tout l’intérêt de la médecine à distance pour toute une série de situations où le déplacement chez ou par le praticien n’est pas indispensable.

Pour le médecin, la téléconsultation permet de :
· Améliorer le suivi des patients les moins autonomes ou mobiles ;
· Renouveler des ordonnances, prodiguer des conseils ou ajuster les posologies directement en ligne ;
· Diagnostiquer des complications ou une urgence thérapeutique plus rapidement ;
· Réduire les temps d’attente pour une consultation ;
· Une meilleure gestion des flux de patients pour contenir le risque épidémique.

Pour tous ces cas, la pratique de la consultation à distance présente aussi, pour le patient, l’avantage de gagner du temps et dans cette période la sécurité de ne pas être dans une salle d’attente au contact d’autres malades. Il est probable que de nombreux patients, pour les situations précédentes, préféreront désormais attendre dans une salle d’attente numérique.

Les sondages sur les usages de la télémédecine, faits avant le coronavirus, montraient déjà un très fort intérêt des médecins et des patients malgré quelques inquiétudes. Cependant, à chaque fois qu’elle était utilisée, les taux de satisfaction étaient positifs. Même si pour un français sur 2, le fait de ne pas être examiné pourrait être synonyme d’une perte de chance.

La situation de crise ayant contribué à faire passer les téléconsultations de 1% à 11%, la pérennisation de cette pratique ne dépend plus que du cadre légal. Pour l’instant, la durée du décret est limitée dans le temps. Le texte français évoque « la période de crise » bien que l’OMS indique que la crise durera 2 ans…

L’ancrage de cette pratique médicale dans les habitudes paraît donc probable.

Pour ce qui est télé-soins, équivalent de la télémédecine dédiée aux professions paramédicales, il faudra voir avec le temps comment patients et praticiens vont s’approprier la téléconsultation. C’est notamment le cas pour la kinésithérapie où toute la prise en charge « digitalisée » est à repenser.

Un système de santé pris de court

Ce passage au numérique a été fait sur un marché technologique peu mature. Ainsi, les solutions de vidéo-consultations sont nombreuses, et imparfaitement interfacées avec les logiciels des praticiens. Ceux-ci « basculent » d’un écran à un autre pour saisir le suivi de la consultation ou envoyer une ordonnance au patient.

De même, la chaîne de transmission des informations est entre praticiens reste à parfaire, en particulier pour les documents d’imagerie médicale.

En outre, même si les patients adoptent massivement cette forme de médecine, on ne peut y voir là qu’une réponse très partielle aux délais de consultations. En effet le nombre de consultations (fussent-elles faites en visioconférence) reste limité par le numerus clausus et donc la disponibilité des médecins dont le temps n’est pas extensible.

Actuellement le gouvernement a listé près de 70 plateformes en ligne dédiées à cet usage.

On ne peut que penser que les outils de visio-consultation vont se développer. On assistera très bientôt à la même course effrénée que celle que l’on a connu pour les agendas en ligne où Doctolib a acquis un quasi monopole.

Exploiter les outils numériques

En parallèle sur ce « marché » de la télémédecine, se développe celui de la santé connectée avec des chiffres à donner le tournis. Selon une étude de Transparency Market Research, le marché mondial des capteurs médicaux devrait atteindre 27,7 milliards de dollars d’ici 2026 avec une croissance de 9,9% par an.

Pour les seuls « wearables », IDC estimait le marché à 198,5 millions fin 2019. Data Bridge projetait un marché à 371 milliards de dollars à l’horizon 2024. Ce marché inclut : Oxymètre de pouls, tensiomètre, balance connectée, bracelets d’activité et montres connectées

Aujourd’hui, ces deux mondes sont faiblement articulés entre eux alors qu’il existe un réel potentiel de synergie.

Les objets connectés de santé devraient permettre de préparer une téléconsultation, de faciliter le suivi à distance pour le médecin, tout en responsabilisant le patient.

Ces objets connectés peuvent jouer un rôle dans l’évolution vers la médecine préventive voire prédictive avec l’apport de l’IA.

IoT et Covid-19

L’explosion des téléconsultations, notamment pour les besoins spécifiques de suivi des patients atteints de covid-19, aurait pu renforcer l’apport de l’IoT dans la gestion de cette crise sanitaire.

En effet, l’un des principaux risques en lien avec cette pathologie repose sur l’altération assez brutale de la fonction respiratoire qui nécessite d’hospitaliser le patient.

Le ministère de la santé recommande que chaque patient soit réévalué par téléconsultation entre J6 et J8 du diagnostic.

Il a été recommandé d’avoir recours au score de Roth et à des questions assez simples pour diagnostiquer une gêne respiratoire.

Ce score repose sur un exercice qui consiste après une inspiration profonde à compter de 1 à 30 rapidement sans reprendre son souffle (les critères d’alerte sont une reprise du souffle <5 secondes et/ou le fait de ne pouvoir dépasser le chiffre 7)

A l’ère où tout le monde dispose d’un smartphone bourré de technologie, pour la gestion d’une crise sans précédant, il a fallu avoir recours à un score, controversé, inventé en 2016 pour pallier – déjà à l’époque- au manque d’outils à disposition du médecin pour la téléconsultation

Plusieurs applications disponibles sur les « stores » prétendaient pouvoir transformer les smartphones en oxymètre de pouls en utilisant la lentille d’acquisition et le flash de l’appareil photo. Une récente étude a montré que ces applications relevaient plus du gadget que d’un réel outil de surveillance.

Cependant, des oxymètres référencés comme dispositifs médicaux à la norme CE existent autour d’une trentaine d’euros. Il y a donc une réelle opportunité de développement d’objets connectés pour participer au suivi médical des patients.

Transformation de la médecine

Plus la médecine à distance s’inscrit dans le temps, plus les pratiques médicales pourront et devront intégrer les outils connectés.

Il y a fort à parier que les logiciels de téléconsultation vont évoluer rapidement tant dans l’ergonomie que dans l’importation de données.

Actuellement la téléconsultation n’est que la « digitalisation » d’une consultation habituelle chez son médecin telle qu’on la connait depuis longtemps. Reste à voir désormais quelles innovations verront le jour dans l’organisation de la prise en charge et quelle place les éditeurs de logiciels laisseront aux objets connectés.

La combinaison objets de santé connectés, applications sur mobile, Intelligence Artificielle et télémédecine crée ainsi de nouvelles pratiques qui, correctement encadrées, contribuent à l’essor de la médecine préventive et prédictive.

Le coronavirus aura peut-être ainsi contribué à une nouvelle évolution de la médecine.

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