Après la Deutsche Bank, c’est un autre fleuron de la Germany Inc. qui est contraint de passer ses comptes à la paille de fer en raison des difficultés qu’il rencontre avec son IT. Cette fois, la victime s’appelle Deutsche Post, le service postal allemand. Ce dernier a vu ses profits pour le troisième trimestre plonger de 90 % en raison d’une perte exceptionnelle due à l’annulation d’un projet informatique au sein de sa filiale logistique, DHL. Un loupé qui a coûté la bagatelle de 345 millions d’euros, selon Deutsche Post. Le service postal avait passé un avertissement sur résultat le 28 octobre, prévenant de son changement de stratégie concernant la mise à jour du système informatique de sa filiale, un projet appelé New Forwarding Environment (NFE).
« La probabilité que DHL Global Forwarding (le nom de l’entité chargée du fret maritime et aérien et censée exploiter le nouveau système, NDLR) puisse être en mesure de tirer des bénéfices de l’utilisation du système New Forwarding Environment (NFE) dans son état actuel est faible, écrit le groupe allemand dans son rapport adressé à ses actionnaires. La majeure partie des actifs capitalisés à l’occasion de ce projet NFE a donc été dépréciée. »
Sur les 345 millions de perte exceptionnelle passée par Deutsche Post, 308 millions correspondent à l’arrêt du projet lui-même, autrement dit aux investissements dépensés en pure perte. S’y ajoutent 37 millions de provisions que DHL va utiliser pour retirer le nouveau système, là où il avait déjà été déployé, et se dégager de ses obligations contractuelles. Si Deutsche Post n’a pas dévoilé le nom de ses fournisseurs sur ce projet, ce sont SAP (avec son offre Transportation Management) et IBM qui en avaient la charge, selon la presse allemande et de multiples documents disponibles sur le Net.
Ainsi, selon une présentation faite par SAP en 2013, le projet NFE visait à améliorer la transparence sur le processus financier (de la quotation à l’encaissement) et sur la livraison du produit, à doper la productivité (via la standardisation de la solution, l’intégration du pricing ou encore l’automatisation de la facturation), sans oublier la promesse de processus temps réel dont sont friands les acteurs de la logistique.
En réalité, la décision d’arrêter NFE remonte au printemps dernier : Frank Appel, le patron de Deutsche Post (en photo ci-dessus), avait alors choisi d’arrêter les frais sur ce dispendieux programme de transformation. Un programme, estimé au total à 750 millions d’euros, qui a coûté leur poste de plusieurs dirigeants, dont celui de Roger Crook, le directeur général l’entité Global Forwarding de DHL (fret aérien et maritime) parti pour « raisons personnelles » en avril dernier.
DHL ne renonce toutefois pas à rénover son système d’information de gestion du fret. « Nous prenons des nouvelles mesures pour nous assurer que cette modernisation soit bien centrée sur les besoins des métiers », affirme Frank Appel. Façon de dire que la tentative précédente ne l’était pas vraiment… Le groupe d’outre Rhin entend toujours moderniser son legacy pour harmoniser les pratiques au sein du groupe, améliorer la visibilité sur les expéditions et mieux gérer les documents relatifs à cette activité.
Si les objectifs paraissent donc inchangés, la méthode pour y parvenir emprunte cette fois un chemin tout différent. Une des diapositives présentées par Deutsche Post DHL (ci-dessous) présente les nouvelles orientations de cette transformation, orientations qui résonnent comme une critique en creux des choix effectués pour NFE. Le groupe postal indique désormais s’orienter vers des applications ‘best-of-breed’, dont la pertinence a déjà été prouvée dans l’industrie du fret, affiche sa volonté de limiter les customisations et de s’engager dans un projet capable de tirer parti de l’existant. Les oreilles d’IBM et de SAP doivent siffler…
En août dernier, le directeur financier du groupe, Larry Rosen, expliquait, sur la base d’un audit interne, que le géant de la logistique devrait pouvoir ré-exploiter certains composants développés pour NFE. A cette époque, Larry Rosen précisait que le développement du programme de modernisation se traduisait, sur le plan comptable, par une écriture de 300 millions d’euros au bilan de l’entreprise. Depuis, Deutsche Post semble donc avoir opté pour un choix plus radical : celui de tirer un trait sur l’intégralité des développements de NFE.
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