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Panama : sous le soleil numérique, exactement (tribune)

On connaissait le Panama pour son canal. Désormais, on le connaitra aussi pour ses « papers ». Le canal, mine de rien, c’est déjà quelque chose. Une petite saignée de 80 km qui voit aujourd’hui passer près du tiers du trafic maritime mondial. Excusez du peu. 14 000 navires sur les 50 000 en activité qui s’acquittent du droit de passage annuellement. Des cargos, des porte-conteneurs, des supertankers pétroliers. Que du lourd.

A en croire les experts, 90% du commerce mondial transite sur l’eau. Et ce, grâce à 2 innovations majeures : le container et le supertanker. Pas de e-commerce sans cette flotte. Juan Carlos Varela, président du Panama (dont personne ne connaît le nom), voit donc passer sous ses fenêtres plus du quart du commerce de la planète. Avouez que ce n’est pas rien.

Panama, un pays de flux

Ainsi, depuis 1914, ce petit pays est au cœur des flux matériels et énergétiques mondiaux (plus de 40% du pétrole prend la mer). Et voilà qu’aujourd’hui, on le découvre également grâce à une fuite d’information, au cœur des flux financiers de notre économie mondialisée, gérant les comptes offshore de plus de 214 000 sociétés de 200 pays. Sous les fenêtres (d’ordinateur cette fois) « el presidente » voyait donc défiler toute la petite planète finance : 500 banques et leurs filiales qui viennent prendre le soleil. Que du beau monde.

Une fuite massive de données

Ce qui surprend d’abord nos experts en sécurité, c’est l’ampleur de cette fuite. Imaginez un peu. Au départ, certes, il y a un lanceur d’alerte. Rien de surprenant jusque-là. L’humain est depuis toujours le point faible de tous les systèmes informatiques. Mais ensuite, pendant 7 mois, flic floc, flic floc. 6 à 7 Go de données qui sortent tous les jours des serveurs mails du cabinet Mossack Fonseca, sans que personne ne le remarque, sans qu’aucune alerte automatique ne soit déclenchée. Cela a de quoi surprendre, même le plus béotien des administrateurs réseau.

Au final, 2,6 To de données exfiltrées. C’est 10 fois plus que l’offshore leaks de 2013 et 1 500 fois plus que le fameux Wikileaks de 2010. Un supertanker numérique.

Et comme si cela ne suffisait pas, pas le moindre chiffrement, pas le moindre cryptage de données, même pas un petit mot de passe 1234. Du jamais vu !

Un super cas d’usage pour le Big Data et le collaboratif

Bon, encore fallait-il analyser ces 11,5 millions de documents.

Pour cela, l’ICIJ (le consortium international des journalistes d’investigation) a recouru tout d’abord à une plateforme d’investigation sur le Big Data (Nuix) qui a dédupliqué les fichiers, a passé par OCR les documents images, a classé et extrait les informations des données structurées et non-structurées. Puis, pour organiser les informations, ils ont utilisé une technologie de bases de données de graphes (Neo4j) pour mettre en lumière les nœuds et les relations entre les données. Enfin, c’est la solution de Linkurious (start-up française) qui a permis la visualisation des informations et le travail collaboratif en ligne des quelques 370 journalistes, via email et forums sécurisés.

De la belle ouvrage

Et un cas d’usage en or (ou en devises) pour tous les représentants des technologies numériques : de cybersécurité, de blockchain, d’analytique, de big data, de dataviz, de solutions collaboratives… Il y a fort à parier que dans les prochains mois, dans toutes les présentations des consultants, des éditeurs et des analystes, nous mangions des « panama papers ». Jusqu’au prochain scandale.

Et pendant que la planète s’agite, sous le soleil du Panama, les bateaux passent. Imperturbables.

Christophe Timont est vice-président marketing du groupe CXP

A lire aussi :

Cybersécurité : les 5 erreurs fatales de Mossack Fonseca

Linkurious, la start-up du Big Data qui surfe sur les Panama Papers

Crédit photo : Chris Jenner + neftali / Shutterstock

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