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Loi de programmation militaire : le tant décrié article 13 sera-t-il supprimé ?

Après un vote à l’Assemblée nationale la semaine dernière, le Sénat doit examiner mardi 10 décembre en seconde lecture le projet de loi de programmation militaire (LPM 2014-2019). Notamment son désormais fameux article 13 qui élargit l’accès d’agents de police et de gendarmerie nationale habilités aux données de connexion et de géolocalisation après conservation ou en temps réel. L’industrie numérique française est vent debout contre cette disposition. Malgré l’opposition de la filière et l’avis défavorable du Conseil national du numérique, le gouvernement campe sur ses positions.

La filière ne veut pas d’une « dictature numérique »

« Nous sommes à deux doigts de la dictature numérique », a expliqué aux Échos Gilles Babinet, entrepreneur chargé par Bercy de représenter la France à Bruxelles dans le cadre du programme européen des « Digital Champions ». « On critique Prism (le programme de surveillance de la NSA américaine, ndlr) et là, on va bien plus loin. On institue l’état de surveillance permanent […] Il n’y a plus de pouvoir du juge ». Avant d’ajouter : « en aucun cas, il ne faut donner un blanc seing aux militaires et à d’autres pour écouter tout et tout le monde en temps réel ».

Dans un avis daté du 6 décembre, le Conseil national du numérique, commission consultative auprès des pouvoirs publics, estime lui-même « qu’il n’est pas opportun d’introduire sans large débat public préalable, une modification du dispositif créé par la loi de 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, alors qu’elle étend les modalités d’accès aux données, leur nature et leurs finalités. »

De son côté, le syndicat patronal Syntec Numérique estime que le projet de loi constitue une menace pour l’économie IT en France et regrette que les représentants du secteur n’aient pas été consultés, alors que le texte fusionne « le régime de la perquisition de documents avec celui de l’accès aux données détenues par les fournisseurs d’accès ». Autre acteur de la filière, l’Afdel, qui représente les éditeurs de logiciels et sociétés de services Internet en France, juge qu’autoriser l’accès administratif direct aux systèmes d’information risque de saper la confiance dans le Cloud. Ce sentiment est partagé par l’Association des services Internet communautaires (Asic), qui s’inquiète d’un mécanisme revenant à offrir aux autorités « un accès à tout document et/ou contenu stocké par un hébergeur sur ses serveurs ».

La Fédération française des télécoms, qui défend les intérêts des opérateurs, déplore également la possibilité pour les autorités d’accéder, sans aucun contrôle préalable, aux SI. L’organisation IAB France (Interactive Advertising Bureau), qui regroupe régies publicitaires et annonceurs, estime que le texte en l’état représente une menace pour la compétitivité numérique.

Enfin, la Quadrature du Net, organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, est opposée à un régime de surveillance généralisée et s’étonne de l’empressement de l’exécutif français, alors que  la loi sur les interceptions est valable jusqu’à 2015…

Cybersurveillance d’État : le double discours français

Face à la vive opposition de l’industrie numérique française, le gouvernement ne remet pas en cause l’article 13. Préférant mettre l’accent sur les travers de la cybersurveillance américaine, la ministre en charge de l’Économie numérique, Fleur Pellerin, a simplement évoqué une future loi sur les libertés qui devrait être présentée en 2014.

Au Sénat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a appelé à adopter le texte en l’état. Mais des amendements ont été déposés, dont trois sur l’article 13 à ce jour. Les sénateurs du groupe EELV Corinne Bouchoux, André Gattolin et Esther Benbassa demandent la suppression de l’article 13 et la réouverture du « débat sur la surveillance des données numériques en France et le dispositif des interceptions de sécurité. » Pour les sénateurs UMP Elisabeth Lamure, Pierre Hérisson et Gérard César, il n’est pas question de supprimer l’article 13, mais de préciser quel est le rôle des opérateurs et de l’État dans ce dispositif.

D’après une source proche du dossier interrogée par la rédaction, il est peu probable que ces amendements soient adoptés. Si le Sénat votait demain en deuxième lecture en faveur du projet de loi de programmation militaire 2014-2019, le texte serait définitivement adopté.


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