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TRIBUNE : Microsoft et sa conception des ‘standards’

Lorsque Microsoft a créé son format Open XML, son objectif n’était pas d’en faire un format standard ouvert. D’abord parce que l’éditeur se devait de disposer d’un format plus largement compatible avec ses divers fichiers numériques issus de son important catalogue (XML s’impose !). Ensuite parce que le géant mondial n’avait pas besoin d’en faire un standard, puisqu’Office, le c?ur de sa stratégie et de sa tirelire, avec 90 % du marché de la bureautique est un standard de facto.

Il y a encore une quinzaine d’années, la question du standard ne s’imposait pas. A l’époque, la seule question portait sur la compatibilité. Et en la matière, une seule réponse s’imposait: Office. Depuis lors, le monde a changé, et le rythme des changements ne cesse de s’accélérer. La compatibilité est désormais dépassée et remplacée par l’interopérabilité. Internet et les réseaux ont brisé les limites de la proximité géographique, et les systèmes comme les postes doivent pouvoir discuter, partager et s’échanger des données.

L’interopérabilité impose donc des standards -les Européens préfèrent parler de « normes »- les seuls aptes à être reconnus par tous, d’autant qu’ils bénéficient de la reconnaissance la plus large et la plus stratégique: la reconnaissance politique.

Mais Microsoft, qui souffre aussi du syndrome de l’oligarchie – à savoir d’être la cible de tous ceux qui craignent et pourfendent les dominants et qui s’y opposent systématiquement (et souvent aveuglément), ce que sa volonté souvent qualifiée de monopolistique de dominer les marchés sur lesquels il ?uvre n’arrange pas ?, n’éprouvait pas la nécessité d’adopter les standards. Sauf que cela s’impose aujourd’hui comme une nécessité vitale.

Seulement voilà, l’adoption des standards modifie les règles du jeu, peut-être pas immédiatement mais sur le long terme. Car, par essence, les standards ne sont pas propriétaires. Une révolution culturelle pour Microsoft !

On comprend donc mieux la stratégie du géant mondial: elle consiste non pas à adopter des standards ouverts, mais au contraire de faire reconnaître ses choix de formats comme des standards de facto et donc des… normes.

La démarche de passer par l’ECMA est ici symptomatique de la stratégie de l’éditeur. Là où l’ISO s’impose comme une organisation supra-nationale reconnue par les politiques, l’ECMA valide des standards industriels. La démarche de Microsoft n’est plus jugée par les politiques, souvent agacés par sa position dominante, mais par ses pairs qui souffrent des mêmes troubles et de la même recherche de reconnaissance.

Quant à l’ouverture annoncée, elle prend la forme d’une invitation à rejoindre la galaxie Microsoft. Car avant de chercher à devenir un « format standard », Open XML est d’abord un produit Microsoft exclusivement compatible avec les produits de Microsoft. L’éditeur invite donc ses concurrents à reconnaître ses formats, mais lui-même en proposant des solutions concurrentes tente d’échapper aux formats de ses compétiteurs.

Microsoft craignait l’isolement: il propose donc une porte de sortie. Avec un argument béton à l’appui: l’auteur d’un standard ne peut être que le meilleur pour l’implémenter dans ses propres produits. En reconnaissant ces formats candidats au statut de standards, ses concurrents reconnaîtront de facto le positionnement de leader de Microsoft. De quoi raffermir des fondations qui commençaient à s’effriter?

Mais il reste une démarche à accomplir pour Microsoft, la reconnaissance de la part de l’ISO. Pour cela, le lobbying tourne à fond et l’éditeur peut compter sur ses appuis dans l’industrie, et certainement sur ses ‘relations’ politiques. Mais si Open XML et XPF obtiennent le précieux label, sans doute faudra-t-il revoir alors les notions de ‘standard’ et d »ouverture’. Et, paradoxe de la démarche, rarement aura-t-on vu autant de brevets associés à un standard, ou la dérive américaine de la brevetabilité des concepts portée à son paroxysme.

En tout cas, plus personne ne pourra opposer un quelconque argument monopolistique à Microsoft, puisque ses produits seront le standard. Il reste que face à la prolifération des services Web – dynamique qui lui échappe en partie (Google oblige…), Microsoft peut au minimum s’accorder un répit, dont la durée est encore loin d’être mesurable. Car l’une des lois de la physique terrienne est d’une rare simplicité : tout ce qui est monté finit toujours par retomber !…

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