« Un comité exceptionnel se réunira le 11 juin : nous annoncerons des réductions d’emplois, condition pour continuer à vivre dans un monde à quatre opérateurs. » A l’occasion de son audition par la commission des Affaires économique du Sénat le 28 mai dernier, mais rendue publique récemment, le PDG de Bouygues Telecom Olivier Roussat a confirmé les craintes des syndicats. Quelques semaines plus tôt, ces derniers estimaient que l’entreprise pourrait se séparer de 1500 à 2000 salariés dans les mois qui viennent.
Olivier Roussat vient de le confirmer mais sans entrer dans les détails. Le comité de mercredi prochain devrait donc préciser les modalités de cette restructuration (plan de sauvegarde de l’emploi, plan de départs volontaires ?) et le nombre. Cette décision est justifiée par la situation « exsangue » de l’opérateur dans un secteur qui « ne va pas bien », écartelé entre des revenus en baisse et la nécessité de poursuivre les investissements d’infrastructure pour répondre à l’augmentation des usages comme l’a souligné le récent rapport annuel de l’Arcep. Pour sa part, le dirigeant de Bouygues Telecom reconnaît que « les résultats en matière de 4G n’ont pas été à la hauteur de nos espérances, l’un de nos concurrents ayant décidé en décembre dernier de galvauder la 4G en proposant un abonnement à 20 euros ».
Si Bouygues Telecom va mal, c’est donc de la faute à Free et, surtout, des conditions d’attribution de la 4e licence mobile. Aux yeux d’Olivier Roussat, Free a bénéficié d’une licence au rabais et, surtout, un décalage entre les obligations de couverture (donc d’investissement) du territoire des 3 opérateurs et du 4e du fait d’un accord d’itinérance (signé avec Orange) anticoncurrentiel. « Si l’itinérance n’est pas remise en cause, le marché ne s’en relèvera pas. Orange, qui perçoit 700 millions d’euros versés par Free pour l’utilisation de son réseau, refuse de dénoncer le contrat qui les lie, en invoquant le risque que SFR prenne sa place, estime le dirigeant. Des milliers d’emplois sont en jeu. »
Accord d’itinérance que l’Autorité de la concurrence remettait en cause en mars 2013 sans que l’invitation à sa disparition progressive ne soit mise en œuvre par l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes). Face au silence du régulateur (qui renvoie à la Concurrence), Olivier Roussat a saisi le Conseil d’Etat début mai mais n’attend pas de réponse avant 2015.
Conséquences pour Bouygues Telecom : « Au premier trimestre, Bouygues Telecom a ainsi connu une perte opérationnelle de 19 millions d’euros : l’entreprise doit donc se réformer pour changer de modèle, car il n’est pas possible de vivre durablement avec des résultats négatifs. Nous sommes en pleine réflexion pour continuer à exister dans ce marché à quatre opérateurs. Nous avons décidé d’économiser 300 millions supplémentaires par an, après avoir réduit nos coûts de fonctionnement de 600 millions en deux ans, déclare Olivier Roussat. Notre objectif est d’économiser un milliard par an d’ici trois ans : c’est énorme, pour un chiffre d’affaires de 4 milliards. »
Quid d’une fusion avec Orange qui permettrait au groupe Bouygues de sortir de l’impasse tout en gardant un pied dans les télécoms (en prenant une participation dans le capital de l’opérateur historique) ? Olivier Roussat botte en touche soulignant que les discussions sont pour l’instant « très préliminaires. Nous ne voulons dépendre de personne pour restaurer notre rentabilité et pouvoir réaliser les investissements dont nous avons besoin. » Et d’ironiser sur la volonté du gouvernement de vouloir revenir à trois opérateurs après en avoir imposé un quatrième. « Quel est le sens de tout cela ? Si le but était de transférer l’argent d’un opérateur à un autre, c’est réussi, la fortune du patron de Free, Xavier Niel, est faite. Mais où est la logique ? Favoriser l’émulation entre les opérateurs, et donc l’investissement ? Sans doute pas puisque l’un des opérateurs bénéficie de conditions d’installation biaisées. » Encore et toujours Free…
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