Les électeurs qui se sont rendus aux urnes dimanche dernier pour participer au premier tour de la primaire de la gauche ont rendu leur verdict. Les heureux élus font un score assez voisin : 35,86% pour Benoît Hamon, 32,22% pour Manuel Valls. L’issue du scrutin du second tour de l’élection s’annonce de ce fait, incertaine.
Je me suis déjà exprimé à propos de Benoît Hamon qui, sous des dehors de « modernité », s’assume bien comme le candidat de « l’ère post-travail », ce qui m’autorisait à dire qu’il n’était « moderne qu’en apparence » et n’avait pas pris toute la mesure de la révolution numérique en cours, n’en voyant que les aspects négatifs.
Livrons-nous maintenant au même exercice avec son adversaire. En tapant « Valls » et « Numérique » sur un site de recherche, on enregistre un nombre d’occurrences quatre fois supérieur à celles remontées par Benoît Hamon, 904 000 contre 221 000.
Ce score particulièrement flatteur s’explique, pour une large part, du fait qu’au cours de son mandat, l’ancien Premier ministre a eu très souvent l’occasion de parler du numérique, que ce soit à l’occasion du lancement de la consultation pour le projet de loi numérique, des discussions sur la place à accorder à la cyber défense dans la loi de programmation militaire 2014-2019 et dans celle sur le renseignement, ou plus récemment lors du débat sur le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) créé par un discret décret sans concertation préalable.
Au-delà de leur nombre, de fait significatif, ces interventions traduisent, quoi qu’en ait dit notre candidat, une orientation – pour ne pas dire une dérive s’agissant de TES – sécuritaire en matière numérique plutôt que transformationnelle. Et ce, en dépit de ses déclarations programmatiques : « au-delà des questions de régulation, l’État doit donc apprivoiser les logiques du numérique et développer une vision stratégique afin d’influer, de façon concrète et pragmatique, sur les évolutions en cours »
Je lui concède bien volontiers qu’on ne peut réaliser la transformation numérique de la société française si on ne garantit pas une confiance absolue dans les outils de cette transformation. Les questions de sécurité, de souveraineté, sont de fait essentielles dans une vision qui se veut réaliste de ce nouveau monde dans lequel nous entrons.
Pour autant, faut-il réduire cette ambition à une série de lois qui ajoutent aux précédentes de nouvelles couches sécuritaires aussi inefficaces que coûteuses à mettre en œuvre alors qu’un simple renforcement des expertises et compétences de l’autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information (ANSSI) suffirait amplement.
Parce qu’il est bien au fait de l’importance des « données » et de leur conservation au sein de la nouvelle économie, il s’est mobilisé comme Premier ministre auprès des instances européennes – et c’est aujourd’hui un de ses arguments forts de campagne – pour que « la France s’allie avec plusieurs autres États membres volontaires pour définir un cadre à l’économie des plateformes, plus adapté que la directive e-commerce de 2000 (dont le principe de responsabilité limitée des hébergeurs est dévoyé par des acteurs dont le métier va bien au-delà de celui d’hébergeur), permettant à la fois de stopper l’évasion fiscale observée et de préserver notre souveraineté économique. »
On le voit, ses initiatives en lien avec le numérique quand il dirigeait le Gouvernement comme son programme de candidat à l’élection présidentielle en matière numérique ne sauraient se confondre avec un sous programme de l’ANSSI.
Pour autant, même si Manuel Valls est conscient de la nécessité de gouverner autrement, en particulier de généraliser les consultations citoyennes, et de l’importance de la révolution numérique en cours, il n’apporte pas cette vision globale du numérique que j’attends pour l’heure désespérément des candidats à la présidentielle 2017, des candidats qui pourraient par exemple s’engager sur les possibles évolutions de notre modèle social à l’ère digitale, proposer de renforcer notre compétitivité par la numérisation de l’industrie ou bien encore montreraient quel impact pourrait avoir le numérique sur l’évolution de notre système de santé.
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