Présenté en urgence par le gouvernement, le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a été définitivement adopté par le Parlement, mardi 4 novembre, lors d’un vote ultime au Sénat. Malgré les alertes de la société civile et de commissions consultatives, le texte porté par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, prévoit le blocage administratif des sites Internet faisant l’apologie du terrorisme. Il autorise également les perquisitions de données stockées dans des serveurs informatiques situés à l’étranger, y compris dans le Cloud.
Avant d’obtenir le blocage d’un site internet « faisant l’apologie du terrorisme ou y provoquant » (article 9 du projet de loi), l’autorité administrative devra adresser à l’éditeur du site, ou à son hébergeur, une demande de retrait du contenu incriminé. En l’absence de retrait dans un délai de 24 heures, l’autorité concernée (police administrative, gendarmerie…) pourra s’adresser aux fournisseurs d’accès Internet. Les FAI devront « empêcher l’accès sans délai » au site concerné.
Dans un avis publié en septembre dernier, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a déploré un brouillage de « la distinction classique entre police administrative et police judiciaire », qui porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Également opposé au contournement de l’autorité judiciaire au profit de l’autorité administrative, le Conseil national du numérique (CNNum) a estimé en juillet que « le dispositif de blocage proposé est techniquement inefficace », puisqu’il ne permet pas de supprimer le contenu à la source.
Le blocage est également contre-productif, selon l’avis du CNNum, car il pousse « les réseaux terroristes à complexifier leurs techniques de clandestinité, en multipliant les couches de cryptage et en s’orientant vers des espaces moins visibles du réseau » (réseaux privés virtuels, peer-to-peer, Tor, etc.). Enfin, la mesure ne tient pas compte des retours négatifs soulevés par les expériences similaires à l’étranger, « notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme aux États-Unis, les révélations d’Edward Snowden [sur les écoutes de la NSA] et le risque de perte de confiance des consommateurs dans l’écosystème numérique », a souligné le Conseil. Pour cette commission consultative indépendante, des alternatives au blocage administratif de sites auraient été préférables, par exemple une procédure judiciaire accélérée en cas de réplication de contenus déjà condamnés.
Le projet de loi instaure également une interdiction administrative de sortie du territoire de Français candidats au jihad. Et une interdiction d’entrée de ressortissants d’un pays membre de l’UE présentant « une menace réelle » pour la société. Le texte crée, par ailleurs, un nouveau délit d’entreprise terroriste individuelle. Regrettant l’examen en urgence du texte, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a exprimé ses plus grandes réserves concernant cette nouvelle infraction (article 5) et l’interdiction administrative de sortie du territoire (article 1).
Quant à La Quadrature du Net, elle a appelé à maintes reprises les parlementaires à s’opposer à la « censure administrative », sans succès. L’organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet juge les mesures phares du projet de loi liberticides. Pour le Syndicat de la magistrature, enfin, « la désignation comme une nouvelle forme de danger de la transgression par des individus ‘suspects’ des frontières réelles comme virtuelles sert à confier des pouvoirs exorbitants de surveillance et de contrôle sur les citoyens à l’administration, bien au-delà de la seule lutte contre le terrorisme. »
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