e-Yuan : les sénateurs US poussent Google et Apple à le boycotter

Un projet de loi visant à interdire les applications hébergées par Google ou Apple qui permettent le paiement en yuan numérique (e-Yuan) a été déposé au Sénat des États-Unis.

Les tensions technologiques entre les USA et la Chine ne s’apaisent pas, et si le cas Huawei illustre parfaitement les désaccords et craintes respectives de ces dernières années, d’autres chantiers ont été lancés.

Le dernier d’entre eux provient du Sénat américain, avec le dépôt d’un projet de loi qui pourrait aboutir à l’interdiction des applications qui autorisent les paiements avec la monnaie numérique chinoise, le e-CNY.

L’adoption rapide du yuan numérique en Chine

À l’origine de ce projet de loi, on retrouve les sénateurs républicains Tom Cotton, Mike Braun et Marco Rubio. Selon eux, les sociétés qui possèdent ou contrôlent des magasins d’applications ne peuvent et ne doivent pas proposer ni soutenir – sous-entendant « héberger » dans ces magasins – des applis aux États-Unis qui permettent des transactions, des paiements en e-Yuan (ou e-CNY, l’autre dénomination de la monnaie numérique chinoise).

Les sénateurs craignent que le e-Yuan, symbole du développement du portefeuille numérique de l’empire du Milieu, ne permette au gouvernement chinois d’espionner les citoyens et entreprises américains.

Pour Tom Cotton, le yuan numérique pourrait offrir à Pékin « une visibilité en temps réel sur toutes les transactions sur le réseau, posant des problèmes de confidentialité et de sécurité » pour celles et ceux qui rejoindraient ce réseau.

Le e-Yuan, initié en 2014, a largement été testé durant les Jeux olympiques d’hiver de Pékin en début d’année, et le gouvernement veut désormais le rendre accessible au plus grand nombre, même au-delà des frontières. En janvier dernier, Pékin avait annoncé que plus de 261 millions de personnes utilisaient une application dédiée pour payer avec des e-CNY, évoquant une forte progression depuis l’automne.

Aujourd’hui, le yuan numérique, émis par une autorité centrale, possède une valeur identique à celle d’un yuan classique. Il peut être stocké dans un portefeuille numérique développé par les autorités.

Les sénateurs veulent limiter les risques pour les citoyens américains

Cet e-Yuan est aussi disponible dans les deux principales applications de paiement chinoises : AliPay, du géant Ant Group, et WeChatPay, du mastodonte de la messagerie WeChat appartenant au groupe Tencent. Les deux applications acceptent bien les paiements en e-CNY.

Et c’est tout là le problème pour les États-Unis, puisque les deux applications sont aujourd’hui disponibles sur le Play Store et l’App Store, les boutiques d’applis de Google et Apple.

Les sénateurs à l’initiative du projet de loi ne veulent pas que les citoyens américains subissent des ingérences (avec des données précises sur leur activité financière) du fait de potentiels paiements en yuan numérique.

Si les entreprises concernées (Apple, Google, Ant Group et Tencent) n’ont pas immédiatement réagi, l’ambassade de Chine à Washington compare ce projet de loi à une « intimidation gratuite » des États-Unis contre les entreprises étrangères, au regard de menaces pour la sécurité nationale qui seraient ainsi illusoires.

L’approche des élections de mi-mandat plonge néanmoins ce projet de loi dans l’incertitude.

Alexandre Boero

Illustration : © moerschy / Pixabay