King Kong : le mariage poussé du cinéma, du jeu vidéo et de l’Internet

Rarement les intérêts d’Hollywood, de l’industrie des jeux vidéo et des fabricants de consoles n’auront été aussi solidaires qu’avec le très attendu film ‘King Kong’ et son jeu

Pari insensé pour Universal Pictures, avec le remake du cultissime film de 1933 :

King Kong. Une ?uvre intemporelle qui déjà à l’époque mêlait prises de vues réelles, décors gigantesques, et un singe géant (des peluches de 30cm) animé image par image par le maître Willis O’Brien. Mais pari en passe d’être gagné, à la fois par l’un des cinéastes les plus doués de sa génération, Peter Jackson, le réalisateur de la trilogie du ‘Seigneur des Anneaux‘. Ainsi que par une société française qui réalise la version jeu vidéo tirée du film, UbiSoft. Le jeu King Kong est un modèle marketing, qui pourrait marquer une date dans l’histoire de la culture numérique, et en particulier du jeu vidéo. Un futur cas d’école qui mérite bien que l’on s’y intéresse… King Kong, c’est d’abord une histoire hors du temps, ‘la belle et la bête‘ en version gargantuesque. L’histoire d’un singe géant, survivant d’un monde préhistorique, qui tombe amoureux d’une jeune femme d’apparence fragile, et qui périra par amour pour elle. Une histoire que Peter Jackson a dépoussiéré à coup de technologies numériques (même si la version de 1933 est remarquable et sa vision poétique se passe de tout dépoussiérage – ndlr) C’est ensuite un incroyable potentiel commercial qui ne pouvait échapper à l’industrie du jeu vidéo. A condition cependant que son éditeur ait l’ambition de répondre aux attentes d’un public de joueurs toujours plus exigeant. Pour cela, UbiSoft va d’abord viser le réalisme cinématographique. Philippa Boyens, co-scénariste du film, va co-écrire le script du jeu. Elle va aussi superviser les dialogues et l’enregistrement direct des voix. Pour la versin anglaise, ce sont les acteurs eux même – Naomi Watts, Jack Black, Adrien Brody, Colin Hanks en tête ? qui vont être enregistrés en Nouvelle Zélande, sur les lieux même du tournage. Les acteurs vont aussi se prêter au jeu du scan en 3D et de l’acquisition numérique de leurs déplacements pour recréer les personnages du jeu. Et s’agissant de King Kong, et des monstres préhistoriques et géants rencontrés dans l’histoire, UbiSoft va travailler avec le studio d’effets spéciaux de Peter Jackson, Weta. Cette stratégie de proximité va assurer l’authenticité et la continuité du jeu vis-à-vis du film. Et proposer, nous l’espérons, une expérience unique durant les 20 heures de jeu annoncées. « Nous avons utilisé les acteurs pour servir le ‘gameplay’. Plutôt que d’utiliser les traditionnelles cinématiques, tous les éléments de l’histoire arrivent dans le jeu au travers d’évènements scriptés. Vous vivez le film mieux que quelqu’un le vit en regardant le film« , affirme Catherine Roy, productrice du jeu King Kong. Rarement a-t-on rencontré une telle ‘fusion’ entre les deux industries, du cinéma et du jeu vidéo. Mais aujourd’hui, les deux intérêts sont intimement liés : « Certaines personnes vont acheter le jeu puis aller au cinéma, d’autres vont voir le film puis acheter le jeu. C’est une situation ‘gagnant-gagnant’ pour tout le monde » confirme à Reuters le directeur marketing d’UbiSoft, Tony Kee. Mais ici, les enjeux sont encore plus grands, et la démesure est à l’image du héros du film. Ainsi, si le jeu sortira sur les principales plates-formes de jeu – PC, PlayStation 2, Xbox, GameCube, PSP, GameBoy, DS ? un autre acteur sera très attentif au succès du jeu, Microsoft, qui entend bien profiter de la version Xbox 360 pour accompagner le lancement de sa nouvelle console de dernière génération. Démesure marketing, aussi, tout du moins aux Etats-Unis. Le jeu fait l’objet d’un ‘buzz’ (bouche à oreille) orchestré par UbiSoft, et relayé via Internet par un site dédié, www.kingkonggame.com/fr/. Sans oublier le site officiel King Kong, développé par l’équipe de Peter Jackson, www.kongisking.net, et le site du studio Universal, www.kingkongmovie.com. Le site de Peter Jackson, tout particulièrement, a été intelligemment conçu, ce qui change des vitrines médiatiques et commerciales habituelles. Le réalisateur (entre autres) y participe personnellement, avec un contenu riche et original, et même des bonus avant l’heure. La campagne de pub télévisée souligne la connexion entre les médias. Et 1 million de copies du jeu pour PS2 et Xbox seront livrées avec une place de cinéma gratuite? Du jamais vu ! La collaboration s’étalera enfin jusque sur le DVD, qui assurera la diffusion du film en vidéo. « Quand le DVD sera commercialisé, nous assurerons en quelque sorte une relance du jeu. Nous participerons aux programmes sur lesquels travaille Universal Studio Home Vidéo pour les magasins« . Restera cependant à séduire le public. Pour les spectateurs en salles, cela semble acquis, la notoriété de King Kong et de son nouveau réalisateur devraient assurer un max. Même si presque au même moment débarque un autre champion des effets numériques, un certain Harry Potter. En revanche, pour le jeu vidéo, la tâche risque d’être plus délicate. D’abord parce qu’il s’agit de la plus grosse opération jamais menée par UbiSoft. Et que sa démesure sera difficile à rentabiliser. Mais aussi par ce qu’on a déjà vu de très grands films rater leur passage en jeu vidéo, et qu’en la matière, rien n’est acquis.