Le phénomène ‘off-shore’ selon IDC, revu par le Syntec

Le Syntec Informatique a rendu les conclusions (*) d’un groupe de travail sur le déport de tâches ou de traitements auprès de régions à faibles salaires. Des témoins, comme le groupe Rhodia ou Unilog, relativisent le « phénomène off-shore ». Idem, en introduction, pour une présentation du cabinet d’études IDC

Le phénomène off-shore fait beaucoup parler de lui, pour des raisons sociales notamment (exportation d’emplois sur des zones à faibles salaires, pour caricaturer). En pratique, il reste encore marginal: selon IDC, ce marché ne pèse encore actuellement « que » 12 milliards de dollars, soit 2,8% du marché mondial des services informatiques estimé à 420 milliards. Autre constat à retenir: les contrats signés en « off-shore » portent encore largement sur des développements proches de l’électronique ou des circuits imprimés. « On constate bien, confirme Eric Chreiki, consultant chez Lünendonk (*), que le haut de gamme du développement logiciel, ce qui touche aux ERP, par exemple, est très rarement confié à des contrats en Inde ou ailleurs. » Le fait est que l’Inde reste de loin le premier fournisseur de prestations de services IT: 8,95 milliards à elle seule sur les 12 milliards mentionnés, selon IDC, toujours. L’Europe de l’Est arrive loin derrière, avec 800 millions, puis les Philippines (530 millions), la Chine (400) et… le Canada (250). Ces (presque) 9 milliards signés en Inde sont constitués de grands et petits contrats. Parmi les grandes affaires gagnées par des prestataires indiens, IDC cite: . le NHS (National Health Service) américain auprès de Tata Consulting Services (filiale du consortium indien Tata), en collaboration avec Fujitsu Services . Thames Water auprès de Wipro . Statoil et Ericsson auprès d’Infosys, qui relaie en Inde. Selon Marc Laporte, d-g d’IDC France, l’off-shore reste un « phénomène difficile à mesurer »: -pour les entreprises multinationales, il s’agit le plus souvent du transfert ou développement d’activités internes vers une filiale située à l’étranger (exemple: DHL IS Service Center à Prague, République Tchèque); -pour les prestataires de services globaux, il s’agit plutôt d’un transfert de projets vers des centres de services situés à l’étranger (ex.: IBM Application Centre à Budapest, Hongrie); -pour des firmes françaises (prestataires IT, développeurs, intégrateurs…), ce peut être le fait de confier tout ou partie d’un projet à des équipes situées hors de France (ex.: Wipro ou TCS) Pour sa part, le Syntec Informatique, qui a créé un groupe de travail animé par Jean-François Rambicur, constate également que le chiffre d’affaires des SSII françaises sous-traitées à l’étranger représente moins de 2%, ce qui signifie environ 4.000 informaticiens travaillant pour la France depuis l’étranger. Par « off-shore », le syndicat professionnel des SSII entend « l’ensemble des travaux informatiques consommés en France et réalisés à l’étranger ». Le phénomène doit être rapproché, au moins en parallèle, du développement de centres de services en région (qui pèserait environ 7% du chiffre d’affaires). De même, il faut parler d’un « near-shore » déjà bien établi en Europe (de l’Est, notamment) et pays méditerranéens. Pour le Syntec, l’off-shore devrait représenter en France entre 4 et 6% de l’activité des services informatiques à l’horizon 2009, soit 1,57 milliard sur un total de 31,46. A cette date, les Etats-Unis atteindront vraisemblablement 10%, sachant qu’il existerait un « plafond théorique à 15% ». En conclusion, le syndicat -qui ressent finalement une faible mobilisation, un débat relativement atone- invite ses adhérents à ne pas sous-estimer ni sur-estimer ce fait de mondialisation. Il se veut rassurant s’agissant de l’emploi, mais il invite à une réflexion sur la nécessaire transformation des métiers axée autour de la distinction entre travaux de proximité et à distance. « Il faut piloter cette transformation et non pas la subir ». (*) Rapport Syntec Informatique: « Situation actuelle et développement de l’offshore dans les services informatiques en France (SSII) » ____________ Commentaire d’Eric Chreiki, consultant du cabinet Lünendonk: « L’offshore rencontre plus de succès aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, car les barrières liguistiques et culturelles y sont moins délicates à franchir. En France, comme dans d’autres pays européens, les avantages de l’offshore sont comparativement plus limités et donc restreints à des missions bien particulières. Les centres de services de proximité, ou installés en région, dans des zones ou les équipes ont moins de problème pour se loger par exemple, apportent les mêmes services, avec l’avantage de la proximité : la muatualisation des équipes, l’industrialisation des processus, la mise en commun de ressources, la diminution des coûts d’infrastructure… Enfin, le prix moyen des prestations de services IT en Grande-Bretagne justifie pleinement le besoin des directions achats de faire appel à l’offshore. En France, et dans une moindre mesure en Allemagne, ce n’est pas le cas: les prix facturés sont encore loin des niveaux atteints ailleurs. Les SSII françaises gardent donc un réel avantage prix/qualité. Certains clients britanniques ou allemands, par exemple, préfèrent ainsi « offshorer » certaines tâches IT en France ! L’enjeu, c’est de ne pas se bander les yeux et de préserver cette compétitivité technique et tarifaire. » (source: chreiki@luenendonk.de) Le témoignage de Rhodia: oui, mais…

Très multinational, le groupe Rhodia réalise, avec 20.500 salariés, plus de la moitié de ses revenus (53%) hors d’Europe, avec, en tête l’Amérique du Nord (22%), l’Asie-Pacifique (18%) et l’Amérique Latine (13%). Inutile de dire qu’il a la capacité de comparer le coût des développements ou de l’exploitation informatique… entre continents et sous-continents, entre Nord et Sud, Ouest et Est! Jacques-Benoît Le Bris, directeur e-business, n’a pas craint de mettre les pieds dans le plat, évoquant par exemple, le mythe de l’ingénieur français, notre manque de normalisation, etc. Pour lui, il est plus facile et plus logique de pratiquer un « off-shoring interne« , et un « near-shore externe« . L’off-shore peut être un accélérateur à long terme (mais quid de la capitalisation?) mais un frein à court terme. Il y est difficile d’établir un climat de confiance, d’autant que les contraintes sont nombreuses (différences de culture, langues, décalage horaire, instabilité politique, insécurité…). Une recommandation, parmi d’autres: limiter l’éloignement externe, notamment pour réduire l’investissement.