Selon le MUNCI, la pénurie de main d’œuvre informatique est un leurre

Suite à la publication de l’enquête réalisée par Pôle emploi sur les besoins de main d’œuvre (BMO) pour l’année 2012, le MUNCI, association professionnelle des informaticiens, dénonce la confusion trop fréquente entre ‘difficultés de recrutement’ et ‘pénurie’.

Selon l’enquête BMO Pôle emploi 2012, 62,3 % des employeurs anticipent des difficultés de recrutement pour les postes d’ingénieurs, de cadres ‘études et R&D’ dans le secteur informatique. Le MUNCI, association professionnelle des informaticiens, déplore que ces « difficultés de recrutement » soient trop souvent perçues comme une « pénurie de main-d’œuvre ». L’organisation estime, par ailleurs, que les tensions qui existent dans le secteur ne sont pas le fruit d’un « prétendu manque de candidats formés aux métiers [de la filière] et disponibles sur le marché du travail ».

Or, 68,5 % des employeurs interrogés par Pôle emploi dans le cadre de son enquête BMO expliquent les difficultés de recrutement par un manque de candidats, 82,2 % par l’inadéquation des profils des candidats. Seuls 37,8 % des employeurs évoquent les difficultés liées aux conditions de travail et 23,5 % au déficit d’image de l’entreprise, du secteur ou du métier proposé.

Le manque d’attractivité des sociétés de services informatiques

Le MUNCI, qui regroupe 2400 membres salariés, indépendants et demandeurs d’emploi des professions du numérique, estime pour sa part que les difficultés de recrutement dans le secteur informatique français s’expliquent surtout par quatre raisons.

La première est celle du manque d’attractivité des sociétés de service et de conseil (SSII/SICT) – modèle « d’intérim de luxe » sans valeur ajoutée – ; la deuxième est celle de la sélectivité des recrutements chez les employeurs d’informaticiens, à savoir la recherche de profils « sur mesure » ; la troisième concerne la gestion court-termiste de l’emploi dans les SSII ; et la quatrième est l’inadéquation des compétences entre l’offre et la demande.

Le MUNCI observe également que ces difficultés varient en fonction de la spécialité ou du niveau de qualification. Ainsi, elles chutent à 34,3 % pour les ingénieurs et cadres des télécommunications et à 40,7 % pour les techniciens ‘production et exploitation’ des systèmes d’information.

Quant au taux de chômage de la profession (6 %), soit 32 000 demandeurs d’emploi ‘informatique/télécoms’ inscrits (cat. ABC, source DARES avril 2012), il ne correspond pas à un marché de plein emploi. Le MUNCI ajoute que sur ces 32 000 chômeurs, au moins 10 000 (soit environ 40 % des inscrits en catégorie A) rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle avec une ancienneté moyenne au chômage d’environ 10 mois. Dans l’IT, 25 % des demandeurs d’emploi sont des chômeurs de longue durée (27 % pour l’ensemble des demandeurs).

« C’est donc principalement sur la formation continue des demandeurs d’emploi que l’effort d’investissement doit être mené prioritairement dans le numérique, ainsi que sur la lutte contre les discriminations à l’embauche », déclare le MUNCI par voie de communiqué.

Des créations d’emplois nettes inférieures aux recrutements bruts

Pôle emploi anticipe dans son enquête BMO quelque 51 000 recrutements dans l’informatique et les télécoms pour l’année 2012, dont 35 000 cadres et ingénieurs. Cependant, les créations d’emplois nettes sont très nettement inférieures aux recrutements bruts.

Ainsi, d’après les chiffres communiqués par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC – Panel Entreprises 2012), sur les 30 460 recrutements de cadres IT enregistrés en 2011, seuls 2 780 nouveaux postes de cadres ont été créés. Selon les chiffres de la chambre professionnelle Syntec numérique, sur les 40 000 recrutements du secteur (dont 30 000 cadres) en 2011, seules 5600 créations d’emplois nettes ont été réalisées.

Le MUNCI note, enfin, que le très fort taux de turnover chez les cadres du secteur informatique (15 % en moyenne dans les SSII, le double du taux de turnover moyen sur l’ensemble du marché du travail), « va totalement à l’encontre de la pénurie de candidats comme explication plausible des difficultés de recrutement ».

De plus, les 15 000 à 20 000 nouveaux diplômés (filières STIC) arrivant chaque année sur le marché du travail sont suffisamment nombreux pour combler les besoins du marché, étant donné que le volume des créations d’emplois dans le secteur est en moyenne de 15 000 par an.