3G: Orange se démarque-t-il de SFR?

L’opérateur mobile lance ‘Orange Intense’, son service d’Internet mobile à haut débit ou UMTS. Si les contenus semblent assez similaires, la filiale de France Télécom espère frapper un grand coup avec une politique tarifaire agressive et une couverture améliorée grâce à la technologie Edge

Près d’un mois après son grand concurrent SFR, Orange lance à son tour ses services 3G/UMTS qui permettent à partir d’un mobile adapté d’avoir accès à des services comme la vidéo avec un débit théorique de 384 kb/s.

Orange a perdu la première bataille en partant après SFR. Mais la filiale de France Télécom a décidé très vite de se démarquer de son concurrent tant sur la forme que sur le fond. Et de multiplier les piques. Pour Didier Quillot, Directeur Général Orange France, « Le lancement de SFR a été précipité et ce lancement apporte une pseudo 3G ». L’opérateur appréciera. Quels sont alors les points de différenciation entre les deux acteurs de ce marché qui ont failli se ruiner dans cette aventure de l’UMTS avec des milliards d’euros investis? Orange met d’abord l’accent sur la couverture du territoire, point faible de la 3G. L’opérateur annonce 40% de la population couverte d’ici fin 2004 contre 38% pour SFR. Les deux groupes sont ainsi à égalité. Les grandes villes sont les premières concernées par les deux opérateurs. Mais sur les zones ouvertes par les deux opérateurs, Orange revendique une meilleure couverture. Cartes géographiques à l’appui, Didier Quillot a ainsi voulu montrer qu’Orange est accessible sur toute une zone quand SFR ne couvre lui que la ville principale. A vérifier… Surtout, Orange revendique un hand-over amélioré. Le hand-over (continuité de service) permet aux utilisateurs de changer de réseau en fonction de la couverture, sans coupure dans leurs communications. SFR propose ainsi une totale continuité de service en France entre les zones 2G (GSM), 2,5G (GPRS) et 3G (UMTS). Orange de son côté promet un hand-over 2, 2,5, 3G mais aussi et surtout Wi-Fi et Edge. Edge est une technologie intermédaire plus rapide que le GPRS (200 Kb/s) et qui ne nécessite pas une refonte des infrastructures. Ainsi, l’opérateur promet une couverture haut débit mobile Edge/UMTS de 85% de la population à mi-2005. La 3G/UMTS couvrira à cette date environ 50% de la population, le reste étant opéré par Edge. SFR de son côté promet une couverture 3G de 58% à fin 2005. Un point pour Orange. Deuxième point essentiel, les combinés. Les mobiles 3G se sont longtemps fait attendre, de longues mises au point ont été nécessaires. On attendait donc les opérateurs au tournant tant sur le nombre que sur la qualité. Ici, les deux concurrents proposent une offre quasi-similaire. Sept mobiles chez Orange contre huit chez SFR. Les prix varient de 199 euros à 399 euros chez le premier et de 199 euros à 459 euros chez le second. La filiale de France Télécom (comme SFR) a fait confiance aux poids lourds du marché: Samsung, Motorola, Sony-Ericsson, LG, Nokia. Exception faite du modèle de Sharp, le premier mobile européen du fabricant japonais. Des réductions seront proposés pour le lancement: 80 euros au maximum chez Orange contre 100 chez SFR. Côté services, là encore force est de constater que les deux leader du marché jouent sur le même terrain: la vidéo est à l’honneur avec la visiophonie (possibilité de voir son correspondant), les contenus vidéos (informations, divertissement, chaînes de TV en streaming) et les MMS (mini-messages avec images ou vidéos). La visiophonie est plébiscitée par tous les testeurs de la 3G, chez Orange, ils sont 58% à la réclamer. Elle constitue donc la « killer application » majeure du service. Mais pour se démarquer de SFR, Orange profite de la force de frappe de France Télécom, sa maison mère et de la convergence des services. Ainsi, la visiophonie Orange est exploitable auprès des utilisateurs de Wanadoo Live (Internet avec Webcam) et des possesseurs de ‘Ma Ligne Visio’, la visiophonie fixe lancée il y a quelques semaines par l’opérateur historique. Comme SFR, Orange a fait confiance à une kyrielle d’éditeurs pour les contenus vidéos: cinéma, divertissement, jeux. Chacun y trouvera son compte. Les programmes de télévision en streaming sont aussi au coeur de l’offre. Orange propose 11 chaînes dont celles du groupe France Télévision et LCI, chez SFR, 4 seront disponibles avant la fin de l’année pour l’instant sans France Télévision. Si l’offre de contenus est assez semblable, la politique tarifaire est de son côté très différente. Orange propose ainsi 4 forfaits allant de 55 euros par mois pour 3h de communication à 195 euros pour 20h. Ces forfaits permettent d’utiliser ce crédit temps autant pour les appels voix que pour la visiophonie « pour faire décoller cet usage », a souligné Julien Billot, chargé des questions de marketing. En tout cas pour l’année 2005, « Après on verra », indique-t-on chez Orange. Chez SFR, on compte 7 forfaits allant de 46 euros pour 3 heures par mois à 142 euros pour 15 heures. Mais la visiophonie est facturée deux fois le prix d’un appel vocal. Les contenus vidéos sont inclus dans le forfait. Ils sont gratuits si on consomme moins de 25 Mo (soit ‘en théorie’ 15 vidéos ou 30 minutes de TV en streaming). Il faut ajouter 10 euros par mois pour 25 Mo supplémentaires, 20 euros par mois en plus pour 60 Mo supplémentaires (jusqu’à 40 vidéos) et 34 euros de plus pour 120 Mo de données supplémentaires (hors promo comme cette ‘Série Limitée’ qui permet jusqu’au 19 janvier de profiter pour 99 euros par mois de 5h de communication + 100 Mo de données). Il semble donc qu’Orange soit plus souple que SFR puisque la filiale de Vivendi fait payer ses contenus vidéos à l’acte (jusqu’à 2,5 euros) et la TV live 0,27 euro la minute (hors promotions de Noël). Sur le terrain des tarifs, Orange enfonce le clou avec une offre supplémentaire sobrement baptisée ‘Abondance’. Elle permet à tous les abonnés 3G de l’opérateur de profiter d’appels gratuits au delà de la 3e minute. Ainsi, au dessus de ce minimum, les appels ne sont pas facturés. La gratuité est valable 7 jours sur 7, 24h/24, pour les appels passés vers les postes fixes et les mobiles Orange. « C’est là notre principal facteur de différenciation », souligne Didier Quillot. La voix comme facteur différenciant? Curieux pour une offre dédiée à l’Internet mobile Cette politique agressive de prix, surtout sur la voix, devrait donc permettre à Orange de se démarquer, au-delà d’une offre de services et de combinés assez similaire à celle de SFR. Reste à convaincre les utilisateurs. Ce qui n’est pas gagné. Prévisions très prudentes

Des années de développement, des milliards d’euros investis, un lancement qui a pris des années de retard… mais cette fois c’est la bonne. Les deux principaux acteurs du marché, Orange et SFR ont lancé l’UMTS à la française.

Pour autant, si la 3G a déjà atteint sa vitesse de croisière en Asie, l’Europe a encore du chemin à faire et les opérateurs en sont conscients. Les deux français visent ainsi des cibles très précises et n’osent pas évoquer le terme de marché de masse. En effet, les jeunes adeptes du multimédia et les ‘early users’ sont les premiers visés (au delà de la cible entreprise). Les objectifs sont donc modestes. « Nous préférons parler d’estimations plutôt que d’objectifs », explique Pierre Bardon, directeur général de SFR. « Nous estimons à 500.000 le nombre de nos clients à fin 2005 ». Une estimation conservatrice. Il s’est refusé par ailleurs à fournir des prévisions en termes de revenus et de retour sur investissement, précisant seulement que le développement dans ce domaine était autofinancé. Même discours chez Orange qui évoque plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs à fin 2005. Sans plus de détails. En Grande-Bretagne, où il a débuté la commercialisation lundi, Orange UK a indiqué qu’il visait 1,5 million à 2 millions de clients d’ici la fin 2006, ce qui représente 12,5% de sa base d’abonnés actuelle de 14 millions de personnes. La rentabilisation des investissements se fera grâce à l’augmentation de la facture moyenne de l’abonné. Or, de nombreux observateurs ne voient pas de décollage avant 2008. Pas avant. Car il faudra que la couverture avance, que les prix des combinés baissent, que l’interopérabilité soit bien au rendez-vous. Par ailleurs, les utilisateurs grand public français ne se jetteront pas immédiatement sur les mobiles 3G pour la bonne et simple raison qu’ils viennent à peine de basculer de leurs vieux GSM monochromes au mobiles en couleurs GPRS. Trois à quatre ans seront nécessaires pour que le marché se renouvelle à nouveau. Enfin, il faudra compter avec la concurrence du WiMax, cette technologie qui permet également de proposer l’Internet mobile à haut débit en zones rurales ou métropolitaines. Une simple borne permet plusieurs dizaines de kilomètres de couverture (voir nos articles).