Contrefaçon, piratage: la stratégie de Microsoft France

L’éditeur se bat sur trois fronts pour juguler une hémorragie qui lui coûte de plus en plus cher. Rencontre avec Laurent Signoret, le monsieur anti-piratage de Microsoft France

Deux chiffres illustrent l’ampleur du phénomène. Un tiers des Windows installé en Europe sont des copies et 43% des entreprises françaises utilisent des logiciels copiés ou dotés de licences non renouvelées. Pour le premier éditeur mondial de logiciels, le géant américain Microsoft, la facture est salée. Et le phénomène tend à se développer, notamment en France. Aujourd’hui, la firme détaille sa stratégie pour lutter contre ce fléau. En ligne de mire, trois cibles: les entreprises, les revendeurs et le grand public. Pour autant, Microsoft ne veut pas passer pour un gendarme usant d’une répression aveugle. Le discours officiel se veut pédagogique et basé sur le dialogue. Laurent Signoret, responsable de la lutte anti-copie de Microsoft France nous en dit plus.

Entreprises: le mauvais élève français Contrairement à de nombreux pays européens, le taux d’utilisation de logiciels copiés ou non conformes en terme de licence en entreprise stagne à environ 45%. Un phénomène typiquement franco-français. « L’Allemagne et la Grande-Bretagne font beaucoup mieux que nous », souligne Laurent Signoret. « Et les pays hier réputés comme mauvais élèves, l’Espagne et l’Italie, ont vu ce taux de copies baisser sensiblement depuis quelques années ». Pour le responsable, divers facteurs expliquent cette tendance. « Il y a d’abord une raison culturelle, en France, l’acceptation sociale de la copie est importante. Allié à un sentiment d’impunité, ce facteur amplifie le phénomène. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont un peu laissé faire les choses. Mais les choses changent puisque une campagne nationale à grande échelle est prévue pour la fin de l’année ». Mais Microsoft a aussi sa part de responsabilités: « C’est vrai que les éditeurs ont également pêché par manque de communication. C’est à nous de responsabiliser les utilisateurs ». Le piratage en entreprise pénalise-t-il le marché? Pour la BSA (Business Software Alliance), la réponse est clairement oui. Le lobby composé d’éditeurs se plaît à donner des chiffres invérifiables (et capilotractés) sur le nombre d’emplois créés et le chiffre d’affaires supplémentaire généré si le piratage était réduit. Ces conclusions ont du mal à convaincre. D’ailleurs, Laurent Signoret ne semble pas aussi catégorique sur la relation piratage et marché et évoque un lien relatif. Pour autant, il s’agit de réagir. L’éditeur compte sur les revendeurs et intégrateurs pour repérer ceux qui ne respectent pas les règles du jeu. Ensuite, Microsoft tente de jouer la carte de la négociation. Inutile de se mettre à dos les entreprises qui sont ses principales clientes. « Nous faisons tout pour régler les problèmes avec le dialogue. Nous laissons toujours le bénéfice du doute car une entreprise, surtout lorsqu’elle est de petite taille, n’a pas toujours les moyens de vérifier l’état des licences ou les logiciels utilisés. En France, les sociétés n’ont pas de stratégie logicielle comme en Allemagne par exemple. Nous proposons donc des audits pour régulariser la situation, pour gérer les parcs, pour assurer un accompagnement ». Le dialogue a néanmoins ses limites: les récalcitrants s’exposent à des poursuites judiciaires. Mais elles sont marginales: « On traite environ 1000 dossiers par an, 99% se règlent à l’amiable ». Revendeurs indélicats, sévérité a maxima Sur ce terrain, le ton change radicalement. Microsoft constate en effet la multiplication de la contre-façon au niveau des revendeurs. Certains d’entre-eux trafiquent les certificats de licence, ou se fournissent auprès de grossistes qui copient les logiciels. Ces softs sont achetés à bas prix et revendus par la suite au prix normal. Une marge substantielle pour ces indélicats et un risque pour l’utilisateur. « Le phénomène n’est pas très important en volume mais il pénalise tout le marché des revendeurs », souligne Laurent Signoret. Les moyens de lutte sont limités: l’éditeur envoie des acheteurs pour repérer les escrocs. Mais la contre-attaque est dissuasive: « On essaye d’abord de dialoguer mais la voie judiciaire est exploitée: actuellement, 30 à 40 procédures sont en cours et on compte une vingtaine de condamnations par an ». Le grand public tu caresseras Troisième front et dernier maillon de la chaîne, l’utilisateur grand public. La firme est pragmatique: la copie est exactement identique à l’original, il faut donc créer une nouvelle valeur autour de l’original. Microsoft a ainsi mis en place le fameux programme ‘Windows Genuine Advantage’ dont nous avons souvent parlé. La méthode utilisée est simple: permettre aux seuls possesseurs de copies officielles de Windows 2000 et XP d’accéder à certaines mises à jour proposées régulièrement par l’éditeur. Concrètement, l’utilisateur qui voudra télécharger les mises à jour du système devra, au préalable, authentifier sa copie pour accéder au service. Il devra prouver qu’il a obtenu légalement sa copie. Il s’agit de rendre attractive la version officielle de l’OS avec ces mises à jour exclusives qui permettent d’ajouter des fonctions au logiciel et des petits cadeaux comme des logiciels gratuits. En un mot: créer de la valeur. Le système deviendra obligatoire à la fin du mois de juillet. Mais depuis quelques semaines, on peut y accéder de manière volontaire. Les utilisateurs qui, sans le savoir, possèdent une copie de Windows pourront recevoir une licence officielle en retournant leur copie à Microsoft. Mais comment faire lorsque que l’OS copié a été directement intégré à un PC par un revendeur? Pour autant, il s’agit de mises à jour de confort. Les mises à jour critiques de sécurité resteront accessibles à tous. La firme a d’abord voulu fermer l’accès au patches aux versions pirates mais s’est vite résolu à faire machine arrière. La co-existence d’un parc de Windows protégés et de Windows non protégés pourrait avoir des conséquences dramatiques. Attaques et virus pourraient alors se répandre encore plus vite, faire beaucoup plus de dégâts et impacter alors les utilisateurs « légitimes ». Avec pour seuls arguments la disponibilité d’options exclusives et d’ad-ons, on peut donc se demander si ‘Windows Genuine Advantage’ réduira l’attrait des copies de Windows. D’autant plus que ces options se retrouveront tôt ou tard en libre accès sur les réseaux P2P.