J. Paoli, Microsoft (XML) : ‘Nous vivons la plus grosse migration de l’histoire’

Jean Paoli, directeur général Interopérabilité et architecture XML de
Microsoft, revient sur un sujet brûlant: la normalisation du format Open XML

Depuis 18 mois, Microsoft a changé sa stratégie afin d’adopter une vision plus globale de l’interopérabilité. « Avant, nos efforts d’interopérabilité étaient centrés sur les produits, depuis, nous avons adopté chez Microsoft une démarche transversale« , nous confirme Jean Paoli.

« Depuis le mail de Bill Gates sur le focus Internet (décembre 1995), nous avons placé l’interopérabilité dans le monde connecté, en nous reposant sur les fondements de XML comme brique de base, ce dont j’ai été un des artisans.(…) Mais tout le monde n’a pas vu jusqu’où nous allions aller, XML sur .NET ou XML sur Office. »

Jean Paoli travaille en équipe avec Tom Robertson, son homologue directeur général interopérabilité et standards. « Nous avons adopté une démarche pragmatique afin de trouver un cadre pour l’interopérabilité. Notre but est de connecter les données, les utilisateurs et les systèmes hétérogènes afin que les utilisateurs maîtrisent leurs données et que ce soit aux vendeurs de résoudre les problèmes des utilisateurs. »

Quatre sous-ensembles stratégiques

Pour cela, Microsoft a identifié quatre sous-ensembles : les produits (logiciels) ; les communautés et la collaboration, Microsoft, ses clients, ses partenaires et ses compétiteurs ; l’accès à la technologie, 7 milliards de dollars de R &D annuelle, des technologies et des brevets nécessaires à l’interopérabilité, l’accès commercial, l’accès communautaire sous licence, et la licence Open Specification Promise (OSP) spécifique aux technologies Microsoft ; et enfin les standards « que tout le monde pense à utiliser. »

Et depuis juin dernier, l’éditeur a multiplié les annonces qui entrent dans ce cadre. Comme la création d’un conseil d’utilisateurs et de clients Microsoft, 35 entités, entreprises, gouvernements (dont trois françaises) qui échangent régulièrement et dont le focus porte sur l’interopérabilité en milieu hétérogène. Ou encore l’accord avec Novell.

L’Open Specification Promise en est un autre exemple, qui a abouti à un texte de quelques lignes élaboré avec la communauté ‘open source’, et qui ouvre à cette même communauté toutes les spécifications qui peuvent être implémentées tant pour le développement commercial que pour le développement open source. C’est le cas pour les 38 spécifications de services web, l’anti-spam Sender ID ou le format de virtualisation VHD.

Une alliance fondée sur 40 fournisseurs

Jean Paoli souligne également la création en novembre de l’Interoperability Vendors Alliance, où 40 fournisseurs ont rejoint Microsoft afin de créer des ‘labs‘ en commun et écrire des ‘white papers‘ accessibles aux développeurs. « C’est notre manière de faire un travail concret avec nos partenaires et nos concurrents. »

En décembre, c’est la reconnaissance par l’ECMA d’Open XML comme standard international, implémenté dans Office et avec la mise à disposition du format dans les versions plus anciennes de la suite bureautique.

Du coup, Open XML est devenu un projet open source sur SourceForge, sous licence BSD. Dans un premier temps pour le texte, le tableur comme la présentation suivront à l’automne. « Tout le monde peut désormais implémenter Open XML. Novell va l’annoncer dans OpenOffice.org, Corel a annoncé le support complet d’Open XML et seulement partiel pour ODF. »

Mais, alors, pourquoi deux standards, ODF et Open XML ?

« La condition de base, c’est de ne perdre aucune information. Par définition, 400 millions d’utilisateurs et des milliards de documents Office nous ont imposé de prendre nos spécifications de base et de les implémenter dans XML. C’est le but de la migration, la ‘High Fidelity Migration‘, au bout de dix années de développement, sur le design et sur le code, d’être prêt pour la normalisation. Par exemple en s’assurant que notre format n’est pas lié à Windows. »

« Le format Open XML est très différent d’ODF. Ce dernier est lié à OpenOffice, ce qui n’a pas empêché qu’il soit reconnu par l’ISO. ODF a son intérêt, c’est un format plus petit, plus léger, mais qui n’est pas compatible. Par exemple, nous avons entièrement documenté les 350 formules d’Excel, ce qui représente 500 pages dans les spécifications, et pourtant dans ODF même les fonctions de base comme A1+B1 ne sont pas reconnues ! »

Il existait déjà trois formats…

Et de rappeler que l’OSI a déjà reconnu trois formats, HTML, PDF-A et ODF, alors pourquoi pas un quatrième, Open XML, surtout lorsque ce dernier concerne une aussi importante communauté d’utilisateurs ?

« Nous sommes au c?ur de la plus grosse migration de l’histoire, du binaire au XML. Comment les gens peuvent-ils ne pas aimer ça ? Surtout que dans six mois il y aura un énorme éco système sur Open XML, qui permet enfin la visibilité que tout le monde attendait ! »

Et de rappeler que certains organismes, comme la British Library ou la bibliothèque du Congrès américain, ont activement participé à la spécification Open XML. « Il y a une énorme base de fichiers ‘.doc’, ‘.xls’ et ‘.ppt’. Pour ces organismes, l’enjeu est de taille, organiser la transformation en masse du binaire vers du XML tout en conservant les infos. »

« Et les administrations doivent prendre en compte les standards ouverts pour disposer d’un libre choix afin d’assurer la continuité, l’interopérabilité et l’adaptabilité du service public. Et à bien y regarder, nous n’avons qu’un an de retard entre la normalisation d’ODF et d’Open XML. Mais cette dernière est la seule solution parallèle pour basculer du binaire vers le XML.«