Lycos spamme les spammeurs

Le portail Internet lance un économiseur d’écran qui, une fois activé, bombarde de requêtes les sites Web de spammeurs. Curieuse méthode…

Combattre le feu par le feu. Telle semble être la devise de Lycos Europe qui lance un outil inédit afin de lutter contre le fléau du ‘spam’. Car cet outil utilise l’arme du ‘spam’ pour lutter contre les spammeurs.

Explications. Dans le cadre de son opération « Make love not spam » (sic), le portail européen de Lycos lance un économiseur d’écran rendant inefficace les sites Web des spammeurs. Une fois l’économiseur d’écran téléchargé (sur https://makelovenotspam.com) et installé, il se met en fonction dès que l’ordinateur de l’utilisateur entre en mode veille. A ce moment, des requêtes sont automatiquement envoyées pour remonter les adresses des sites Web des spammeurs. Ces adresses cibles ont été compilées par Spamcop, spécialiste anti-spam et sont mises à jour tous les jours. Il s’agit de reproduire des attaques par saturation dites DDoS (déni de service distribué). En clair, l’outil de Lycos use des mêmes armes que ses ennemis… Neutraliser mais pas paralyser. La fréquence et le taux des requêtes sont commandés à distance par un fichier de configuration centralisé d’où Lycos peut stopper, diminuer ou augmenter la charge produite par l’ensemble des économiseurs d’écran. Selon Lycos, plus cet outil sera téléchargé, plus le trafic généré sur les sites Web de spammeurs sera important. Ces sites seront alors neutralisés, estime le portail qui tente de susciter un front collectif de lutte contre le spam ». Malte Pollmann, directeur de la Communication de Lycos Europe, explique: « Nous permettons à nos utilisateurs de se défendre eux-même contre les envois anonymes de messages ». Si on peut saluer le caractère innovant de la procédure, on peut néanmoins se poser des questions. En effet, cet économiseur d’écran consiste à transformer l’utilisateur en… spammeur. Certes il s’agit de neutraliser les auteurs de ce fléau mais l’utilisation de leurs propres armes est sujet à caution. Doit-on cambrioler la maison de celui qui vous a cambriolé? Mais pour Malte Pollmann, le trafic généré par ces « contre-attaques » est « négligeable en comparaison des dégâts massifs occasionnés par le spam chaque jour ». Une vision loin d’être partagée. Ainsi Bruno Rasle de l’association Halte au Spam! estime que cet outil est dangereux: « Les effets de bord (pervers) l’emportent largement sur les éventuels avantages. A part une opération de communication pour Lycos et un peu de défoulement de la part d’internautes excédés, où est l’intérêt d’une telle démarche, à part faire rire les spammeurs ? Il me semble qu’il existe un terme pour désigner ce genre d’initiative : le lynchage ». Par ailleurs, l’outil travaille lorsque le PC est en veille: comment alors contrôler ce qui se passe réellement au niveau des requêtes envoyées? Certains auront certainement du mal à accepter que leur machine effectue ces fonctions en aveugle… Un argument repoussé par Lycos: « Les requêtes envoyées aux sites ciblés s’apparentent à celles envoyées par n’importe quel site Internet, ainsi les spammeurs ne peuvent pas identifier la source comme utilisateur de l’économiseur. Par ailleurs, l’utilisateur peut connaître le trafic généré par ces requêtes, les cibles visées ». En tous cas, l’arme de Lycos semble avoir trouvé son public puisque le site dédié était inaccessible ce mercredi. A moins que les spammeurs ne se soient déjà vengés…