Musique : Gourmandise ou indigestion?

On a tous dans nos caves et greniers de bons vieux 45Tours, 33Tours, et 78Tours souvent lisibles avec un tourne-disques adapté, vestiges recherchés du temps passé cher à Marcel Proust

A l’époque, les artistes peluches et papillons de la télé-réalité n’étaient pas encore nés pour le plus grand bonheur de nos parents et grands-parents, adeptes de musique classique, rock and roll, pop, et jazz dont les catalogues font toujours le bonheur des majors et des ayant-droits. Le son n’était pas toujours très bon mais nous étions heureux, et les filles aussi, car tout était simple alors. Aujourd’hui le consommateur va bientôt devoir disposer d’un bac+5 pour comprendre où et comment il doit acheter la musique de ses artistes favoris.

Démarrons par les supports: Le CD qui fait office de dinosaure avec ses capacités de stockage hypra réduites est toujours imposé par les majors et leurs distributeurs malgré ses énormes défauts: Le CD 2 titres coûtait environ 35F, soit 5 euros (le 45Tours était aux alentours de 19F, soit moins de 3 euros ) et un album CD 110F, soit 16 euros, en hypermarché. C’est vrai qu’ils ont inventé les compilations afin de nous éviter de perdre du temps à faire des cassettes… Le CD-R avec la compression MP3 permet d’enregistrer 200 chansons, soit au moins dix fois plus qu’un CD et son coût intègre la répercution d’une somme versée aux artistes au prorata de leurs ventes. Cette décision ,qui semble juste, profite surtout aux meilleurs vendeurs de disques en France (entre 1 et 3 millions d’euros de revenus) et non aux artistes-interprètes dans le besoin (limite SDF…). Les DVDs ont un franc succès et les Majors préfèrent se taire sur ce phénomène en hausse de 80% par an… Le business des sonneries de mobiles explose: silence radio sur les profits engendrés. Les disques durs présents dans nos PC, Ipod, lecteurs de MP3 sont taxés de même et ont l’avantage de stocker environ 300 chansons par Go, d’être effaçables à volonté sans risque de perte et leur qualité d’écoute est irréprochable. Un disque dur de 250Go permet donc de stocker le contenu de 5000 CDs dans un espace réduit. L’arrivée de petits serveurs NAS disponibles sur www.fnac.com ou www.priceminister.com vont enfin permettre de partager ces médias audio-vidéo sur un réseau domestique: NAS Wifi d’Iomega, NASstart d’Intellique,… Et la distribution: Acheter en moyenne un CD 35F (5 euros) quand le même extrait est disponible en ligne 6,49F (0,99 euro) au tout venant sur Internet nous fait réfléchir sur la valeur des choses. De nouveaux sites reproduisent le concept Apple Ipod www.itunes.com/fr et ont l’avantage de proposer enfin des titres français à 0,99 euro au format Windows Media Player: www.virginmega.fr . Pourquoi une indigestion? Le souci est que les vendeurs présents sur le net proposent des format incompatibles, ce qui a fait bondir l’Association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir? qui va peut-être poursuivre en justice Sony, Apple et Microsoft (lire nos articles). Il ne fait aucun doute que les Majors cherchent à vendre des produits et tendent à oublier de défendre leurs artistes et leurs valeurs: la liberté de composer, de créer leur musique et leur look ainsi qu’une vraie relation avec leur public. Un artiste comme M qui remplit les salles et vend des millions de disques, presque sans eux, devrait les amener à réfléchir sur leur vocation : ils agissent comme s’ils proposaient des milliers de litres de yaourts (allusion à 99F de Frédéric Beigbeder, pardon 14,99 euros!) au lieu de chercher de nouvelles tendances et de nouveaux sons. Finalement, ils ne s’intéressent qu’à ce qui marche immédiatement et non à ce qui pourrait marcher longtemps. Pourquoi ne pas rechercher de véritables artistes et baisser les prix des CD, afin de faire remonter les ventes ? La mesure de leur succès serait plus juste et moins mercantile. En conclusion… Ecoutons, enregistrons nos titres préférés directement à la radio et allons à la rencontre des artistes qu’on aime en concert. Qui a vraiment envie d’écouter des CD comme il mange des yaourts ? Thierry Bloch, Intellique, chargé de cours