Hadopi : la France tente d'influencer les députés européens

L’amendement 138 de la directive européenne Paquet Télécom pourrait rendre caduc le volet répressif de la loi Hadopi en France. Seul moyen d’y échapper, convaincre les eurodéputés qu’il n’y a pas d’autres voies que la coupure Internet.

L’ambassade de France qui contacte une députée européenne suédoise… La démarche serait des plus banales (bien que pas courante) si ce n’était pour évoquer l’avenir de la loi Hadopi (qui doit encore passer les fourches caudines du Conseil constitutionnel ). C’est pourtant ce qui est arrivée à Camilla Lindberg, députée libérale suédoise, rapporte le national Svenska Dagbladet.

Le rendez-vous avec le conseiller Olivier Lacroix remonte au 22 septembre, le jour même de l’adoption au Parlement français de la loi visant à lutter contre l’échange illégal de fichiers protégés. Objet de la discussion? La directive européenne (en fait un ensemble de 5 directives) du nouveau paquet télécoms en cours d’adoption à Bruxelles qui doit dicter les nouvelles règles économiques de l’industrie des télécommunications en Europe.

Problème. Le texte de la directive contient aujourd’hui l’amendement 138 (reformulé 46) qui, à l’initiative de son co-auteur Guy Bono, contredit le volet répressif de la loi Hadopi en promulgant que l’accès Internet est un droit fondamental. Une analyse contraire avec les velléités répressives de punir les internautes pris en flagrant délit de téléchargement illicite (voire de «négligence caractérisée» en cas de piratage de leur ligne) en leur coupant purement et simplement (mais temporairement) l’accès Internet.

Or, Camilla Lindberg a ouvertement affiché son opposition à ce principe de coupure d’accès Internet et a défendu l’amendement 138. Une vue « simpliste » selon Olivier Lacroix qui lui aurait signifié qu’il n’y avait pas d’autres solutions pour lutter contre le « piratage » en ligne, selon le quotidien suédois qui a interrogé la députée. Cette dernière ne laisse d’ailleurs aucun doute sur la tentative d’influence de la part de la France. En effet, en cas d’adoption, l’amendement 138 rendrait caduc le volet répressif de la loi Création et Internet (même si Viviane Reding, la commissaire en charge du paquet télécom, n’y voit pas de contradiction ).

La France compte-t-elle contacter de la sorte tous les députés européens qui ont soutenu l’amendement Bono? Dans ce cas, il y a du boulot puisque, lors de sa première adoption en septembre 2008 (avant que le Conseil de l’Union européenne ne le rejette sous la pression, déjà, de la présidence française fin 2008), 88 % des eurodéputés avaient approuvé l’amendement perturbateur. D’autant que les délais sont courts. La prochaine réunion de conciliation autour du paquet télécom est prévue le 7 octobre prochain en vue d’une adoption de la directive avant la fin de l’année.