5 questions pour comprendre la guerre Oracle – SAP dans le In-Memory

Oracle réplique vertement à SAP dans le In-Memory. La raison de cette escalade dans la communication de l’éditeur ? Les quelque 60 à 70 % des 57 000 clients de l’ERP SAP qui exploitent la base de données Oracle. Et que l’éditeur européen veut ramener sur sa propre plate-forme : Hana.

Oracle vs Hana1) Les utilisateurs de SAP pourront-ils à l’avenir choisir leur base de données ?

C’est le nœud du problème entre les deux éditeurs qui vivaient jusqu’à présent dans une forme de ‘coopétition’ plutôt glaciale : concurrent sur l’applicatif, les deux géants sont également partenaires, la base de données d’Oracle servant très souvent de socle aux grands déploiements de la Business Suite, l’ERP phare de SAP déployés au sein de 57 000 entreprises dans le monde. Selon l’éditeur européen, entre 60 et 70 % de sa base installée emploie un SGBD Oracle.

En portant sa Business Suite sur sa propre base de données Hana, puis en indiquant qu’une large part de ses développements futurs reposera sur la technologie maison, SAP fait clairement bouger les lignes. Et indique à ses utilisateurs que s’ils souhaitent bénéficier de toutes les innovations sorties de ses labos de R&D, ils devront fonctionner sur la plate-forme maison Hana. « Même si je vois mal SAP priver de nouveautés l’immense partie de sa base installée. On peut interpréter ces annonces comme du marketing autour de Hana pour pousser la base installée à migrer vers cette plate-forme », analyse Olivier Rafal, principal consultant chez Pierre Audoin Consultants (PAC). Officiellement, SAP confirme que les clients de la Business Suite sous Oracle ou tout autre base relationnelle continueront à bénéficier d’améliorations dans le cadre de leur maintenance. Mais semble pour l’heure déterminé à réserver ses applications innovantes, fusionnant transactionnel et analytique, à Hana.

2) SAP va-t-il exploiter l’option In-Memory des SGBD Oracle ?

« Avec le lancement de Hana , SAP a fait bouger les lignes. La communication d’Oracle, centrée sur la comparaison avec la technologie de l’éditeur européen, montre que l’offensive de SAP leur a fait du mal, au moins en termes d’image », analyse Olivier Rafal. De facto, depuis l’annonce de la technologie Hana, toutes les grandes bases du marché (Oracle, SQL Server et DB2) se sont dotées – ou s’apprêtent à la faire – d’options In-Memory, « alors que jusqu’alors le recours au In-Memory était réservé à des applications très spécialisées ».

Hasso PlattnerReste que le In-Memory défendu par SAP – avec un seul mode de stockage de données – est différent de celui des autres éditeurs de SGBDR, qui privilégient des réplications à l’intérieur de la base elle-même. « L’approche d’Oracle par exemple est beaucoup moins disruptive que celle de SAP pour les développeurs et les ingénieurs de bases de données. Comme lorsqu’il a absorbé le stockage objet ou le XML, Oracle joue sur la continuité », explique Olivier Rafal. Sauf que, de son côté, SAP n’est pas disposé à jouer ce jeu-là et explique réécrire ses applications pour ce qu’il qualifie de « vrai In-Memory ». Soit les bases proposant un schéma de données unique. Autrement dit, pour l’instant, Hana et seulement Hana. Le message de Hasso Plattner (en photo ci-contre) est, en la matière, sans ambiguïté : si les autres éditeurs veulent continuer à supporter pleinement les nouveaux applicatifs SAP, qu’ils se plient à l’architecture choisie pour Hana. Sachant que celle-ci est conforme au standard SQL.

Techniquement, la réalité n’est toutefois pas aussi tranchée. Selon Bernd Leukert, responsable produits et innovation de l’Allemand, les applicatifs de nouvelle génération de SAP continueront à fonctionner sur les SGBD traditionnels, mais pas toujours avec des temps de réponse acceptables par les utilisateurs. Reste que la description de cette situation un peu bâtarde devrait inciter la base installée soit à migrer vers Hana, soit à s’en tenir à la Business Suite actuelle.

3) Quel rôle joue le Cloud ?

Dans le Cloud, personne ne se soucie de la base de données sous-jacente à une application. Cette remarque, émanant des dirigeants de SAP, en dit long sur leurs intentions : de facto, le Cloud joue un rôle important dans les stratégies de migration proposées à la base installée Business Suite. Les récentes annonces de l’éditeur le montrent. Ainsi, Simple Finance, la réécriture des applications financières de l’éditeur européen pour Hana, est proposée en mode Cloud privé (dans le Hana Enterprise Cloud), sur souscription. « Cette offre, une suite d’applications financières y compris certaines bénéficiant des capacités de Hana (planning à la volée, clôture temps réel, pilotage de trésorerie, journal renfermant toutes les écritures comptables…), sera vendue composant par composant, mais uniquement dans le Cloud », confirme Pierre Gousset, directeur avant-vente de SAP France. Les prix démarreraient autour de 100 à 150 euros, par utilisateur et par mois.

Le choix du Cloud privé est également révélateur. Bien sûr, il permet de rassurer les clients sur la confidentialité des données, de leur proposer un environnement où ils n’ont pas besoin de converger vers un standard unique, tout en assurant une intégration avec le Cloud public maison (le Hana Cloud platform), mais il offre aussi un chemin de migration vers les applications Simple à des clients qui se sont, pour la plupart, éloignés du standard de la Business Suite en y greffant des spécifiques. « Nous pouvons assurer la portabilité des spécifiques dans le Cloud managé (le Cloud privé du Hana Enterprise Cloud, NDLR). La maintenance devient alors la problématique du vendeur, soit SAP. Même si le prix reflétera bien sûr ce transfert de compétences », précise Pierre Gousset.

4) Quelle stratégie déploie SAP pour écarter ses concurrents sur le on-premise ?

Si Simple Finance est une offre 100 % Web, SAP duplique dans le mode on-premise la même logique : réserver aux utilisateurs de Hana ses innovations applicatives les plus marquantes. En parallèle de l’offre en Saas, l’éditeur proposera ainsi des ‘Financial add-ons’ pour la Business Suite. « On y retrouvera une partie des améliorations de Simple Finance, réservées pour l’instant aux utilisateurs travaillant sur Hana. Mais si d’autres fournisseurs veulent se faire certifier, nous restons ouverts, assure Pierre Gousset. Je constate qu’à ce jour, aucun compétiteur ne s’est porté candidat ». L’éditeur européen affirme respecter son plan de marche, dans lequel il était indiqué de longue date que les futurs développements applicatifs seraient basés sur Hana. La migration de la Business Suite vers la base maison n’étant qu’une étape intermédiaire permettant à SAP de pousser les feux.

5) La menace est-elle réelle pour Oracle ?

Oracle équipe entre 60 et 70 % des 57 000 entreprises équipées de la Business Suite. Soit des dizaines de milliers de déploiements massifs, se traduisant par des factures salées étant donné les volumétries en jeu. L’enjeu est donc majeur. Dans l’immédiat, le risque est toutefois limité : en effet, seules un peu plus de 1 000 entreprises dans le monde ont aujourd’hui effectué la migration de leur Business Suite (ou d’une de leurs instances) vers Hana. Soit moins de 2 % de la base installée qui a entamé la transition vers Hana, elle-même préalable à l’installation des applicatifs de nouvelle génération. Pas de quoi peser sur le chiffre d’affaires d’Oracle.

Mais la menace est suffisamment sérieuse pour que le second éditeur mondial dégaine, dans sa communication, la grosse artillerie contre Hana : fiche comparative, piques adressées directement à SAP… « L’enjeu est majeur des deux côtés, souligne Olivier Rafal, de PAC. Et SAP a pris le leadership sur ce marché du In-Memory, en appuyant sur l’aspect temps réel. Une corde sensible dans les entreprises. Qui plus est, les retours des premiers utilisateurs de Hana et des intégrateurs sont plutôt positifs. D’où la communication d’Oracle qui essaie d’insister sur la relative jeunesse de SAP sur le marché des bases de données. » Lors de l’annonce de son option In-Memory pour 12c cette semaine, l’éditeur américain ne s’est pas privé de souligner que prévoir tous les scénarios de haute disponibilité et de sécurité autour d’une base de données demandait des « années d’expérience ».

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