Emploi : ces 10 nouveaux métiers créés par l’IA

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A contre-courant d’un discours dominant, l’intelligence artificielle crée déjà un grand nombre de métiers à forte valeur ajoutée. Des spécialistes de la donnée mais aussi des experts business qui vont entraîner les modèles de machine learning. Tour d’horizon de ces profils émergents.

Stop au discours anxiogène autour de l’intelligence artificielle. A longueur d’articles, on nous annonce qu’elle entraînera la destruction d’un grand nombre d’emplois. Robots et autres agents intelligents seraient appelés à se substituer à l’humain pour un grand nombre de tâches et pas seulement à faible valeur ajoutée, les métiers de la banque étant notamment concernés.

Des études tentent même de quantifier ce bouleversement. Entre celles de Roland Berger, de l’Université d’Oxford (document PDF), de l’OCDE ou plus récemment du Conseil d’orientation pour l’emploi et du cabinet McKinsey, la fourchette est large. De 9 % à 47 % des emplois actuels seraient impactés par les avancés de la robotique et l’intelligence artificielle.

C’est oublier que l’intelligence artificielle est aussi créatrice d’emplois, directement ou indirectement. Dans une étude présentée au dernier sommet de Davos, Accenture estime que les entreprises ayant investi dans l’IA pourraient augmenter leur chiffre d’affaires de 38 % et leurs effectifs de 10 % d’ici 2022 en dégageant notamment des gains de productivité.
A condition de fournir le marché en compétences ad hoc.

Selon une enquête de Tencent Research Institute de décembre dernier, il n’y aurait aujourd’hui que 300 000 « chercheurs et praticiens de l’IA » dans le monde alors que la demande se chiffre en millions. Une pénurie qui provoque une vive concurrence entre les pays leaders sur le sujet.
A commencer par les États-Unis, la Chine, le Japon ou Israël.

Avec ses mathématiciens et ses chercheurs de renom courtisés par les GAFA, la France a de sérieux atouts à faire valoir.
HEC, Essec, Polytechnique ou Telecom ParisTech, toutes les grandes écoles ont adopté leurs cursus ou créé des masters spécialisés. Dans son rapport remis fin mars, le député Cédric Villani propose de changer de braquet et de tripler le nombre de personnes formées à l’IA à horizon trois ans, en élargissant par exemple la cible aux bac + 2 et 3.

Dans le sillage de ce rapport, IBM, Samsung, Futjitsu, Google ou Microsoft ont multiplié les annonces pour développer une IA made in France. Leurs investissements portent essentiellement sur les activités de R&D au risque de « siphonner » les talents hexagonaux.

Le data scientiste, la rock star de l’IA

Mais l’IA n’emploie pas que des chercheurs en machine learning ou de deep learning. Passé la phase d’expérimentation, les entreprises font appel à des fonctions techniques pour mener leurs projets de maintenance prédictive ou d’hyper personnalisation de la connaissance client. On pense, bien sûr, au fameux data scientiste, en tête des jobs en or du numérique.
Associant des compétences en mathématiques, en statistiques et en informatique, il conçoit des modèles algorithmiques visant à créer de nouvelles sources de revenus ou d’optimiser l’existant.

Selon une étude de Burning Glass Technologies (document PDF), IBM et BHEF parue l’an dernier, le nombre d’emplois de data scientistes et data analystes dans le monde devrait augmenter de 28 % d’ici 2020, pour atteindre 2,72 millions. Un afflux de professionnels qui ne suffira pas à combler la pénurie.

Directeur associé au cabinet de conseil en management Oresys, Laurent Pecqueux note que des métiers existants, comme les actuaires dans le secteur de l’assurance, peuvent se reconvertir et occuper la fonction. « A travers des challenges internes de type hackathons, il est aussi possible de capter des talents qui ne sont pas des data scientistes mais témoignent d’un réel intérêt pour la data science. »

Place aux « éleveurs » de robots

Mais pour Jean-David Benassouli, associé, en charge de data & analytics pour PwC France, l’engouement médiatique autour du data scientiste « ne doit pas occulter les autres experts de la data qui interviennent tout au long de la chaîne de traitement de la donnée dans les étapes d’extraction, de qualification, de préparation et de transformation. »

On trouve ainsi le data miner ou le data engineer qui mettent les mains dans le cambouis. Le data steward sera, lui, le référent en interne de la qualification de la donnée. Un rôle essentiel puisque le moindre biais peut pervertir un modèle. « Il faut raffiner le carburant avant de l’utiliser », illustre notre expert.

D’autres profils interviennent aux deux extrêmes d’un projet. « En amont, le data architecte fera les choix d’architecture entre les infrastructures on premise, cloud ou hybride, poursuit Jean-David Benassouli. En aval, le data designer concevra l’interface utilisateur en offrant différentes possibilités de data visualisation ».

Entre les deux, il faut entraîner le modèle de machine learning et même le ré-entraîner à intervalles réguliers. Pour Christophe Tricot, manager intelligence artificielle chez Kynapse (groupe Open), les experts métiers vont jouer un rôle essentiel dans cette phase. « Au début, ils vont expliciter l’expertise attendue. Puis, ils vont entraîner le modèle et le tester. Une fois en production, il faudra le suivre, s’assurer qu’il évolue bien. »

Si l’on prend l’exemple d’un coach financier, seuls les gens du business savent quels conseils donner sur tel produit financier dans telle situation.
« Tout doit être explicité. L’IA n’aime pas les zones grises », rappelle Christophe Tricot.
Au Crédit Mutuel qui a retenu Watson d’IBM pour automatiser sa relation client, une équipe de vingt personnes enrichit l’intelligence artificielle à longueur de journée.

Dans le domaine du grand public, ce métier d’« éleveur de robot » ou de « coach de chatbot » créerait un nouveau prolétariat.
Selon La Quadrature du Net, les GAFA font appel à des êtres humains pour entraîner leurs assistants personnels. Payés à la tâche, parfois une misère, ils vérifient « manuellement » la pertinence des réponses des bots aux requêtes des utilisateurs. L’association livre ainsi le témoignage de Julie, « dresseuse » de la version française de Cortana, l’agent intelligent de Microsoft.

« Psydesigner » et « personnal data broker »

Directeur de l’intelligence artificielle chez Accenture Technology, Laurent Stefani distingue le métier de formateur – dont on vient de parler -, de ceux de d’interprète et de tuteur.
« L’interprète rend l’IA explicable. Pourquoi avoir choisi tel algorithme pour tel cas d’usage ? Quelles sont les conditions qui l’a amené à prendre cette décision ? Un client qui s’est vu refuser l’octroi d’un prêt financier peut exiger ce type d’explications. »

Cette fonction d’interprète peut être occupée par un expert métier, un juriste qui aura reçu une formation additionnelle en IA. Dans une finalité voisine, on voit aussi apparaître le métier de « chief ethics officer », garant de l’éthique des algorithmes. L’Oréal ou Walmart ont déjà nommé le leur.

Le tuteur va, lui, suivre l’évolution de l’algorithme dans le temps. Un modèle peut donner des résultats probants à un moment t et ne plus le faire à t+1. « Il s’agit de comprendre les raisons de cette dérive, interroge Laurent Stefani. Peut-on corriger ce biais ou bien faut-il débrancher l’IA devenue obsolète ? »

Des contraintes réglementaires peuvent aussi faire naitre d’autres fonctions comme le chief data officer (CDO) pour la gouvernance des données et le data protection officer (DPO) pour le maintien en conformité au RGPD.

Enfin, l’IA est appelé à faire émerger de nouveaux métiers qui n’existent pas encore. Dans une chronique, Eric Dosquet, chief innovation officer d’Avanade, cite le métier de « psydesigner » qui devra donner à nos assistants personnels « des valeurs et des traits de personnalités compatibles avec les nôtres, jusqu’à devenir uniques ».

Dans une étude de prospective, Cognizant imagine, lui, 21 jobs du futur. Parmi eux, le « personnal data broker » aidera les particuliers à monétiser leurs données personnelles. Le « man-machine teaming manager » gérera, lui, la collaboration entre humains et robots en définissant les règles de cette relation et les rôles respectifs.

Vivement demain ?