iPaaS : les forces en présence sur ce marché aux contours mouvants

Magic Quadrant iPaaS 2023

Le dernier Magic Quadrant de l’iPaaS dépeint un marché dont il devient difficile de définir le périmètre. Quels fournisseurs s’y distinguent ?

Fonctionnellement parlant, comment définir les contours de l’iPaaS ? Le dernier Magic Quadrant consacré à ce segment de marché apporte bien un cadrage technologique. Mais Gartner reconnaît qu’il devient difficile de faire la distinction avec les outils d’intégration de données, les plates-formes RPA ou encore les services de gestion des API. Et pour cause : toutes ces offres ne font parfois qu’une.

Une vague d’acquisitions accompagne cette convergence. En 2021, SAP, par exemple, s’est emparé de Signavio. Salesforce, de ServiceTrace. IBM, de myInvenio. En 2022, StreamSets est passé dans le giron de Software AG. PrimeApps et Wevo, dans celui de Jitterbit.

Il n’en reste pas moins que Gartner suit encore plus de 150 fournisseurs. Seize d’entre eux figurent dans le Magic Quadrant.

iPaaS : le code a changé…

On nous prie de ne pas comparer leurs positions à celles de l’an dernier. La raison : la grille d’évaluation a évolué, en conséquence d’un changement de périmètre. Les iPaaS spécialisés (spécifiques à un secteur d’industrie) sont désormais pris en compte, aux côtés des iPaaS généralistes.

Aux sommets du Quadrant lors de l’édition précédente, Informatica a disparu des radars. La faute à un critère non satisfait : fournir une solution autonome. Son iPaaS fait, en l’occurrence, dorénavant partie de sa plate-forme Intelligent Data Management Cloud.

Les six autres « leaders » de l’édition précédente le restent. Nommément, Boomi, Microsoft, Oracle, Salesforce (MuleSoft), SAP, TIBCO Software et Workato.
Même constat dans le carré des « visionnaires », où demeurent IBM, Jitterbit, SnapLogic et Software AG.

Ça bouge davantage dans le bas du classement. D’une part avec Talend, qui passe de « challenger » à « acteur de niche ». De l’autre avec Integromat, absent faute d’atteindre les seuils d’activité requis (35 M$ de revenus iPaaS sur l’exercice fiscal 2021 ou 1000 clients uniques).

L’exécution d’Oracle, la vision de SAP

Le positionnement dans le Quadrant se fonde sur deux dimensions. D’un côté, un axe « vision ». Il est centré sur les stratégies (sectorielle, géographique, commerciale, marketing, produit…). De l’autre, un axe « exécution » qui reflète la capacité à répondre effectivement à la demande (expérience client, performance avant-vente, qualité des produits/services…).

Sur l’axe « vision », les fournisseurs classés se placent dans cet ordre :

  Fournisseur
1 SAP
2 Oracle
3 Workato
4 IBM
5 Salesforce (MuleSoft)
6 Boomi
7 TIBCO Software
8 Software AG
9 Jitterbit
10 Microsoft
11 SnapLogic
12 Celigo
13 Tray.io
14 Huawei
15 Talend
16 Frends

Sur l’axe « exécution » :

  Fournisseur
1 Oracle
2 Workato
3 Microsoft
4 SAP
5 Tray.io
6 Salesforce
7 Boomi
8 TIBCO Software
9 IBM
10 Software AG
11 Celigo
12 SnapLogic
13 Jitterbit
14 Huawei
15 Talend
16 Frends

 

iPaaS : des stratégies produit en question

Aucun des « leaders » n’a droit à une remarque positive sur sa stratégie produit. Au contraire, Gartner distribue les mauvais points :
– Boomi : dépendance envers des partenaires sur les scénarios d’automatisation complexes
– Microsoft : peu ou pas de pistes d’amélioration des capacités d’intégration (EDI, IDP, transfert de fichiers managé…)
– Oracle : offre complexe à appréhender pour les cas d’usage les plus simples
– Salesforce : limites de connectivité de la brique MuleSoft Composer si elle n’est pas utilisée avec la plate-forme Anypoint
– TIBCO : pas d’intention d’étendre la couverture géographique des datacenters hébergeant son iPaaS

Tendance inverse concernant les stratégies sectorielles. Seul Microsoft hérite d’un mauvais point. Boomi fait partie des bons élèves, comme Salesforce et SAP. Ce dernier a su, explique Gartner, appliquer à l’iPaaS la logique verticale qui caractérise ses autres produits.

Microsoft se rattrape sur le volet innovation avec sa suite Azure Integration Services. Laquelle a connu, ces derniers temps, une forte croissance autant d’usage que de clientèle. Gartner salue aussi la manière dont le groupe américain a répondu à la tendance API-first, en améliorant de nombreuses fonctionnalités dans ce domaine (portail, observabilité, débogage, extensions Visual Studio…).

Chez Boomi, on ne peut pas en dire autant sur le critère « innovation ». En particulier à cause du retard affiché sur la concurrence pour ce qui est de toucher les métiers. À l’inverse, la marketplace d’intégrations Discover se distingue positivement. Tout comme la transparence sur les prix et la multiplicité des modèles de contractualisation.

Oracle se distingue quant à lui sur sa présence géographique, réseau de partenaires compris. Il affiche par ailleurs une certaine capacité de réponse aux demandes du marché. L’expérience client, en revanche, a une marge de progression, notamment sur les capacités CI/CD.

Réactivité et couverture géographique : Gartner distribue les bons points

Au rang des points positifs chez Salesforce, il y a aussi la présence géographique, autant pour les ventes que le support. Il y a aussi la cadence de mise à jour (bimensuelle) des solutions MuleSoft. Reste que si sa part de marché est sans égale, le volume de clientèle est moins important que chez beaucoup de concurrents. Le signe d’un positionnement premium, en tout cas encore perçu comme tel malgré impulsé avec l’outil d’intégration de données sans code Composer.

Présence géographique également saluée pour SAP. Autant sur l’empreinte datacenter (28 en propre et des partenariats avec les « trois grands » du cloud public) que sur le réseau de partenaires. Il y a encore, en revanche, des progrès à faire sur le marketing : nombreux sont les clients qui perçoivent la proposition de valeur comme limitée aux applications SAP. Autres points d’amélioration selon Gartner : la cadence des mises à jour et l’expérience client (tableaux de bord et analytics en particulier).

TIBCO est le seul à bénéficier d’un bon point sur la partie support, avec une communauté qui constitue une « boucle de feedback efficace ». Gartner note plus généralement la qualité de ses produits. Tout en regrettant que support et documentation se limitent globalement à des publics IT.

Outre l’efficacité de son marketing sur sa notoriété, Workato a pour lui une expérience client bien notée. Il fait par ailleurs preuve de réactivité dans la mise à jour de ses produits comme dans l’exploration des nouveaux usages (il fut, par exemple, l’un des premiers à avoir répondu à la convergence intégration/automatisation). Sa couverture géographique est cependant moindre que celle de nombre de concurrents. Workato a aussi du retard sur la verticalisation de ses offres – il entend le combler par des partenariats.

Photo d’illustration © ArtemisDiana – Adobe Stock