Paris Open Source Summit : fluctuat nec mergitur

La première édition du Paris Open Source Summit a été largement perturbée par le contexte sécuritaire. Plusieurs indices démontrent toutefois les progrès accomplis par le logiciel libre, devenu un secteur économique à part entière et un pan de la stratégie IT des plus grandes DSI.

Le Paris Open Source Summit, réunion des salons Solutions Linux et OpenWorld Forum, s’est ouvert hier dans une ambiance pour le moins tendue. Il était environ 9 heures quand une alerte relative à un camion présent tout près des Docks de Paris, à la Plaine Saint-Denis (93), a conduit les services de sécurité à boucler précipitamment les portes de la manifestation et à regrouper tous les participants au fond de l’espace d’exposition, dans l’auditorium. Le site où se tenait la première édition du Paris Open Source Summit n’est qu’à quelques kilomètres du centre de Saint-Denis, où les forces de l’ordre venaient, quelques heures plus tôt, de lancer une opération d’envergure contre un appartement abritant des terroristes présumés.

Ce n’est finalement que vers 10h30, devant un public logiquement assez clairsemé, que le programme de la manifestation a pu reprendre, un programme amputé de ses principaux invités de marque, Axelle Lemaire (la secrétaire d’Etat au Numérique) et Henri Verdier (le directeur du numérique au sein de l’Etat) n’ayant pas fait le déplacement en raison des récents événements.

6 milliards d’euros en 2020

Heureusement, une étude réalisée par PAC (Pierre Audoin Consultants) a permis à l’écosystème du libre de se compter. Selon le cabinet d’études, l’Open Source est devenu, en France, un secteur d’activité pesant 4,1 milliards d’euros en 2015, contre 3,7 milliards deux ans plus tôt. PAC s’attend à un taux de croissance annuel moyen de 9,1 % pour le secteur dans les quatre ans qui viennent. Ce qui devrait amener l’Open Source à un chiffre d’affaires total de plus de 6 milliards d’euros en 2020. « Il a fallu 15 ans de conviction et de travail pour que notre domaine soit reconnu comme un secteur économique à part entière », se réjouit Véronique Torner, qui préside la SSLL Alter Way et est à la tête du comité de programme de la manifestation (en photo ci-dessus).

L’Open Source devrait aussi créer entre 3 000 et 4 000 emplois nets par an sur la période, selon les chiffres de PAC. Croisé dans les allées du salon, le vice-président de Microsoft en charge de l’Open Source, Mark Hill, confirme la tension qui règne sur l’emploi autour des technologies Open Source : « C’est notre principal problème aujourd’hui. Nous avons des centaines d’emplois ouverts pour des professionnels ayant des compétences sur Linux ou l’Open Source. Nous cherchons notamment des architectes Cloud. »

PSA et Airbus : des économies, mais pas seulement

Jean-Luc Perrard PSA
Jean-Luc Perrard, PSA Peugeot Citroën.

L’appel d’air créé par les offreurs de solutions Cloud, comme Microsoft, est doublé d’une croissance des besoins dans les entreprises utilisatrices. Des entreprises qui, de moins en moins, considèrent l’Open Source uniquement comme un moyen de pression économique sur leurs fournisseurs traditionnels. « Au départ, ce sont les arguments technico-économiques qui ont aiguillonné notre intérêt pour l’Open Source, explique Jean-Luc Perrard, le DSI de PSA Peugeot Citroën. Mais, aujourd’hui, la composante logiciel libre fait partie intégrante de notre stratégie et elle est devenue source d’innovation. Ce qui n’exclut d’ailleurs pas les préoccupations économiques ! » La DSI du constructeur automobile travaille en ce moment à son futur plan d’évolution des infrastructures IT du groupe, plan où les technologies OpenStack, Elastic, Docker et CloudFoundry sont appelées à jouer un rôle, selon le DSI.

Peter Schoonjans Airbus
Peter Schoonjans, Airbus.

Le message est similaire chez Airbus. « L’Open Source est désormais moins une question de coûts qu’une question de temps », assure Peter Schoonjans, le responsable des infrastructures IT de l’avionneur européen. « Pour être compétitif, nous avons besoin de rapidité. Dans une société comme la nôtre, dont les carnets de commande sont pleins pour une durée de 9 ans, tout ce qui réduit les délais se traduit en rentrée d’argent », poursuit-il. Si le recours à l’Open Source constitue, à ses yeux, une manière de réduire la dépendance de l’industriel aux éditeurs de logiciels traditionnels, il débouche avant tout sur un changement de culture. « Son usage amène une façon de travailler plus ouverte, mais aussi plus attractive pour les collaborateurs », dit Peter Schoonjans. Selon lui, le recours au logiciel libre accroit le rythme des changements tout en facilitant l’alignement de la DSI sur les attentes des métiers et sur le plan de transformation numérique du groupe, mis en place par la direction de l’entreprise. Chez Aribus, Linux est devenu l’OS préféré sur les serveurs : il anime 51 % des 12 500 machines de l’industriel. L’avionneur franco-allemand a par ailleurs prévu de bâtir la prochaine version de son Cloud interne sur OpenStack.

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