L’IA se cherche un avenir et un rôle dans les entreprises

L’IA s’invite de plus en plus au sein des entreprises. Fiabilité, compétences, droit à l’erreur, conduite au changement, sont autant de sujets à prendre en considération.

Depuis quelques mois, l’intelligence artificielle est devenue le mot star de l’année 2017 et le Club de la Presse Informatique BtoB a mené une réflexion sur le sujet. Le terme et le concept ne sont pas nouveaux rappelle Bertrand Braunschweig, directeur du centre de recherche Inria à Saclay. « Par contre il y a une accélération depuis quelques années  avec l’arrivée de Watson d’IBM de Deepmind de Google, de Facebook M, etc. » Un avis partagé par le datascientist de Teradata, Stéphane Rion. « Ce qui change aujourd’hui, c’est la quantité de données et la capacité de traitement informatique. » Il faut dire aussi que les techniques d’IA ont évolué à travers le machine learning et plus encore le deep learning basé sur des réseaux neuronaux. Et les taux d’erreur diminuent d’année en année, par exemple  sur la reconnaissance d’images. « Ce taux atteint aujourd’hui l’équivalent des marges d’erreurs des humains », constate Bertrand Braunschweig.

Le choix de l’IA ou l’approche statistique

Fort de cet engouement, est-ce que les entreprises intègrent l’intelligence artificielle ? Il y a certains secteurs qui sont précurseurs en la matière, précise Valérie Perhirin, Big Data et Analytics Lead chez Capgemini. « Dans la sécurité, on est capable grâce au deep learning de reconnaître quelqu’un qui abandonne un bagage. » La sécurité est aussi mise en avant par Cyrille Bataller, directeur de l’IA chez Accenture. « A l’aéroport, on utilise l’IA pour la reconnaissance des empreintes digitales et la lecture du passeport. Aux Etats-Unis, dès 2006, le NIST a considéré que la reconnaissance faciale était plus précise que la reconnaissance humaine. »

Mais dans certains cas, une réflexion devra être menée sur la fiabilité de l’IA à répondre à différents problèmes. Chez Teradata, Stéphane Rion considère que « la fiabilité de l’IA est à géométrie variable, la reconnaissance des images ou du son est bonne, mais limitée dans d’autres domaines comme la reconnaissance de la parole. Il faut alors plutôt passer par des modèles statistiques ». Valérie Perhirin a eu l’occasion d’appréhender ce problème dans le cas de la CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales). « Nous avons travaillé sur la lutte contre la fraude aux minima sociaux comme le RSA. Pour cela, nous avions utilisé dans un premier temps du deep learning, mais on s’est vite aperçu que le résultat était peu pertinent. Nous sommes alors passés par une approche statistiques et en 8 semaines, 48 millions d’euros de fraudes ont été détectés. » Pourquoi ce décalage ? « Il faut poser la bonne question, dans le cadre du machine learning, la question était de découvrir des identités factices et non des fraudes », reconnaît la spécialiste.

Des compétences multiples pour intégrer l’IA

Si les exemples se multiplient, les spécialistes présents autour de la table recommandent d’y aller prudemment. « En général, on commence par une petite expérimentation pour vérifier que cela fonctionne et aussi quel sera l’impact sur la vie de l’entreprise », assure Stéphane Romand, Sales Consulting Director Big Data, Analytics, Middleware & Security chez Oracle. L’IA pose ainsi des questions sur les compétences et sur la façon de travailler. « Dans le cadre d’un projet de machine learning pour optimiser et fiabiliser les contrôles des douaniers, nous avons fonctionné en petite équipe en mode agile (4 semaines), il y avait des statisticiens issus des douanes qui sont montés en compétence sur les algorithmes. Au final, l’équipe comprenait des data scientitst, des data ingénierie, des gens capables de présenter les résultats et un architecte Big Data », explique Valérie Perhirin. Pour sa part, Stéphane Rion estime que les projets IA prennent plus de temps environ 6 mois et que plusieurs compétences sont requises en matière de langages « R, Java, etc. », mais aussi un savoir sur « Hadoop et Spark », ainsi que des connaissances sur les algorithmes d’IA.

L’emploi est souvent mis dans la balance pour pointer les effets néfastes de l’intelligence artificielle. De l’avis de l’ensemble des intervenants, des emplois vont disparaître à cause de l’IA, notamment les tâches qui ne sont actuellement pas automatisées. « Il faut donc penser à la conduite au changement et le facteur humain est encore très présent. Dans l’industrie, on voit émerger des robots non autonomes capables d’assister les humains », assure Stéphane Romand. Et l’IA peut servir aux ressources humaines à connaître le moral des salariés ou retenir des collaborateurs tentés par d’autres aventures, « grâce aux signaux faibles, nous pouvons anticiper 9 mois avant, la volonté de partir d’un collaborateur. La société peut alors essayer de le retenir », indique Valérie Perihrin. Une envie de prendre des cours de théâtre pour gruger l’IA et obtenir une augmentation ?

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