Reconnaissance faciale : de l’ombre sécuritaire à la lumière sanitaire

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Et si la reconnaissance faciale était, pour l’avenir, à la fois, notre masque, notre test PCR et recol’application TousAntiCovid ?

Connue plus particulièrement pour ses usages à des fins sécuritaires et les dévoiements autoritaires, la reconnaissance faciale, une grande avancée technologique en devenir, pourrait connaître une percée sans précédent afin de réduire les risques de transmission du virus dans notre quotidien.

La reconnaissance faciale : un développement à plusieurs vitesses mais des perspectives de développements solides

Développée par Sirovich et Kirby en 1987 et utilisée par Matthew Turk et Alex Pentland, du
Massachusetts Institute of Technology (MIT), pour la classification de visages en 1991, c’est une technologie « biface » qui sert l’individu, grâce à son authentification, mais également le groupe avec les techniques d’identification et de contrôle. Il faut donc distinguer ces deux usages qui ont des objectifs et des conséquences différents sur les libertés fondamentales des individus.

L’authentification est une technologie répandue et fiable. L’usage peut être individuel, placé sous l’entier contrôle de l’utilisateur comme le déverrouillage d’un smartphone mais peut aussi permettre l’accès à des services administratifs en ligne avec le système ALICEM (Authentification en ligne certifiée sur mobile) ou, dans le domaine privé, l’ouverture à distance d’un compte bancaire.

L’identification permet de reconnaître un individu grâce à ses données biométriques faciales. Son usage est pour l’instant plus limité et nécessite un consentement préalable par l’utilisateur.

En France, le cadre légal est strict et toutes les expérimentations sont très encadrées par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui les accompagne afin de ne pas freiner l’innovation (1). Ce cadre diffère néanmoins à l’échelle internationale.

Plusieurs pays ont répandu l’usage de la reconnaissance faciale dans l’espace public, notamment la Chine ou Singapour. Dubaï expérimente les « tunnels intelligents » dans son aéroport international où désormais 15 secondes suffiront pour vérifier l’identité de chaque passager. Le Conseil de l’Europe suit le sujet avec attention et a donné des lignes directrices pour l’encadrement de cette technologie.

Avec un marché mondial estimé à 12 milliards de dollars à horizon 2026 (2), l’enjeu commercial est considérable avec une croissance à deux chiffres. Les analystes de Global Market Insights estiment en effet un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 18% entre 2020 et 2026.

Au-delà des doutes et des inquiétudes, l’évolution de nos usages pourrait faire basculer ce marché sécuritaire vers un marché sanitaire et de facilitation.

Les inquiétudes dues à la méconnaissance de la reconnaissance faciale doivent être levées et les opportunités que donne son utilisation mises en avant, notamment pour mieux traiter les enjeux sanitaires mais aussi pour améliorer l’expérience des usagers. La crise sanitaire actuelle nous oblige à utiliser tous les moyens pour protéger et faciliter la vie des clients, usagers et citoyens.

Le potentiel de cette technologie est encore loin d’avoir montré sa pleine capacité et son potentiel d’amélioration de l’expérience client. En Chine, le paiement des achats avec la reconnaissance faciale est possible dans de nombreux points de vente grâce à Alipay, solution de paiement du géant du e-commerce Alibaba. A Singapour, l’OCBC Bank vient de donner la possibilité à ses clients d’utiliser leur visage comme moyen de vérification dans ses distributeurs automatiques de billets, évitant ainsi d’avoir recours à des cartes. En Europe, la reconnaissance faciale peut être utilisée pour valider les paiements en ligne (authentification forte) à la place des SMS, conformément à la directive européenne.

Au-delà de ces usages, la reconnaissance faciale permet de répondre à des enjeux sanitaires majeurs, notamment les contaminations et les pandémies qui nécessitent une gestion de masse. Le déploiement de cette technologie contribuerait à limiter la propagation des maladies infectieuses en réduisant les contacts avec les surfaces. C’est donc un atout dans la maîtrise des risques et la protection des citoyens.

Le Japon prévoit d’utiliser cette technologie lors des Jeux olympiques de Tokyo pour accéder au village Olympique et empêcher la propagation de la Covid-19. Initialement prévue à des fins de sécurité, la technologie pourrait prévenir les infections par contact mais aussi aider à réaliser des opérations de contact tracing, pour identifier les éventuels porteurs du virus : athlètes ou visiteurs. Le passeport vaccinal fait débat aujourd’hui mais il est probable qu’il doive être mis en place pour rétablir une libre circulation progressive des personnes.

En effet, les établissements recevant du public comme les hôtels, restaurants ou salles de spectacle pourraient soutenir sa mise en place afin de pouvoir accueillir leurs clients dans les meilleures conditions sanitaires. Et quoi de plus probant qu’une authentification du client par lui-même grâce à la reconnaissance faciale ? On pourrait imaginer un accès facilité aux salles de spectacles, avec un couplage à de la captation thermique. Cette configuration futuriste pourrait apporter une sécurité sanitaire et apporter une réponse concrète aux professionnels en ce qui concerne leur responsabilité en matière de protection des clients et usagers.

Les entreprises pourraient également rassurer leurs clients en intégrant le contrôle sanitaire collectif dans les points de vente. Ainsi, l’expérience client, sans devenir aseptique, pourrait intégrer le facteur risque et les possibilités du « sans contact », comme un gage de réassurance et de facilitation. Une utilisation cadrée est nécessaire pour répondre aux nouveaux usages et à une nouvelle forme de responsabilité collective.

Trouver le juste équilibre entre usage de la technologie et l’éthique

La technologie avance indépendamment de ses corollaires. Elle bouleverse parfois les habitudes et les certitudes. Elle inquiète souvent. Dans notre époque troublée, clarifier les impacts de chaque nouveauté entre vérités et fake news, notamment quand la technologie est autant liée à l’intime, est difficile mais indispensable.

Pour y parvenir, il faudra – dans les sociétés occidentales – conjuguer pédagogie, prudence et régulation. L’objectif est de viser l’encadrement plutôt que l’interdiction. Les expérimentations devront être connues et acceptées sans obligation par les utilisateurs. Ses usages seront d’autant plus utiles et reconnus qu’ils s’accompagneront d’un cadre précis, partagé et compréhensible par tous, pour une utilisation performante, vertueuse et éthique.

Dans tous les cas, il faudra gagner la confiance pour chacun des usages proposés afin de ne pas créer un a priori négatif qui pourrait contaminer toutes les opportunités d’une technologie prometteuse.

(1) Reconnaissance faciale – pour un débat à la hauteur des enjeux – CNIL – 11/2019
(2) Facial Recognition Market Growth Predicted at 18% Till 2026: Global Market Insights, Inc.


Auteur
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Senior manager
Square
Eric Blayo est senior manager chez Square, groupe international de conseil en stratégie et management.
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