Stéphan Ramoin, Gandi.net : « l’État français met en danger notre entreprise »

Stefan Ramoin

PDG de Gandi.net, Stephan Ramoin répond aux questions de Silicon.fr sur l’évolution de sa société, la multiplication des noms de domaine, sa nouvelle offre de cloud computing, la concurrence d’OVH ou encore son absence du projet Andromede de “Cloud à la Française”.

Silicon.fr – Avec plus de 1,3 million de domaines et 66 000 serveurs créés, quelle part de marché revendiquez-vous en France et en Europe ? Estimez-vous être le leader européen de la gestion de domaines ?

Stephan Ramoin – Nous sommes dans le Top 5 européen des véritables vendeurs de noms de domaines. J’entends par là que beaucoup d’hébergeurs donnent (ou vendent à perte) des centaines de milliers de domaines juste pour pouvoir avancer des chiffres flatteurs et placer, de manière plus ou moins forcée, de l’hébergement. Ce n’est pas notre cas et nos tarifs, tout en restant parmi les plus abordables, garantissent une vraie qualité de service, car nous avons des équipes clientèles compétentes, en France et donc près de nos développeurs.

Avec les nouvelles extensions voire les nouveaux alphabets, les déposants doivent sécuriser de plus en plus de domaines. Au-delà de l’intérêt de Gandi ou de l’Icann, pouvez-vous comprendre une certaine irritation de vos clients ?

Complètement, d’ailleurs nous n’avons pas l’intention de faire toutes les nouvelles extensions, mais celles pertinentes ou demandées par nos clients de manière explicite. Et nous ne nous privons pas de critiquer l’attitude de beaucoup de nos concurrents qui s’apprêtent à lancer telle ou telle extension, de manière directe ou indirecte. Pour nous, c’est un mélange des genres et nous ne souhaitons pas changer de métier : nous sommes des notaires virtuels, et ne voulons pas devenir agents immobiliers.

Gandi ne se limite plus aux domaines. Avec le recul, l’offre Gandi Flex a-t-elle été comprise par vos clients ? Quel regard portez-vous sur les offres de cloud computing de géants américains comme Amazon et Microsoft, ou d’un concurrent plus direct comme OVH ?

Gandi a été précurseur en Europe sur une vraie offre d’hébergement cloud, et non pas juste une resucée de choses faites ailleurs. En ce sens, nous essuyons les plâtres d’un marché qui évolue lentement, et plus encore en Europe par rapport aux US, par exemple. Il faut savoir que le chiffre d’affaires de notre segment de marché (cloud grand public en mode IaaS – Infrastructure as a Service) est généré très majoritairement là bas, et dominé outrageusement par Amazon.

Si nous considérons notre chiffre d’affaires aujourd’hui (qui s’établit en millions d’euros), le fait que nous soyons en France, et ce qui est fait par nos concurrents (que ce soit en termes de produits et de résultats), alors nous sommes très loin de rougir de notre performance sur cette offre. Notre objectif d’être une vraie alternative innovante et performante est atteint, et nous allons continuer en ce sens.

À l’instar de ce concurrent français, pourriez-vous proposer des offres télécom ou de stockage (type hubic) ou souhaitez-vous rester sur vos métiers historiques ?

Nous n’avons pas de volonté hégémonique comparable. Nous souhaitons offrir les meilleurs produits et les meilleurs services pour les particuliers, webmasters, PME qui souhaitent être présents sur le Web via les outils que nous proposons. L’accès internet, c’est un autre métier.

Nos produits vont bien évidemment suivre les besoins de nos clients. Par exemple, notre première offre spécifique, Simple Hosting, n’est qu’une première utilisation verticale de notre plateforme pour des besoins d’hébergement de site web. D’autres suivront (stockage ?, mail ? langages de programmation ? les choix sont infinis) pour bien montrer qu’il est possible de bénéficier des atouts du cloud (puissance, flexibilité, fonctionnalité), tout en restant abordable financièrement et simple. Cette combinaison d’innovation, de puissance et de simplicité est ce qui fait notre marque de fabrique pour nos clients.

Avec Andromede, les pouvoirs publics ont beaucoup parlé de cloud computing, mais ne semblent pas avoir pensé à solliciter des sociétés comme la vôtre. Est-ce une erreur de leur part ? Souhaitez-vous participer à la création d’un « cloud à la française » ? Sous quelle forme ?

Les pouvoirs publics français n’ont effectivement pas pensé à interroger la première entreprise française ayant déjà développé tout ou partie des technologies pour lesquelles ils investissent des centaines de millions d’euros de la poche des contribuables. Je trouve cela… dommage.

Le seul effet que je vois pour le moment est que leurs chasseurs de têtes (au budget illimité) viennent essayer de débaucher chez nous. Comme quoi ils savent où regarder quand ils le veulent. J’imagine que le bailleur de fonds (l’État français) devrait parler avec ses chasseurs de têtes et il comprendrait ce qui est en train de se passer. Non seulement nous ne sommes pas aidés, mais en plus l’État français met en danger notre entreprise avec ces pratiques.

De plus, et pour être complet sur ce dossier, je pense que ce projet, comme toute initiative comparable depuis 40 ans en France (malgré son budget indécent de 250 millions d’euros), est, à mes yeux, voué à l’échec. Donnez 10 % de cette somme à trois ou quatre PME réunies sous contrôle de l’État, et on vous sort un leader européen à tous les coups ! Mais là, désolé, je n’y crois pas. Aucune grande entreprise française n’a fait ce que nous avons fait, et ce n’est pas avec des centaines de millions en plus qu’ils vont y arriver. Il faut croire qu’ils avaient besoin de ces millions et disposaient des bonnes équipes de lobbying…