Crue de la Seine : quelles conséquences pour l’économie numérique ?

L’eau monte et la tension avec. Pour l’instant, la crue de la Seine ne met pas en péril l’activité de la capitale. Mais opérateurs de datacenters et spécialistes du secours informatique sont mobilisés. Et espèrent voir la décrue s’amorcer ce week-end.

« A ce stade, nous n’avons reçu qu’une pré-alerte relative à du support utilisateurs, pour 150 personnes environ, sur la région d’Orléans. Mais nous avons monté une cellule de crise en interne sur le sujet. » Pour Emmanuelle Servaye, la directrice marketing Europe du Sud de Sungard Availability Services, un prestataire spécialisé dans le secours informatique, la montée des eaux, qui frappe le Loiret et désormais la région parisienne, devrait n’avoir qu’un impact limité sur les entreprises, en tout cas les plus grandes d’entre-elles, qui ont l’habitude de faire appel à ce type de prestataires. Et seulement à condition que les prévisions météo soient respectées. « Nous surveillons particulièrement des zones comme La Défense et l’éventuel impact sur les transports de ces événements exceptionnels », reprend Emmanuelle Servaye.

Bien entendu, les installations clefs que sont les datacenters sont à surveiller de près. « Hier, nous n’avions pas d’adhérent impacté par les crues ou menacé par la montée des eaux, précise Philippe Luce, le trésorier du Cesit (Club des exploitants de salles informatiques et télécoms). Un datacenter est avant tout une usine électrique, ce volet représentant 60 % des investissements. Le risque que fait peser l’eau est donc le premier que coche les exploitants avant de mettre en production une salle. » On pourra à cet égard s’étonner de l’autorisation de reconversion d’une centrale d’EDF en datacenter à Champagne-sur-Oise, sur une boucle de l’Oise, fleuve pourtant connu pour l’irrégularité de son cours.

Fabrice Coquio,PDG Interxion France
Fabrice Coquio.

Chez le fournisseur de datacenters en colocation Interxion, Fabrice Coquio, le président de la filiale française, explique que son entreprise est « en état d’alerte », avec un point de la situation toutes les deux heures et une liaison directe avec les cellules Vigicrue des préfectures. « On notifie nos clients, surtout étrangers, de la situation. Nous sommes en vigilance jaune sur le nord de Paris et orange sur deux de nos datacenters, à Ivry-sur-Seine et Nanterre. Mais, pour l’instant, le niveau de l’eau sur la Seine reste inférieur à celui de la crue de 2010. » Par essence, toutefois, une grande partie du bassin parisien serait touchée par une crue exceptionnelle. « Seul un quart de la région parisienne, entre St Ouen et Pantin, y échapperait, détaille Fabrice Coquio, dont l’entreprise possède 5 datacenters dans cette zone. Et il faut aussi prendre en compte les éventuels débordements des réseaux d’assainissement que provoquent de fortes pluies. Ce que, in fine, je crains plus que les débordements de la Seine. »

Quid des noeuds et relais télécoms ?

Si les datacenters modernes ont tous intégré le risque de crue dès leur conception, on ne peut pas forcément en dire autant de toutes les salles informatiques ; certaines entreprises conservant des installations héritées de leur histoire et ne répondant pas toujours aux normes les plus strictes. Il y a quelques années seulement, une banque a ainsi déménagé son datacenter, pourtant central dans son activité, qui était jusqu’alors situé au sous-sol d’un immeuble du quartier de l’Opéra, quartier qui serait sous l’eau en cas de crue exceptionnelle. Contacté par Silicon.fr, le Crip (le Club des responsables d’informatique de production qui regroupe les directeurs de production informatique de grandes entreprises) affirme toutefois n’avoir reçu à ce jour aucun message relatif aux inondations et à leurs potentielles conséquences sur son réseau social.

Emmanuelle Servaye
Emmanuelle Servaye

Si les datacenters sont évidemment centraux dans l’économie numérique, il ne faut pas négliger les effets annexes. « Par exemple, si notre datacenter de Lognes serait épargné par une crue majeure, celle-ci aurait des conséquences sur les déplacements et sur les priorités des individus, donc sur les organisations », dit Emmanuelle Servaye. Côté opérateurs télécoms, la présence de noeuds d’interconnexion ou de relais en zones inondables pose également question. Selon une source, ce sujet suscite d’ailleurs quelques craintes chez les opérateurs qui ont hâte de voir la Seine amorcer sa décrue. Même si le maillage du réseau télécoms le rend, par nature, résistant à la perte de quelques équipements. Contacté à ce sujet, Orange ne nous a pas retourné notre appel au moment où nous écrivons ces lignes.

Le pic attendu ce week-end

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L'impact d'une crue du niveau de celle de 1910 sur Paris.

Jeudi matin, le niveau de la Seine frôlait les 5 mètres (contre environ 3,2 mètres mardi matin), l'eau remontant sur les jambes du zouave du pont de l'Alma. La statue sert de repère lors des crues de la Seine. En 1910, année de crue historique servant de référence, le niveau de l'eau avait atteint les épaules du zouave (soit 8,62 m). Le week-end prochain, les autorités s'attendent à un pic, avec un niveau compris entre 5,1 et 5,7 mètres, ce qui requiert « une vigilance particulière », selon la mairie de Paris.

Signalons que plusieurs entreprises du Loiret ont déjà subi les conséquences des crues du Loing et de l'Ouate. Comme le relèvent nos confrères d'ITespresso, l'activité s'est arrêtée hier sur la plate-forme logistique d'Amazon près d'Orléans. Le géant du e-commerce espérait redémarrer aujourd'hui. L'Usine Nouvelle note également les difficultés touchant les usines d'Hutchinson (un millier de salariés, à Montargis) - dont le site est inondé - de Shiseido (Ormes), de Sanofi (à Amilly) ou de Pierre Fabre (à Château-Renard).

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