Franck Simon (France-IX) : « Il manque un maillon dans la chaine de l’IPv6 »

Pour France-IX, le décollage de l'IPv6 dépend des opérateurs

Point d’échange Internet parisien, France-IX tarde à voir l’IPv6 transiter dans ses équipements. Le World IPv6 Launch inversera-t-il la tendance ?

Dire que France-IX est prêt pour l’IPv6 est presque une lapalissade. « Dès le départ, nous avons établi la typologie du réseau pour traiter l’IPv6 en natif, souligne Franck Simon, directeur général de France-IX, point d’échange Internet – ou nœuds de peering – parisien créé en juin 2010 et qui compte aujourd’hui 150 utilisateurs. Chacun de nos membres bénéficie d’une adresse IPv6, en plus de celle en IPv4, pour leur peering. Charge à eux de l’utiliser. »

Certains devraient la mettre en œuvre dès demain. Le mercredi 6 juin sera le premier jour du basculement officiel sur le nouveau protocole Internet, le World IPv6 Launch. Parmi ses membres, France-IX compte notamment Google et Microsoft, deux acteurs majeurs de l’Internet qui se sont engagés à basculer leurs contenus en IPv6. Franck Simon est persuadé que « le basculement à l’IPv6 va avoir un impact, car des membres importants ont prévu des initiatives à l’échelle mondiale. Il sera intéressant de voir à quel niveau l’IPv6 intervient dans leur trafic. » France-IX a notamment mis en place de nouveaux outils d’analyse plus fins, dont Sflow « pour déduire l’impact réel ».

Un trafic IPv6 insignifiant

Pour l’heure, le trafic IPv6 qui transite par les équipements de France-IX est presque insignifiant. Pourtant, sur les 128 membres qui utilisent le serveur de route de France-IX pour « peerer » (établir des liens entre eux), 69 utilisent l’IPv6. « Si les membres annoncent un préfixe en IPv6, cela ne signifie pas que l’utilisateur ou le contenu derrière sont en IPv6. Nous ne retrouvons pas la part de trafic IPv6. 99 % restent en IPv4. » De fait, France-IX compte 10 500 routes en IPv4 contre 560 en IPv6 aujourd’hui. Soit à peine plus de 5 % sous le nouveau protocole. Une disproportion imposante entre les usages et les entreprises déclarées IPv6.

Selon Franck Simon, la balle est dans le camp des opérateurs. Le cœur de réseau de ces derniers comme leurs boxes (celles de dernière génération à minima) sont « ready IPv6 ». Tout comme les OS des PC (sauf ceux qui refusent de se séparer de leur antédiluvien système d’exploitation d’avant l’an 2000). Autrement dit, le réseau est quasiment à jour de bout en bout. « Mais combien de fournisseurs d’accès attribuent une adresse IPv6 à leurs utilisateurs ? S’interroge faussement le dirigeant. On voit dans nos statistiques qu’il manque un maillon dans la chaîne. »

Les contenus ? Un faux problème

D’autant que les opérateurs qui proposent de l’IPv6 à leurs abonnés ne transportent pas forcément le trafic de manière native en IPv6 sur leur backbone, souligne notre interlocuteur pour qui le manque de contenus en IPv6 est un faux problème. « Si le réseau est IPv6 de bout en bout, il n’y a pas de problème. Les usages sont poussés par la demande, c’est le comportement de l’utilisateur final qui fait qu’une application a du succès ou non. » Sauf que l’utilisateur est bien démuni pour imposer l’IPv6 à son opérateur. « Si les principaux réseaux sociaux et les CDN (content delivery network, réseaux de serveurs caches, NDLR) basculaient en IPv6, cela changerait beaucoup la situation, estime Franck Simon. Il n’y a pas besoin d’avoir de nouvelles applications. Si celles qui existent déjà basculent en IPv6, on le verra au niveau du trafic. » Réponse à partir du 6 juin, donc.