Gestion des API : des besoins à mieux traduire

Magic Quadrant gestion API 2023

Les « leaders » du dernier Magic Quadrant de la gestion des API présentent une certaine capacité à interpréter les besoins du marché ; moins à les traduire commercialement.

En matière de gestion des API, comment l’offre évolue-t-elle ? Au fil des Magic Quadrants consacré à ce marché, une trajectoire se dessine.

En 2021, il fallait proposer au moins deux des cinq capacités suivantes :

– Portail développeurs (catalogue d’API en self-service)
– Passerelle(s) API native(s) ou tierce(s)
– Gestion des stratégies et analyse de l’usage
– Outils de conception et de développement d’API
– Outils de test

En 2022, les trois premières briques étaient devenues obligatoires. Les deux autres restaient facultatives, tout comme d’autres fonctionnalités « avancées » de type gestion d’écosystème et gouvernance automatisée.

Cette année, les outils de conception/développement et de test ont été hissés au niveau « standard », ne laissant optionnelles que les « fonctionnalités avancées » en question, auxquelles Gartner ajoute la monétisation.

Le cabinet américain a aussi revus les critères « business »… mais pas forcément à la hausse. Pour se classer dans l’édition 2022, il fallait au moins 200 clients payants et 40 M$ de CA annuel (ou 10 M$ pour les produits open core/open source) – maintenance et services professionnels inclus. Cette année, il ne fallait plus que 120 clients et 6 M$ de CA pour les produits open core/open source. Cela contribue à élargir le périmètre du Quadrant : aucun sortant, mais deux entrants, pour un total de 19 fournisseurs classés.

19 fournisseurs, 8 « leaders »

Le positionnement dans le « carré magique » de la gestion des API résulte de la combinaison d’évaluations sur deux axes. L’un prospectif (« vision »), centré sur les stratégies (sectorielle, géographique, commerciale, marketing, produit…). L’autre centré sur la capacité à répondre effectivement à la demande (« exécution » : expérience client, performance avant-vente, qualité des produits/services…).

Sur l’axe « vision », la situation est la suivante :

  Fournisseur
1 Axway
2 Google Cloud
3 IBM
4 Kong
5 Postman
6 Tyk
7 Gravitee.io
8 Salesforce
9 SmartBear
10 Software AG
11 Solo.io
12 Microsoft
13 WSO2
14 Stoplight
15 SAP
16 Boomi
17 AWS
18 TIBCO Software
19 Broadcom

 

Sur l’axe « exécution » :

  Fournisseur
1 IBM
2 Google Cloud
3 Microsoft
4 Salesforce
5 Axway
6 Software AG
7 Kong
8 AWS
9 SAP
10 WSO2
11 Tyk
12 Boomi
13 Postman
14 Gravitee.io
15 TIBCO Software
16 SmartBear
17 Solo.io
18 Broadcom
19 Stoplight

 

Les deux axes combinés, huit fournisseurs se positionnent en « leaders ». Nommément, Axway, Google Cloud, IBM, Kong, Microsoft, Salesforce, Software AG et Tyk.

Des besoins identifiés… mais pas toujours traduits

Sur l’aspect « compréhension du marché » (capacité à traduire les besoins en offres), Gartner distribue les bons points :

– Axway, en particulier pour sa couverture multicloud, ainsi que ses fonctionnalités de découverte et de traçabilité des API
– Kong, pour son approche orientée développeurs… et la popularité qui en résulte auprès de ce public
– Salesforce, tout particulièrement sur les volets conception, gouvernance et protection des API tierces
– Software AG, pour sa plate-forme webMethods, qui associe la composante intégration et se prête à la modernisation applicative
– Tyk, pour son positionnement en alternative « plus simple et moins chère »

À l’inverse, les mauvais points sont nombreux sur l’aspect « stratégie commerciale » :

– Google Cloud, pour son focus sur l’offre SaaS
– IBM, parce qu’il se concentre essentiellement sur sa base existante
– Kong, du fait que son offre axée service mesh et passerelle API peut être moins attrayante pour les initiatives portées sur la productisation
– Microsoft, parce que son offre est rarement adoptée en tant que produit autonome et qu’elle est peu utilsée hors cloud
– Software AG, parce que webMethods se prête plus à des cas d’intégration que d’ingénierie logicielle

Google, Microsoft et Salesforce pas vus comme « innovants »

Sur la stratégie produit, Away a droit à un bon point pour sa couverture de nombreux modèles de déploiement et use cases. Google Cloud, d’une part, pour la qualité des services et du support sur le développement d’API ouvertes. De l’autre, pour ses solutions ciblées banque/finance, retail et santé. Kong, en particulier, pour son architecture extensible (plug-in). Software AG, pour l’exhaustivité des capacités qu’il propose. Tyk, pour le niveau de prise en charge de GraphQL.

Au niveau du pricing, Gartner salue Google Cloud. Motif : un modèle simple qui ne limite pas le nombre d’API ou d’utilisateurs. Tyk a pour lui une version gratuite de son SaaS et une passerelle open source. L’appréciation est moins positive concernant Kong et Salesforce. Le premier, parce que le nombre de services gérés est un facteur clé de facturation – et que l’offre est donc peu adaptée à qui maintient beaucoup d’API peu utilisées. Le deuxième, parce que son nouveau modèle de tarification – qui a remplacé celui fondé sur les cœurs – a du mal à prendre.

Salesforce n’a pas non plus droit à un bon point sur le volet innovation : l’éditeur est « largement en réaction » par rapport au marché. Google Cloud a quant à lui fait passer le cœur fonctionnel de son produit au second rang, à la faveur de l’IA générative et de la sécurité des API. Pour ce qui est de Microsoft, il n’y a « pas eu d’innovations marquantes récemment »…

À notoriétés diverses

Pas salué sur la stratégie commerciale, IBM l’est en revanche sur la flexibilité de son offre API Connect, dont ont peut déployer les composantes séparément entre VMware, OpenShift, Kubernetes et les principaux CSP. Gartner note aussi la robustesse de son outillage de conception et de test d’API. Ainsi que la base de sécurité solide constituée en association avec Noname Security. Point de vigilance : d’un côté, la complexification du produit – et de son déploiement – au gré des acquisitions et des partenariats.

Beaucoup de « leaders » ont, d’après Gartner, des progès à faire en marketing :

– Axway, parce que son historique (transfert de fichiers managé, use cases traditionnels d’intégration) le prête à une notoriété surtout chez les populations d’ingés
– Microsoft, qui inscrit fortement ses produits dans le contexte d’Azure
– Software AG, dont l’offre est moins souvent sur les short-lists en tant que telle que celles des autres « leaders »
– Tyk, pour son manque de notoriété hors populations de développeurs

Tyk est le seul à faire l’objet d’un avertissement sur la question de la viabilité. Tout simplement parce qu’il est le « Petit Poucet » du Quadrant. Il lui manque par ailleurs une vraie stratégie sectorielle.

Chez Software AG, on est, au contraire, « leader en volume de revenus dans de multiples régions ». Mais un élément appelle à la vigilance : la récente prise de contrôle par le fonds Silver Lake. On surveillera donc l’évolution de la roadmap.

Illustration © AndSus – Adobe Stock