Comment l’intelligence artificielle va remplacer des millions d’emplois

L’intelligence artificielle permet aux machines de réaliser des tâches multiples, physiques ou à caractère intellectuel. Demain, des millions d’emplois seront remplacés par des robots ou agents virtuels. L’édition 2015 de Futur en Seine a été l’occasion de débattre de ce (futur) sujet de société.

Le cycle de conférences « humain et technologie » de Futur en Seine 2015, festival du numérique à Paris et dans sa région, a été l’occasion d’éclairer l’impact des avancées de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi. L’intelligence artificielle permet aux robots et machines connectées d’assurer des tâches multiples. Et les capteurs donnent aux smart machines les moyens de « percevoir » le monde physique et de travailler de manière autonome. Mais à quel prix ? Selon Gartner, un tiers des emplois dans le monde seront remplacés par des algorithmes et applications d’intelligence artificielle d’ici 2025. Mais ils ne détruiront pas forcément plus d’emplois qu’ils n’en créent.

Un continent virtuel dominé par les Gafa

Représenté lors de la conférence « robots et intelligence artificielle » du 12 juin 2015 au Cnam par Anne Dujin, de Roland Berger Strategy Consultants, Charles-Edouard Bouée, Pdg du cabinet de conseil, estime que le monde du travail de demain sera celui des continents virtuels. Internet ayant créé un 7e continent dominé par les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les Bat (Baidu, Alibaba et Tencent) chinois. Dans ce monde, les grands groupes du numérique auraient l’avantage sur les États… et sur les individus.

Selon le cabinet de conseil en stratégie, 3 millions d’emplois pourraient être détruits en France d’ici 2025 par la numérisation de l’économie. Les bas salaires, associés aux faibles niveaux de qualification, sont les plus exposés, dans l’industrie notamment. Mais des emplois qualifiés, « intellectuels », sont également menacés, essentiellement les emplois intermédiaires, des fonctions administratives aux métiers juridiques. Bernard Stiegler, philosophe, fondateur d’Ars Industrialis et directeur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) du centre Georges-Pompidou rappelant que « l’automatisation n’est pas que le robot, c’est aussi la data économie. »

Vers une intelligence « augmentée »

Nous ne devons pas être « stupidement pessimistes », explique toutefois Anne Dujin, « des emplois vont disparaître, certes, mais d’autres vont se créer ». À ce jeu là, les mathématiciens, data scientists et statisticiens sont les mieux armés pour s’imposer. Pour d’autres profils, les tâches « qui requièrent de la créativité, du sens artistique, ou de l’intelligence sociale et du contact humain, qu’elles se rapportent à un métier manuel ou intellectuel, peu ou bien qualifiés » seront préservées, indique Roland Berger Strategy Consultants dans un rapport publié à l’automne 2014. Difficile toutefois d’imaginer que ces profils pointus fourniront 3 millions d’emplois à la France d’ici à 10 ans, compensant ainsi les postes détruits par l’automatisation…

L’optimisme est de rigueur du côté de l’équipe d’Evernote, un éditeur de logiciel d’espace de travail. Cristina Riesen, directrice générale pour la région EMEA, préfère parler « d’intelligence augmentée » plutôt que « d’intelligence artificielle ». « La technologie ne va pas penser pour nous, a-t-elle expliqué, mais va proposer, enrichir notre expérience, faciliter le futur. Nous ne serons pas dans une opposition de type humains contre machines… Nous devons travailler ensemble pour inventer le futur du travail, il existe des opportunités. » On pense notamment aux sociétés coopératives dans lesquelles les associés détenant la majorité du capital sont les salariés.

Propriété universelle, plutôt que salaire universel

Pour Elso Kilpi, spécialiste du management et directeur du cabinet de conseil portant son nom, « la clé d’un nouveau modèle économique » dans lequel l’intelligence artificielle prendra de plus en plus de place « n’est pas le salaire universel, mais la propriété universelle. »

Pour Stefana Broadbent, anthropologue numérique et directrice de recherche sur l’intelligence collective au sein de l’agence de l’innovation britannique Nesta (National Endowment for Science, Technology and the Arts), la gouvernance et les choix politiques détermineront les conditions du travail futur. « La créativité nous sauvera, l’éducation et les compétences aussi. Mais le côté Disney – ‘allons tous chercher la force en nous, et nous trouverons tous du boulot’ – ne se vérifie pas sur le terrain. La précarité est grandissante, y compris dans des nations qui semblaient l’ignorer », remarque-t-elle.

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