Licenciements chez SFR, les syndicats avancent en ordre dispersé

Se sentant trahis, la CFDT et l’Unsa ont lancé une grève pour protester contre la politique d’externalisation chez SFR. La CGT appelle à la grève jeudi prochain. La CG-CFE essaie de recoller les morceaux.

Le greffe du tribunal de grande instance de Paris a validé la plainte déposée début septembre par la CFE-CGC pour escroquerie à l’encontre de SFR. Le syndicat entend dénoncer le non respect de l’accord sur la préservation des emplois que les dirigeants et propriétaires du groupe Numericable, filiale d’Altice, avaient signé en 2014 sur la préservation des emplois au sein de SFR à l’occasion de l’acquisition de l’entreprise à Vivendi. L’accord prévoyait qu’aucun plan de licenciement ne serait appliqué pendant 36 mois après signature du rachat garantissant leur poste aux salariés de SFR jusqu’en juillet 2017.

Or, « il est rapidement apparu aux salariés du nouveau groupe Numericable SFR que les engagements formellement et clairement pris […] par les dirigeants des sociétés ALTICE et NUMERICABLE ont été rapidement violés », avance la plainte dont Silicon.fr a pu consulter des extraits. Une accusation argumentée sur la base des travaux du cabinet Sextant, mandaté par le plaignant, qui estimait que « le suivi des effectifs était rendu pratiquement impossible par un changement régulier des évolutions d’organisation ». Et constatait la poursuite de la baisse des effectifs de l’entreprise. Des suppressions de CDI évalués à 253 fin août 2015. Un chiffre estimé à 1 260 aujourd’hui par les instances syndicales. Soit plus de 11% des effectifs du groupe. « Dont un grand nombre n’ont pas été remplacés », insiste la plainte sans que les représentants du personnels en aient été informés ou consultés. Une « politique de réduction délibérée des effectifs et de compression de la masse salariale [qui] caractérise […] une véritable escroquerie au sens de l’article 313-1 du Code pénal ».

La CFE-CGC isolée

Il est évidemment impossible de se prononcer sur l’issue de cette démarche. Laquelle n’est toutefois pas inédite. En septembre 1996, la Cour d’appel de Riom avait condamné une entreprise pour entrave au fonctionnement du Comité d’entreprise après avoir constaté une baisse sensible des effectifs qui résultait d’une stratégie de compression des postes. Il n’en reste pas moins que la CFE-CGE reste bien seule, pour l’heure, dans sa démarche. Les différentes organisations syndicales avançant en ordre dispersé depuis l’été.

Et plus précisément, depuis que les actionnaires de SFR ont évoqué, par la voix de Patrick Drahi, un prochain dégraissage au sein de l’opérateur dès la fin de l’accord de préservation des emplois. Résultat, en août dernier, les deux syndicats majoritaires, la CFDT et l’Unsa, signaient l’accord dit « New Deal » qui encadrait ce prochain plan de restructuration un an avant son application. Il concerne environ 5000 postes dont 1000 salariés issus de la branche distribution qui ne rentrent pas dans l’accord conclu en 2014 pour 36 mois. Ceux-là sont appelés à quitter le groupe avant la fin de l’année. Les départs des 4000 autres seront répartis entre juillet 2017 et 2019.

CFDT et Unsa crient à la trahison

Mais l’accord prévoit aussi des externalisations vers des filiales d’Altice, la maison mère de SFR. Ce point a été confirmé le 22 septembre dernier par le directeur général Michel Paulin. Il concerne essentiellement 1900 collaborateurs du service client qui devraient ainsi rejoindre la société Intelcia dès 2017. Environ 2000 agents du pôle réseau et SI devraient de leur côté intégrer la société ERT à l’horizon 2019.

Des externalisations, pourtant prévues dans l’accord New Deal, que la CFDT et l’Unsa considèrent aujourd’hui comme une trahison de la direction. Au point d’avoir lancé un appel à la grève auprès des salariés du service client « contre tout projet d’externalisation de la Relation Client Grand public », selon un e-mail de l’Unsa envoyé à ses adhérents et sur lequel Silicon.fr a mis la main.

Les députés s’inquiètent

De son côté, la CGT, qui n’a pas signé l’accord New Deal, appelle à la grève le 13 octobre prochain pour protester contre la politique de suppression des emplois de la direction. Un mouvement que soutient la CFE-CGC, sans nécessairement appeler à la grève, mais pas la CFDT ni l’Unsa.

Néanmoins, constatant l’inefficacité des mouvements de grève, la CFE-CGC souhaite reconsolider l’unité syndicale en s’appuyant sur une autre stratégie. L’organisation plutôt dévouée aux cadres proposera, la semaine prochaine aux autres syndicats, de réfléchir à de nouvelles actions pour défendre les emplois, voire dénoncer l’accord New Deal. La CFE-CGC invite notamment à s’unifier autour de sa plainte pour escroquerie contre la direction de SFR. « La CGT y réfléchit, la CFDT et l’Unsa ne répondent pas », nous a précisé Sana Iffach, déléguée syndicale centrale de la CFE-CGC.

L’union syndicale a pris un sacré coup dans l’aile chez SFR. Ce qui inquiète jusqu’aux députés. Les différentes organisations syndicales devraient ainsi être reçues jeudi prochain à l’Assemblée nationale par Corinne Erhel, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques sur les crédits Communications électroniques et économie numérique.


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